L'éolien, un élément d'une réponse globale
Notre camarade Didier Lassauzay, candidat aux élections départementales, en binôme avec Servane Francart (PCF), à Châlons-en-Champagne (Marne), a été interpellé pendant la campagne par Environnement champenois en péril (ECEP), un collectif d’associations environnementales. Nous publions ici de larges extraits de sa réponse, devenue par la suite la position commune des tickets PCF-GDS sur les trois cantons chalonnais.
Comme toute question sur l’énergie, l’éolien est un sujet complexe, dont la réponse ne peut être que complexe et pas simplement « pour » ou « contre » comme le laissent croire certains courants politiques. Ne voulant pas faire une telle réponse démagogique, la mienne sera donc un peu longue et veillera à restituer l’éolien dans l’enjeu énergétique global.
Le contexte
Depuis l’origine de l’homme, l’énergie est essentielle à la vie. Le capitalisme, depuis la fin du XVIIIe siècle, s’est développé en s’appuyant sur les énergies fossiles, essentiellement charbon, pétrole et gaz. La découverte de la radioactivité a conduit à utiliser les minerais radioactifs pour produire de l’électricité, également produite via les énergies fossiles citées précédemment. Ainsi, l’énergie électrique provient-elle essentiellement en France du nucléaire (70,6 % en 2019, 67,1 % en 2020). Le reste est issu de sources différentes : hydraulique (11,2 % - 13 %), thermique à flamme (7,9 % - 7,5 %), éolien (6,3 % - 7,9 %), solaire (2,2 % - 2,5 %), bioénergie (1,8 % - 2 %) [chiffres 2019, puis 2020]
Il convient donc de noter la place encore très réduite des énergies renouvelables (EnR), hors hydraulique, production ancienne et déjà largement exploitée. Sur ce dernier point, la privatisation des barrages est totalement inacceptable.
Les accidents graves survenus sur le nucléaire interrogent sur cette énergie, ainsi que les déchets radioactifs que nous laisserons aux générations futures. En outre, le réchauffement climatique et la rareté de l’eau posent de plus en plus de problèmes pour le refroidissement des réacteurs, voir l’arrêt de Chooz l’été 2020. De ce fait, le nucléaire fait l’objet de plus en plus d’opposition et de nombreux pays sortent du nucléaire.
Les énergies renouvelables (EnR)
La prise de conscience des dégâts environnementaux des énergies fossiles et leurs limites physiques dans la nature poussent aujourd’hui à réduire leur part dans la consommation d’énergie et à développer les EnR.
Celles-ci sont multiples : éolien terrestre et en mer, solaire, méthanisation et géothermie.
L’hydrogène, souvent présenté comme la solution « miracle », est un vecteur qui pourrait être au service des EnR, puisqu’il pourrait permettre de stocker l’électricité. Mais, aujourd’hui l’hydrogène vert représente seulement 4 % de la production.
L’éolien
L’éolien est une production localisée et intermittente. Il a un impact écologique comme toute énergie. Cependant au niveau du carbone, l’ADEME1 dans une étude prenant en compte l’ensemble des éléments, estime que, pour un kilowattheure produit, une éolienne terrestre rejette environ 12 grammes de CO2, quand le nucléaire émet 16 grammes par kWh produit et les énergies fossiles beaucoup plus : le gaz naturel (443 g), le pétrole (840 g) et du charbon (1 001 g).
Certes, l’éolien utilise souvent des terres rares au niveau des aimants permanents, mais cela n’a, a priori, rien d’obligatoire.
Avec 8 %, l’éolien a une place faible dans la production électrique française. Il représente 16,4 % de l’électricité de l’Union européenne et du Royaume-uni. L’éolien fournit, en 2020, environ 50 % de l’électricité du Danemark, 40 % en Irlande, 27 % en Allemagne et au Royaume-Uni …
Cela relativise son impact en France, même si certains territoires concentrent de nombreuses éoliennes et que la France n’a pas encore d’éoliennes en mer en production.
La sobriété énergétique
La question essentielle est celle de la production / consommation d’énergie dans un contexte de dérèglement climatique et de perte importante de biodiversité.
La consommation d’énergie croît régulièrement et les sources d’énergie se cumulent. À noter que la crise sanitaire due à la Covid, période de décroissance « sauvage » (les économistes et les politiques libéraux parlent de récession, ne voulant surtout pas utiliser le terme de décroissance), a conduit à une baisse de la consommation d’énergie de 3,5 % par rapport à 2019, avec une baisse très forte (15 %) pendant le confinement… Mais les prévisionnistes espèrent que la consommation va repartir à la hausse !
Aujourd’hui, quasiment tout le monde parle de transition énergétique (terme mal bien mal choisi par ailleurs) vers la neutralité carbone (à noter qu’aucune énergie n’est neutre en termes de carbone). Cela devrait induire des évolutions importantes au niveau de la production, mais aussi de la consommation.
La LTECV2 (Loi de transition énergétique pour la croissance verte) fixe des objectifs à moyen et long terme, dont celui de réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012 en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030.
Dans cette optique, RTE3 vient de publier, le 8 juin dernier, le bilan de la phase 1 de « Futurs énergétiques 2050 », visant la neutralité carbone en 2050. RTE parle de plusieurs options présentant des points communs : baisse de la consommation énergétique, hausse de la part de l’électricité (passant de 470 TWh aujourd’hui à 630 en 2050), recours aux EnR.
Mais, la société capitaliste dans laquelle nous vivons, au-delà des discours, pousse au contraire à consommer toujours plus, donc à produire toujours plus de biens et de services et à augmenter les besoins en énergie. La seule vision possible pour les politiques de droite et d’extrême droite, chantres du libéralisme, est alors d’accroître toujours plus la production énergétique, tout en soutenant une transition énergétique s’appuyant sur le nucléaire et s’opposant à certaines EnR comme l’éolien. Cela est particulièrement incohérent.
L’énergie la moins polluante est celle que nous ne consommons pas, donc qu’il n’est pas nécessaire de produire. La sobriété énergétique est par conséquent un enjeu essentiel.
Répondre aux besoins
Pour répondre aux besoins aujourd’hui, il nous faut disposer d’un mix énergétique comprenant toutes les formes de productions – fossiles, nucléaire, EnR –, avec l’objectif de développer progressivement les formes ayant le moins d’impact possible sur l’environnement et la santé humaine. N’oublions pas que 11,9 % des habitants – soit 3,5 millions de ménages – sont en précarité énergétique (chiffres 2019), que 5,5 millions ont reçu un chèque énergie en 2020 et que 15 % disent souffrir du froid. Répondre aux besoins, c’est aussi permettre une réindustrialisation, ainsi que le développement de services publics utiles et créateurs d’emplois.
Il est essentiel en parallèle de mettre en œuvre une vraie sobriété énergétique pour réduire la consommation globale d’énergie.
L’éolien est, aujourd’hui, une composante de ce mix énergétique.
Une solution
Cependant le modèle éolien français, axé sur de grands parcs d’éoliennes, et qui cherche surtout à produire des dividendes, n’est pas acceptable. Comme ces parcs sont envahissants dans notre département, il est normal qu’ils soient rejetés par la population de notre département. La même problématique se pose d’ailleurs avec la méthanisation et les méthaniseurs géants, eux-aussi rejetés massivement, et à juste titre, par les habitants.
Il est nécessaire que le développement de l’éolien soit bien maîtrisé par les habitants et n’ait pour objectif que de répondre aux besoins. L’énergie est un bien commun, et en ce sens elle doit être l’affaire de toutes et de tous.
À ce titre, les éoliennes citoyennes font figure d’éléments de solution intéressants. Leur installation est en effet décidée par les habitants pour une consommation essentiellement locale. La rente éolienne leur revient et permet de réduire le coût de l’électricité, mais aussi d’entretenir et de renouveler les éoliennes. Nous sommes là dans une démarche de bien-vivre, avec une volonté affichée de décider pour et dans son territoire. Cela implique de revoir tout le modèle du service public de l’énergie.
Cet article de notre camarade Didier Lassauzay est à retrouver dans le numéro 286 (été 2021) de Démocratie&Socialisme, la revue mensuelle de la Gauche démocratique et sociale (GDS).
(1) ADEME : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, établissement public créé en 1991. Elle a aujourd’hui pour sous-titre « l’agence de la transition écologique ».
(2) La LTECV du 18 août 2015 vise à « permettre à la France de contribuer plus efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique et à la préservation de l’environnement, ainsi que de renforcer son indépendance énergétique tout en offrant à ses entreprises et ses citoyens l’accès à l’énergie à un coût compétitif» (www.ecologie.gouv.fr).
(3) RTE : Réseau de transport d’électricité, gestionnaire du réseau de transport d’électricité haute-tension en France métropolitaine.