GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Programme

L’unité de toute la gauche pour gagner

Nous vivons une période décisive. Quelle que soit l’issue de la mobilisation actuelle, Macron sortira de la séquence en cours largement affaibli. Qui sait ? Peut-être est-il en train de perdre sous nos yeux toute chance de l’emporter en 2022. L’érosion de son socle politique et électoral rend d’autant plus nécessaire l’unité de la gauche pour le faire reculer aujourd’hui, mais aussi pour le vaincre demain. C’est pourquoi il nous a semblé opportun de consacrer les pages qui suivent à un plaidoyer pour l’unité de notre camp, largement inspiré par la récente brochure de la GDS intitulée significativement Union (éditions Atlande).

Quand on nous demande, de façon naïve ou accusatrice, ce qu’est la gauche, nous ne devons pas commencer par égrainer les noms de dirigeants plus ou moins célèbres, ni par énumérer la liste exhaustive de la quinzaine de groupes actuellement constitutifs de la gauche. Nous avons d’abord à répondre avec fermeté : « La gauche, c’est une force sociale qui a pris conscience d’elle-même ».

La gauche, c’est l’unité du salariat

Si elle veut être à la hauteur de ses tâches historiques, la gauche se doit de représenter celles et ceux qui produisent les richesses de notre pays et n’en reçoivent pas la part qu’ils méritent. Rien de ce qui touche le salariat ne doit être étranger à la gauche. Elle a donc pour champ d’action les 30 millions de salariés actifs – 19 millions d’actifs occupés dans le privé, 5,5 millions d’agents publics et 6,5 millions de chômeurs, c’est-à-dire d’actifs temporairement privés d’emploi –, auxquels il faut ajouter 9 millions de jeunes qui sont des salariés en formation et 14 millions de retraités qui vivent au jour le jour et en temps réel des cotisations fournies par ceux qui travaillent.

La gauche ne défend pas les intérêts particuliers d’un clan, d’un groupe, d’un parti, d’un syndicat, et encore moins d’un lobby. La gauche défend les intérêts du salariat dans son ensemble, dans sa majorité. Elle s’oppose, pour cela, au patronat, à l’actionnariat, dont les intérêts sont frontalement opposés aux siens.

Parce que le salariat est exploité. Parce qu’il souffre au travail. Parce que le capital – ce « travail mort » accumulé, dont parlait Marx – détruit le travail vivant, qui est la seule richesse des nôtres. Parce que les oppressions spécifiques que subissent les femmes, les minorités sexuelles, mais aussi les travailleurs immigrés et les étrangers, sont structurées et par-là même aggravées par le domination capitaliste. Parce que le capital, prédateur et court-termiste ne sauvera jamais ni le climat, ni la planète. En ce sens, la défense du salariat est la plus grande et la plus belle des « causes ».

Sa place dans le processus de production est décisive, incontournable, irremplaçable, et pourtant ses dizaines de millions d’êtres humains sont , invisibles, humiliés, mal payés, mal traités ; leur vie quotidienne pénible, éreintante et parfois même destructrice.

En France, il y a neuf millions de pauvres en dessous de 900 euros par mois, 7 millions de retraités autour de 1 000 euros, deux millions de salariés payés au Smic à 1 202 euros nets. Le salaire médian est autour de 1 700 euros et 98 % des salariés gagnent moins de 3200 euros. Il y a entre 15 et 18 % de précaires de tout type, près de 20 % de temps partiels, dont 85 % occupés par des femmes. Les « cadres » sont soumis à des horaires abusifs, excessifs et dangereux Près de six millions de salariés travaillent 60 heures par semaine, tandis que six millions sont privés d’emploi...

Les trahisons mènent à l’abstention

Bien sûr, dans le salariat, il y a des électeurs qui ont toujours voté à droite ; soit pour la paroisse, soit pour le château, soit pour le « bon » patron. Autant dire pour « not’bon maître ». Celui qu’évoque si bien Brel dans Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? : le responsable tout-puissant de la misère humaine dont les plus fatalistes espèrent qu’il finira par alléger le fardeau de ceux qui ploient sous ses exigences. Il convient naturellement de disputer le suffrage des salariés qui votent traditionnellement à droite ou à l’extrême droite. Mais il faut également gagner à notre cause les employés, les ouvriers, les exploités et les précaires qui n’y croient plus et qui s’abstiennent.

L’abstention structurelle est faible en France. Mais l’abstention conjoncturelle peut être massive. Le système électoral s’y prête, surtout depuis la fatale inversion du calendrier voulue par Lionel Jospin. Le présidentialisme est si prégnant que les législatives qui suivent sont mécaniquement perçues comme inutiles. Ainsi, en juin 2017, le parti en carton-pâte de Macron, composé d’inconnus arrivistes, incompétents et sans implantation, a obtenu une « majorité »... avec 58 % d’abstentions ! On est loin de la déferlante ! Dans les faits, de 11 à 13 % des inscrits avaient alors voté En Marche – score que la formation présidentielle a de nouveau atteint le 26 mai 2019, mais avec un électorat fort différent !

D’une élection à l’autre, un constat s’impose : il y a rarement de changements de camp entre gauche et droite. Les ouvriers de gauche et syndiqués, même quand ils sont ulcérés par les politiques menées par leurs partis au pouvoir, ne  se mettent pas à voter brusquement pour la droite. De même, les travailleurs dupés qui sont séduits par les thèmes xénophobes, populistes et autoritaires de nos ennemis ne vont pas subitement rejoindre notre camp.

En revanche, il peut y avoir des basculements, au sein de la droite comme de la gauche, vers l’abstention. Ce phénomène peut devenir massif dans notre camp. Particulièrement lorsque des partis de gauche au pouvoir n’ont pas répondu aux attentes placées en eux (1986, 1993). En 1993, la droite avait connu un raz-de-marée favorable en sièges, alors qu’elle avait obtenu en chiffres absolus moins de voix que lorsqu’elle avait perdu en 1981 !

De façon continue, les salariés sanctionnent les libéraux de la droite traditionnelle et le libéralisme quand la gauche commet la faute de ne pas rompre avec. Pour battre Sarkozy en 2012, ils se sont mobilisés ; pour sanctionner Hollande de 2014 à 2017, beaucoup se sont abstenus. Notre tâche, c’est de rétablir la force du salariat, condition sine qua non pour changer la vie.

Rassembler : mission impossible ?

Au lieu de passer leur temps à pointer les « divisions », des « disparités », des « différenciations » au sein de la gauche et du salariat, l’activité centrale, pour les militants de gauche, devrait être de défendre les points communs et de les renforcer. L’union est un combat. Tous ceux qui enfoncent la gauche s’enfoncent eux-mêmes. Régulièrement, la « base » sait imposer le chemin unitaire, même aux plus hargneux des bureaucrates.

Car le salariat s’est étendu ! Car il est la seule force dont les intérêts sont frontalement opposés à la classe minoritaire des exploiteurs. Car il accumule des traditions, des pratiques, des cultures. Car « son niveau monte » ! Il n’est plus en majorité analphabète ; il est davantage formé, éduqué, qualifié. Même si médias et désinformations économiques réussissent à brouiller les cartes, des millions de salariés comprennent les mécanismes de surexploitation et la dictature financière.

Il y a même, et pas seulement en France, mais dans le monde entier, des gens simples qui sont de plus en plus indignés que 87 personnes possèdent autant que la moitié des humains. Reste à ce que la majorité de ces millions d’humains accepte de comprendre et de croire qu’il n’y a pas fatalité, que c’est possible de changer ce monde, puis d’agir.

« Nous sommes les 99 ! », criaient à juste titre les activistes d’Occupy Wall Street, fin 2011. Face à la dictature du capital, face à l’indécence et à l’insolence de ceux d’en haut, il faut regrouper toutes celles et tous ceux qui refusent que le monde soit régi par et pour le 1 %. Qu’elles ou ils se reconnaissent comme membre du salariat importe en l’occurrence moins que le fait qu’elles et ils s’indignent et se mobilisent. Il faut faire converger les luttes ! Non seulement parce qu’elles sont justes en soi, mais aussi et surtout par ce que l’on ne sait pas d’où partira la prochaine lutte d’ensemble qui permettra de remettre en question la domination de la classe (caste ?) dominante. Cette lutte peut partir d’un mouvement de défense des retraites ou l’assurance maladie, d’une grève d’ensemble sur les salaires, mais aussi d’une mobilisation anti-raciste ou encore d’une campagne de masse contre le basculement climatique.

Faire du neuf avec... du neuf ?

De quelles forces dispose la gauche ? Huit à dix syndicats, douze à quinze partis, des milliers d’associations et des millions de militants disponibles : telle est la gauche organisée qui correspond à la sphère du salariat. Peut-on, comme le croient certains, « passer par-dessus » ? Non bien sûr. Quel en serait l’intérêt ? Ce qui est organisé est déjà une base de départ incontournable. Pour dépasser les partis, il faut additionner les partis, pas les ignorer.

Impossible de « faire du neuf » sans amalgamer l’ancien, sans tirer le meilleur des leçons du passé. Chercher à repartir de zéro est imbécile, c’est se préparer à d’amères désillusions faute de mémoire, d’expériences. Sans passé collectif on n’a pas d’avenir. Il faut puiser dans les générations antérieures ce qui a marché et trier ce qui a échoué. Sans théorie, pas d’avancée possible. Or, les théories sont forgées dans les décennies précédentes. Pour les actualiser, il faut connaître l’histoire. Celui qui n’a pas d’histoire n’a pas de futur.

C’est pour cela qu’il faut tirer le bilan détaillé des trahisons comme celle d’Hollande-Valls-Macron. Il faut l’enseigner. Il faut montrer qu’il y a une autre voie, sérieuse, concrète, forte et unitaire à gauche pour les salariés.

Certains disent « C’est le passé. N’en parlons plus ». Mais il faut en parler ! Car une telle trahison peut se reproduire, hélas ! Ignorer le bilan maudit de Hollande, c’est se condamner à le rencontrer à nouveau.

La désespérance n’est pas une fatalité

La France est un des pays les plus politisés du monde. Il existe quatre à cinq millions de citoyens qui ont été membres actifs de partis, de syndicats et d’associations de gauche. Cela ne suffit pourtant pas pour gagner. Car il y a 44 millions d’électeurs en France et qu’il faut en convaincre plus de 20 millions pour obtenir la majorité . Entraîner ces 20 millions exige une détermination sans faille de la part des militantes et des militants de gauche. Sinon, c’est la défaite assurée. Comme quand nous nous efforçons d’obtenir les 4,7 millions de signatures nécessaires pour imposer un référendum sur la privatisation d’ADP, il faut convaincre. Toujours, inlassablement et le plus possible.

Mais sympathisants et militants ne sont évidemment pas au même niveau d’activité, de sacrifice de leur temps, de leur argent et de leur carrière. On dénombre deux millions de syndiqués dans la dizaine de confédérations, de fédérations et d’unions syndicales, quelques centaines de milliers d’adhérents dans la quinzaine de partis de gauche qui existent aujourd’hui, des millions de membres d’associations se réclamant du noble combat pour la dignité humaine. Ce sont manifestement les plus volontaires des nôtres, les plus dévoués ; ils sont abonnés à la presse activiste, et ils paient des cotisations, ils participent à des réunions et des mobilisations.

Beaucoup sont victimes de découragements, de déceptions, de résignation même. Leurs organisations les ont parfois déçus. À cause des bureaucraties, des arrivismes, des trahisons, de renégats du type de ceux qui, en grand nombre ont quitté la gauche en général, et le PS en particulier, pour rejoindre la droite ultra de Macron. C’est arrivé plusieurs fois dans l’histoire.

Quand les militants « rejettent les partis », ce ne sont pas les partis qu’ils rejettent, mais l’absence de démocratie en leur sein. La « crise du militantisme », c’est la crise de l’implication de la reconnaissance, de la loyauté, de la transparence, de la fraternité démocratique.

Il faut retrouver la force, rassembler celles et ceux qui ont de l’expérience et sont prêts à « relever l’espoir » ! Il faut redonner envie, retrouver les anciens, pas les écarter. Pour ça, il faut donner le maximum de garanties de démocratie, de participation, d’engagement, d’exemples positifs, sur des objectifs qui changent vraiment la vie.

À partir des besoins immédiats, le salaire, l’emploi, le partage du travail et des richesses.

Comment travailler ensemble ?

Par le biais d’un comité de liaison, bien sûr ! Empiriquement, c’est ce qui s’est fait, de manière balbutiante entre 2018 et 2019.

Depuis 2017, il y a eu ce qu’on appelle une « réunion unitaire » nationale à Paris, soit contre les ordonnances anti-travail de Macron-Pénicaud (2017), soit en défense de la SNCF et des cheminots (avril 2018), soit pour « la marée populaire » (mai 2018), soit en soutien aux Gilets jaunes et contre la répression (2019), soit en défense du climat (à partir de la marche de septembre 2018), soit en défense des droits des femmes, soit en défense des droits des immigrés, soit pour des mobilisations plus ponctuelles... Se retrouvent dans ce cadre souple une trentaine de représentants d’au moins quinze de ces partis, souvent avec la participation d’associations comme Attac, Copernic, et de syndicats ou fédérations CGT, Sud, FSU.

Trente représentants, quinze groupes. Et ça ne suffit pas encore pour faire une « Marée populaire », même en voulant les dépasser par un « melting pot-au-feu ». Ça ne suffit pas pour emporter la majorité du salariat avec les cheminots et les Gilets jaunes. Mais cela a permis quelques avancées.

Aux yeux de millions de salariés, tous ces groupes ne sont pas connus. Mais ils le seraient s’ils formaient un tel comité de liaison. C’est encore obscur. Il n’y a pas de direction unique, de force suffisante. Pas de quoi créer l’enthousiasme si nécessaire. Mais difficile de ne pas partir de là.

Syriza, dans sa phase de construction entre 2003 et 2013, a agi ainsi : c’était une « coalition de la gauche radicale ». Elle a fait barrage aux fascistes d’Aube dorée et elle est passée devant le Pasok pour parvenir au pouvoir.

Au Portugal, alors que les désaccords à gauche étaient historiques et immenses, alors qu’ils paraissaient insurmontables, les électeurs ont donné une majorité de 21 sièges d’avance à la gauche PSP, PCP, Bloc de gauche. Les trois groupes avaient le choix : renoncer à exercer leur majorité et laisser la droite gouverner encore ou s’allier ! Ils l’auraient payé cher ! En 72 heures ils ont rédigé une plate-forme commune pour gouverner. Oh, c’est très loin d’être parfait : débats, controverses, difficultés continuent et continueront tant qu’il n’y aura pas de transformation anticapitaliste. Mais c’est autrement mieux que les sales coups que Macron fait pleuvoir sur les nôtre, et que tout ce que les libéraux font subir aux autres peuples de l’Union européenne !

Susciter l’envie, initier un chemin

Toutefois, un simple accord au sommet ne suffit pas ; il faut qu’une dynamique naisse, notamment sur le plan électoral. Or, les votes vont à la notoriété, à la présence, à l’action, à la force, autant sinon plus qu’aux détails du programme. L’union est un combat permanent. Les millions d’électeurs ne votent pas tant sur le programme que sur ce qui leur apparaît comme les chances de le réaliser...Si une démarche commune et fédérale démarre, elle intéressera vite un premier cercle de sympathisants et deviendra vite populaire. Si elle pousse l’opinion, tout penchera plus loin, plus facilement à gauche. Essayez de susciter une dynamique populaire sans passer par les partis et coalitions ! C’est impossible. Et si vous agissez comme nous le préconisons, alors vous aurez infiniment plus de chances d’aller plus loin et de dépasser les partis, et leur coalition telle qu’elle se présentait au moment des premiers accords.

Ce type de pas en avant vaut mille fois plus que la sanctification du meilleur des programmes.

Aux élections européennes du 26 mai 2019, les sondages l’indiquaient clairement : s’il y avait une liste unique de ces groupes, la gauche était en tête, au-delà de 30 %. Lors des débats télévisés, les six listes de gauche tenaient, aux yeux de millions de salariés, un langage voisin. En cas d’unité la dynamique aurait peut-être été plus loin que 30 %, tant le rejet de Macron était fort. Mais avec six listes de gauche entre 13,7 %, 6,6 %, 6,5 %, moins de 3 %, moins de 3 % et 0,5 %, l’immense majorité de l’électorat de gauche s’est abstenue sans même lire les programmes en détail. Le sentiment dominant a été que c’était raté, l’écœurement a fait le reste, il y a eu 48 % d’abstentions, en majorité dans le salariat.

Ce serait pareil pour la présidentielle à venir, car c’est un scrutin si pervers, si complexe, si clivé sur la personnalité qui va gagner et ensuite emporter la majorité aux élections législatives, que les décisions imposent calculs et coalitions préalables. Macron amène Le Pen, sa politique libérale brutale le condamne à ne pouvoir apparaître comme un « barrage » à Le Pen. Pourquoi y aurait-il un sursaut en sa faveur ? Le danger est donc grand s’il n’apparaît pas une autre issue à gauche ! Et elle ne pourra se faire sans unité à partir des groupes préexistants.

L’élaboration d’un nouveau programme de gouvernement prenant en compte les luttes du salariat, dans son ensemble, mais aussi le féminisme, l’antiracisme et la lutte contre le basculement climatique, devrait être la boussole de tous ceux qui veulent éviter le pire et unifier sur ce programme.

À ceux qui affirment qu’un tel regroupement ne serait pas « crédible » pour la masse des électeurs ou que le programme qui en découlerait serait « trop à gauche » pour l’emporter, nous feront remarquer que, quand ils se sentent libres et surs des choix qui vont être faits, les électeurs français n’ont pas peu de grand chose. Lors du premier tour de la présidentielle de 2002, ils ont donné jusqu’à 11,5 % des voix aux trois groupes trotskistes (NPA, LO, POI) qui existaient alors. À l’époque, Lionel Jospin paraissait gagnant presque à coup sûr au second tour et les salariés ont donc poussé plus à gauche. Pour indiquer la voie qu’il fallait emprunter.

Ne pas rééditer 2017, ni 2002, mais 1936 !

En 2012, les études l’avaient bien démontré : l’électorat de François Hollande et celui de Jean-Luc Mélenchon était le même. Là où Hollande était fort, Mélenchon était fort ; là où Mélenchon était fort Hollande était fort. Ils ne s’opposaient pas ; ils se complétaient et de nombreuses et fortes passerelles existaient. C’est faute d’alliance, et par les choix réactionnaires de Hollande & Cie, que tout est allé à vau-l’eau.

En 2016-2017, si elle était réalisée, l’unité Mélenchon-Hamon était donnée en tête au second tour, dans tous les sondages qui l’étudiaient. Puis, la dynamique alla vers Mélenchon et des millions d’électeurs socialistes se prononcèrent finalement pour lui – en tant que candidat le mieux placé – afin qu’il y ait un candidat de gauche présent au second tour. Il obtint 19 %. Il aurait franchi le cap s’il avait pu convaincre les 6 % d’électeurs, qui restèrent à Benoît Hamon, de voter pour lui. Mais c’était impensable sans un accord politique signé et public entre les deux candidats. Ni Jean-Luc Mélenchon, ni Benoît Hamon, ne voulurent de cet accord qui aurait abouti à une situation inédite où Mélenchon aurait été président et Hamon Premier ministre, inaugurant une nouvelle page de l’histoire de la gauche en même temps que de la République... Ils perdirent séparément et nous firent perdre tous ensemble, en permettant l’irruption de Macron.

Décidément, le meilleur des programmes ne suffit pas, sinon cela fait longtemps que le socialisme l’aurait emporté partout... La première condition de la victoire, ce n’est pas le programme, c’est l’unité. La victoire des forces constituant le Front populaire, en mai-juin 1936, est là pour nous le rappeler. Le programme du Rassemblement populaire était largement en deçà des revendications de la CGT réunifiée, comme de la SFIO et du PCF. Mais les salariés n’ont pas voté pour le catalogue de vagues mesures et de bonnes intentiosn mis au point en quelques semaines par les forces de gauche ; ils ont voté pour la victoire qui était enfin à leur portée ! Ils ont voté pour l’unité !

La seconde leçon de 1936, c’est que pour gagner vraiment, une « insurrection civique » ne suffit pas. Il faut une « insurrection sociale ». Il faut que le mouvement social soit assez puissant pour mobiliser, marquer les esprits, imposer ses thématiques et ses revendications dans la campagne électorale, faire pression, en tant que dépositaire de la victoire politique, sur le pouvoir fraîchement élu. C’est ainsi que des conquêtes démocratiques et sociales peuvent actuellement être obtenues. Si l’unité politique et syndicale s’ébauche, même à tâtons, des millions d’électeurs salariés y verront à juste titre une promesse de lendemains meilleurs !

Pour une dynamique novatrice

S’il y a un émiettement désastreux à gauche, il y a aussi a contrario des raisons d’espérer.

Plus personne ne peut prétendre à l’hégémonie. Le centre de gravité de la gauche est bel et bien à gauche. Et c’est autour de ce centre de gravité qu’on peut reconstruire. Les différents appels qui ont éclos au lendemain des européennes du 29 mai 2019 convergent largement sur le fond. Rien ne justifie qu’une nouvelle hégémonie apparaisse. De Place publique au NPA, si des différences existent, il y a aussi un champ de convergences important.

C’est de là qu’il faut partir, en acceptant de discuter de toutes les questions sans exclusive. Dans l’immédiat, la convergence des appels (Marée populaire, Sursaut, Big Bang, Convergeons...) est un premier pas. Cette convergence peut se décliner sur tous les territoires et engager une dynamique salutaire. La constitution d’un comité de liaison ouvert de toute la gauche politique, sociale et écologique serait un pas supplémentaire.

Sans attendre, c’est la responsabilité de chacune et de chacun d’organiser ces convergences dans des assemblées citoyennes ouvertes, des collectifs locaux sur le social, l’écologie, la démocratie.

Le fait de mener des campagnes communes sur ADP, évidemment sur les retraites, sur le droit du travail et les licenciements, mais aussi sur le climat, sur l’assurance chômage, sur les services publics ou encore sur la santé, est le gage d’une dynamique féconde. Alors, allons-y !

Nous reproduisons ici le dossier du numéro de janvier de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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