GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Interview de Amirul Haque Amir

Nous avons rencontré ce dirigeant syndical, qui, de passage en France, avait été invité par la CGT. Un an après l'effondrement de l'immeuble Rana Plaza, qui a causé la mort de 1138 personnes, il revient sur la situation syndicale et sociale de son pays. Cet entretien, recueilli par notre camarade Raymond Vacheron est paru dans le numéro 216 de la revue Démocratie&Socialisme.

Démocratie Socialisme : Revenons sur la catastrophe elle-même.

Amirul Haque Amir : Un immeuble usine où étaient entassés 3000 travailleurs s'est effondré le 24 avril 2013, entrainant 1138 victimes et faisant plus de 2000 blessées, pour plusieurs centaines d'entre-deux estropiés à vie, et un nombre important d'orphelins. Cette catastrophe a provoqué une mobilisation sans précédent des salariés textile de notre pays. Elle a mis en lumière les conditions déplorables des ouvriers du Bangladesh, mais plus largement de ceux de toute l'Asie où ont été délocalisés les productions des pays riches pour permettre aux grandes marques des multinationales et de la grande distribution de faire le maximum de profit. Aujourd'hui, un an après la catastrophe, des grandes marques, notamment françaises, n'ont pas versé d'indemnités aux victimes. Pour celles qui ont payé, elles n'ont attribué que 500 € par victime décédée! Pour gagner de l'argent, elles savent aller très vite mais pour indemniser les victimes c'est une autre histoire...

D&S : Les autorités françaises vous ont elles aidé à faire avancer ce dossier ?

Amirul Haque Amir : Non, les seules aides sont venues des associations non gouvernementales et des syndicats. Les travailleurs n'ont pu compter que sur les travailleurs et leurs organisations. Les multinationales savent se faire obéir des gouvernements.

Malgré tout, face à l'ampleur de la catastrophe et suite aux réactions qu'elle a provoquées le gouvernement du Bangladesh a accepté des améliorations sur le code du travail vis à vis de la sécurité et a fait voter un plan d'actions sur la sécurité au travail pour contrôler l'ensemble des bâtiments industriels. Ce qui est une réelle avancée.

D&S : Que représente le secteur textile dans votre pays ?

Amirul Haque Amir : C'est le premier secteur industriel. Le Bangladesh est le deuxième exportateur d'habillement dans le monde, employant plus de 4 millions de salariés, dont 85 % de femmes. Le textile représente 79 % des exportations du pays.

Ces salariés logés dans les conditions misérables sont surexploités, sans norme de sécurité élémentaire dans les ateliers, avec des journées de travail de 14 heures à 16 heures par jour, sept jour sur sept.

Officiellement les droits syndicaux sont reconnus dans notre pays. Mais, la réalité est bien différentes, il est difficile de les faire respecter. Les militants syndicaux sont traqués, licenciés, menacés parfois même agressés physiquement. Pourtant depuis un an les salariés du textile sont descendus en masse dans les rues. Eux qu'on ne voyait pas, sont apparus en pleine lumière, pas seulement au Bangladesh mais aussi dans d'autres pays d'Asie comme le Cambodge.

Au Bangladesh les salariés ont obtenu des augmentations significatives avec des salaires de base progressant de 50 % même s'ils restent encore très bas. Ainsi, le salaire mensuel minimum d'un ouvrier non qualifié est de 53 € et 68 € pour le salarié qualifié.

Ce qui est nouveau aujourd'hui, c'est que les salariés s'organisent en syndicats comme sont nouveaux nos rapports entre les syndicats de nos pays et ceux des pays où règnent les multinationales, grandes organisatrices des délocalisations.

D&S : Quelles sont vos revendications ?

Amirul Haque Amir : Ce sont des revendications élémentaires dans un pays où les salariés n'ont pas de droits. On demande le versement régulier de la paye, un jour de congé hebdomadaire qui n'est pas encore respecté dans toutes les entreprises. Nous venons d'obtenir le 1er mai férié payé.

Après la mise en place des salaires minimum, nous demandons leurs revalorisation. Dans un secteur très féminisé, dans ce pays où règnent les discriminations, nous avons des revendications spécifiques pour les femmes. Nous demandons que cesse le harcèlement, l'égalité salariale, la mise en place de congés de maternité rémunérés. Nous avons des revendications sur l'amélioration des conditions de travail pour tous et la sécurisation des lieux de travail.

Conclusions :

Merci pour ce témoignage. Il met en lumière l'un des premiers secteurs industriels du monde qui compte plus de 60 millions d'employés (bien plus encore selon certaines sources) dont 3 millions en Europe. Nous devons soutenir ces femmes et ces hommes ainsi que leurs syndicats pour contraindre les multinationales de nos pays à respecter les droits sociaux et syndicaux et à réparer totalement les dommages qu'elles causent. R.V.

Affiche du syndicat NGWF, National Garment Workers Federation. Photo Patrick de Jacquelot

Portrait de Amirul Haque Amir : Alain Guillemoles pour La Croix

Affiche du syndicat NGWF, National Garment Workers Federation. Photo Patrick de Jacquelot

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