GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Toujours pas de « grande réforme fiscale » !

La suppression partielle de la 1re tranche de l’impôt sur le revenu n’aurait rien d’une « grande réforme fiscale ».

Le 17 septembre 2014, au lendemain de la majorité relative qu’il avait obtenue à l’Assemblée Nationale, Manuel Valls annonçait qu’il proposerait la suppression, en 2015, de la première tranche actuelle de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), la tranche à 5,5 %. Cette tranche concernait, en 2014, les revenus (par part d’imposition) de 6 011 à 11 990 euros.

Cette mesure aurait pour fonction de remplacer la baisse annoncée des cotisations sociales salariées sur les bas salaires (et des ressources de la Sécurité sociale), censurée par le Conseil constitutionnel.

Cette suppression serait, en fait, partielle, puisque la fraction de la 1re tranche d’imposition de 2014, qui allait de 9 691 euros à 11 990 euros ne serait pas exonérée. Le seuil de la tranche d’imposition à 14 % (qui deviendrait la nouvelle 1re tranche d’imposition) serait fixé à 9 690 euros en 2015 alors qu’il était de 11 991 euros en 2014. Le barème de l’IRPP serait donc « reprofilé ». Pour éviter un « effet de seuil » trop important pour les contribuables dont le revenu imposable (par part) serait situé entre 9 690 et 11 991, les conditions de la « décote » seraient modifiées. Cette décote bénéficie aux contribuables dont le montant brut de l’impôt sur le revenu est faible. En 2014, elle s’applique aux revenus dont le montant est inférieur à 1 016 euros par foyer fiscal (qu’il s’agisse d’une personne seule ou d’un couple). En 2015, elle devrait bénéficier aux contribuables dont le montant brut de l’impôt sur le revenu est inférieur à 1 135 euros pour une personne seule et à 1 870 euros pour un couple.

L’IRPP est un impôt progressif. Un contribuable disposant (par exemple), d’un revenu imposable (pour une part) en 2014, de 100 000 euros se voit appliquer un taux 5,5 % pour la partie de son revenu allant de 6 011 à 11 990 euros, un taux 14 % pour la partie de son revenu allant de 11 991 à 26 631 euros, un taux de 30 % pour la partie de son revenu allant de 26 631 à 71 396 euros, un taux de 41 % pour la partie de son revenu allant de 71 397 à 100 000 euros. Si la 1re tranche d’imposition à 5,5 % était entièrement supprimée, ce contribuable bénéficierait d’une baisse d’impôt. L’imposition, en 2015, au taux de 14 % de la part de son revenu imposable entre 9 691 et 11 990 euros, au lieu de 5,5 % en 2014, supprimerait cette baisse potentielle.

Les contribuables imposés aux taux de 14 % au-delà d’un revenu imposable de 11 990 euros et ceux imposés aux taux de 30 %, 41 % et 45 %, ne bénéficieraient pas de baisse d’impôt liée au « reprofilage » du barème d’imposition. L’effet de la suppression partielle de la tranche d’imposition à 5,5 % serait, pour eux, neutralisé. Leur impôt ne diminuerait pas, mais n’augmenterait pas non plus. Les seuils d’imposition ne varieraient qu’en fonction de l’inflation.

Cette suppression partielle de la première tranche d’imposition profiterait à 6 millions de contribuables. Le renforcement de la « décote » bénéficierait à 3 millions de foyers. 9 millions de foyers, au total, bénéficieraient donc, dans des proportions diverses, de ces deux mesures.

Cette mesure aurait, cependant, plusieurs limites

Elle diminuerait les recettes fiscales de 3,3 milliards. Les effets de cette mesure seraient neutralisés pour les revenus moyens et supérieurs. L’IRPP de ces revenus ne diminuerait pas mais n’augmenterait pas non plus. Il faudrait donc compenser autrement ce manque à gagner de 3,3 milliards d’euros pour les recettes publiques. Comment ? Un milliard d’euros avait déjà été comptabilisé dans la réduction exceptionnelle d’impôt consentie aux contribuables les moins aisés dans la loi de finance pour 2014. Cette réduction exceptionnelle serait pérennisée. Il resterait 2,3 milliards d’euros à compenser Comment ? Cela ne serait certainement pas (à moins que la majorité de gauche à l’Assemblée nationale n’en décide autrement) par l’augmentation de l’impôt sur les sociétés (l’IS) puisque le principe fondamental de la politique de François Hollande est de diminuer les cotisations sociales comme les impôts des entreprises. Ces 2,3 milliards d’euros de diminution des recettes fiscales ne pourraient plus être compensées que par une augmentation de la TVA ou par une diminution des dépenses publiques. L’augmentation de la TVA ferait sortir par la fenêtre l’augmentation de pouvoir d’achat que la suppression partielle de l’actuelle 1ère tranche d’imposition aurait fait rentrer par la porte. La diminution des dépenses publiques se traduirait par une diminution des prestations sociales ou des moyens des services publics. Ce serait les foyers les moins aisés qui en pâtiraient, tout particulièrement les foyers qui n’étaient déjà pas imposables en 2014 et qui sont totalement ignorés par la mesure préconisée par Manuel Valls.

3,3 milliards d’euros représentent une somme importante. Il suffit, cependant, de comparer ce chiffre à celui des 41 milliards d’euros accordés au patronat pour constater que les deux plateaux de la balance ne sont pas vraiment équilibrés.

L’IRPP est de moins en moins progressif. Le taux marginal d’imposition (le taux le plus élevé) était de 65 % en 1986 il n’est plus aujourd’hui que de 45 %. Il y avait 13 tranches d’imposition en 1992 (avant la réforme Balladur de 1993), il n’y en aura plus que 4 en 2015.

L’impôt sur le revenu représente (selon les chiffres de la CGT Finances) 15 % des impôts payés par un salarié gagnant 1 700 euros par mois, le salaire médian. Les 85 % restants sont des impôts indirects (essence et surtout TVA). Pendant des années, le Parti Socialiste, a répété que l’impôt sur le revenu était le seul impôt juste parce qu’il était progressif et que la TVA était l’impôt le plus injuste puisqu’il frappait du même taux d’imposition le PDG et celui ou celle qui vivait sous le seuil de pauvreté. Cela n’a pas empêché le gouvernement de Jean-Marc Ayrault d’augmenter de nouveau la TVA, dès décembre 2012.

La « grande réforme fiscale » à laquelle s’était engagé François Hollande supposerait une réforme d’une tout autre ampleur

Cette grande réforme implique une diminution importante de la TVA.

Elle demande le rétablissement de la progressivité de l’IRPP et le retour à 12 ou 13 tranches d’imposition.

Elle exige le retour au taux de 50 % de l’impôt sur les sociétés (l’IS), comme au milieu des années 1980, alors qu’il n’est que de 33 % aujourd’hui et, en pratique, de moins de 15 % pour les grands groupes.

Elle supposerait de revenir, comme François Hollande s’y était engagé (dans son 9ème engagement), sur les « niches fiscales » accordées aux ménages les plus aisés et aux grosses entreprises. Les « niches fiscales » des grosse entreprises sont les plus importantes mais elles semblent, avec le « pacte de responsabilité », devenues intouchables. La « niche Copé » (exonération fiscale en faveur des grandes entreprises votée en 2004) a été quelque peu « rabotée » mais de moins d’un milliard par an et continuera de permettre aux sociétés de continuer à bénéficier d’une niche fiscale de plus de 3 milliards chaque année. D’autres niches fiscales des grandes sociétés n’ont pas été remises en question. Elles représentent pourtant des manques à gagner d’une toute autre ampleur pour les finances publiques(1) : 34 milliards d’euros (en 2009) pour le « régime des sociétés mères-filiales » ; 18 milliards d’euros pour le « régime d’intégration fiscale »… Pire, le « pacte de compétitivité » de Jean-Marc Ayrault a ajouté une autre niche fiscale de 20 milliards d’euros au bénéfice du patronat ; le « pacte de responsabilité » de Manuel Valls en crée une nouvelle, de 21 milliards d’euros supplémentaires.

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(1): Assemblée nationale – Rapport d’information déposé par la Commission des Finances, présenté par M. Gilles Carrez, rapporteur général, député, 30 juin 2010. (retour)

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