GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Suisse : rendre l’argent à ceux qui travaillent

Rendre l’argent à celles et à ceux qui ont travaillé pour le produire. Tel est l’objectif de l’initiative populaire dite « 99 % » de la Jeunesse socialiste suisse (JSS), sur laquelle les Helvètes se prononceront le 26 septembre. Concrètement, il s’agit de taxer davantage le 1 % le plus riche, tout en soulageant le reste de la population.

La JSS constate que le 1 % le plus riche de la population devient toujours plus riche, tandis que les pressions financières sur les 99 % ne font qu’augmenter.

707 milliards pour… 300 personnes !

En 2020, la fortune totale des 300 personnes les plus riches de Suisse atteignait 707 milliards de francs (660 milliards d’euros) ! Cela représente une augmentation de plus de 100 milliards de francs (93 milliards d’euros) au cours des cinq dernières années. Les revenus du capital tels que les bénéfices sur les actions et les dividendes y ont joué un rôle prépondérant.

Obtenus quasiment sans lever le petit doigt, ces revenus atterrissent directement dans les poches du 1 % le plus riche et ne sont pas ou que trop peu imposés. Pour ne prendre qu’un exemple, en 2020, la famille du leader national-populiste Christoph Blocher a distribué aux actionnaires de sa société EMS-Chemie 397 millions de francs (360 millions d’euros) réalisés grâce au labeur de son personnel et après avoir procédé à des licenciements au début de la pandémie !

Pour les services publics

Si l’initiative était acceptée, les revenus du capital de plus de 100 000 francs (93 000 euros) seraient imposés une fois et demie plus que les revenus du travail. Cela entraînerait chaque année 10 milliards de francs (9,3 milliards d’euros) de recettes supplémentaires pour la Confédération, les cantons et les communes. Cet argent permettrait d’alléger les charges qui pèsent sur les personnes disposant de bas ou de moyens revenus, en baissant leurs impôts et en investissant dans les services publics comme les crèches, les réductions de primes d’assurance-maladie ou encore dans les transports. En d’autres termes, les recettes générées serviraient à améliorer le bien-être de la grande majorité de la population.

Vers un résultat serré

L’initiative de la JSS est soutenue par le Parti socialiste, les Verts, les autres partis de gauche et les syndicats. Elle est vivement combattue par les formations politiques de droite et par le patronat. Ces différentes forces avancent essentiellement des arguments d’ordre démagogique, en affirmant par exemple que les petites et moyennes entreprises (PME) verraient leur existence menacée, alors que très peu d’entre elles sont concernées.

On s’attend à un résultat serré puisque, selon un sondage effectué par la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR), l’initiative serait acceptée par 46 % des votants et rejetée par 45 % d’entre eux, avec 9 % d’indécis ! Il faut toutefois se méfier des sondages, car dans la majorité des cas, plus l’on s’approche du scrutin, plus le taux de soutien aux initiatives recule.

Le combat fiscal dure depuis des siècles

Ce type de bataille n’est pas nouveau. L’historien Gérard Vindt souligne que « de Louis XIV à la Révolution, les questions fiscales apparaissent comme étant à l’origine de 39 % des révoltes » contre l’autorité1. Il en va ainsi de la Jacquerie de 1358 aux révoltes des Bonnets rouges2, puis à celle des Gilets jaunes au XXIe siècle. Réflexion semblable de la part de Thomas Piketty3, pour qui la concentration des richesses  aux mains d’un petit nombre de puissants corrompt nos démocraties. Il en va en Suisse comme en France et dans bien d’autres pays capitalistes, raison pour laquelle il faut espérer que l’initiative de la Jeunesse socialiste suisse ouvrira une brèche dans un système fiscal aussi injuste que répandu dans le monde.

Cet article de notre ami Jean-Claude Rennwald (ancien député PS au Conseil national suisse, militant socialiste et syndical) a été publié dans le numéro de septembre 2021 (287) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

1. Histoire des révoltes populaires en France, La Découverte, 2021.

2. La « Grande jacquerie » correspond à la fois aux révoltes paysannes franciliens, au soulèvement parisien d’Étienne Marcel et aux mouvements sociaux qui touchent les villes des Flandres en 1358. La révolte des Bonnets rouges explose quant à elle en Bretagne, en 1675, à l’annonce de la création de nouveaux impôts par Louis XIV pour financer la guerre contre la Hollande.

3. Une brève histoire de l’égalité, Seuil, 2021.

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