GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Les réformes Schröder ? Non merci

Nous reproduisons, avec l'autorisation de son auteur, un "point de vue" de Guillaume Duval, rédacteur en chef d'Alternatives Economiques, paru dans Ouest-France le 25 septembre.

Il faut s’inspirer des réformes menées outre Rhin par le chancelier Gerhard Schröder au début des années 2000. François Hollande l’avait dit la semaine dernière et Manuel Valls est allé chercher dans la foulée la bénédiction d’Angela Merkel pour son programme schröderien. Il s’agit là pourtant d’une impasse qui ne peut qu’aggraver la situation en France et en Europe.

Le « modèle allemand » comporte beaucoup de caractéristiques intéressantes : un système d’apprentissage à juste titre envié, une organisation décentralisée du pays qui accroit la résilience de son économie et surtout une gouvernance d’entreprise très particulière. Notre voisin est sans doute le pays au monde où les entreprises appartiennent le moins à leurs actionnaires avec un droit de veto des comités d’entreprise sur la plupart des décisions managériales importantes et des conseils d’administration où siègent une moitié de représentants des salariés à côté d’une moitié de représentants des actionnaires. Il faudrait en effet s’inspirer de ces éléments là même si c’est difficile tant ils sont étroitement liés à l’histoire particulière de nos voisins.

En revanche les réformes menées par Gerhard Schröder ont profondément miné l’économie et la société d’outre Rhin en en faisant un pays où désormais la pauvreté – notamment chez les personnes âgées - et les inégalités – notamment entre hommes et femmes - sont devenues plus fortes qu’en France. L’austérité appliquée par Schröder aux dépenses publiques n’a pas empêché les déficits de se creuser - il a ajouté 380 milliards d’euros à la dette publique allemande – à cause de la stagnation qu’elle a provoquée. Mais elle a entraîné une forte dégradation des infrastructures collectives du fait d’un sous investissement chronique. Elle a aussi empêché le pays de se doter de structures d’accueil des jeunes enfants, ce qui a aggravé ses problèmes démographiques.

Si malgré cela l’Allemagne s’est redressée ces dernières années c’est parce qu’elle a bénéficié des avantages de court terme de ce déclin démographique, moins de dépenses pour les jeunes et d’emplois à trouver pour eux et surtout pas de bulle immobilière, elle a profité également de la chute du mur en intégrant dans son système productif les pays à bas coût d’Europe centrale et orientale et de sa spécialisation – ancienne – dans les machines et les grosses berlines quand la demande des pays émergents – et en particulier de la Chine – a explosé. Mais cela n’a rien à voir avec Gerhard Schröder.

Si les réformes Schröder n’ont pas eu un impact encore plus négatif c’est uniquement parce que, à cette époque, l’Allemagne était heureusement la seule à mener une politique aussi antisociale. Si la France s’engage à son tour aujourd’hui dans une démarche analogue, ce ne sera, par contre, évidemment pas le cas. Suivre les pas de Gerhard Schröder c’est, pour la France et l’Europe, la certitude de s’enfoncer dans une stagnation prolongée, très coûteuse en termes de chômage, qui empêchera aussi de rétablir les comptes publics. Cela ferait donc courir un risque inconsidéré à la démocratie dans un pays où l’extrême droite atteint déjà des scores impressionnants ainsi qu’à la construction européenne qui ne pourra pas résister aux dégâts sociaux que cette dynamique ne manquera pas d’entraîner.

Par Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques, auteur de « Made in Germany, le modèle allemand au-delà des mythes », Éditions du Seuil, 2013.

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