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Routiers : première brèche dans les ordonnances

Nous publions ici l’entretien que Jérôme Vérité (secrétaire général de le Fédération CGT des transports) a accordé à la revue Démocratie&Socialisme. Nous l’en remercions.

  1. Pourquoi les routiers se sont-ils sentis particulièrement concernés par les ordonnances Macron ?

Les ordonnances sont une attaque sans précédent. Les reculs sociaux sont tellement nombreux dans tous les domaines qu’il n’est finalement pas si simple de pouvoir tous les lister dans un tract recto-verso ! Ces ordonnances ne se limitent pas à la partie des droits interprofessionnels, elles s’attaquent à la construction historique des droits collectifs professionnels autour des conventions collectives qui permettaient de répondre aux spécificités métiers. Comme nous l’avions fait pour la loi El Khomri, nous avons décliné pour les salariés du transport routier les incidences concrètes des ordonnances. Les salariés se sont rendu compte de ce qui pouvait disparaître de la fiche de paie ou se voir diminué. La confirmation, lors de la rencontre avec la ministre Borne, que les frais de route étaient impactés, est venue rajouter à leur colère car, pour un conducteur longue distance qui part toute la semaine, c’était près de 1500 euros mensuel qui était remis entre les mains de son patron !

Je n’oublie pas non plus, dans un secteur où réclamer simplement le paiement de toutes ses heures de travail finit parfois par un licenciement pur et simple, le plafonnement des indemnités prud’homales qui a contribué à la colère des routiers.

D’ailleurs et nous l’avons dit dès la sortie du ministère, pour nous la lutte contre les ordonnances continue et nous appelons à la grève le 10 octobre.

  1. Qu’ont-ils obtenu exactement ?

Après 13 heures de négociations, nous avons obtenu le retour à la hiérarchie des normes, comme le revendique la CGT, sur tous les éléments de rémunération de l’ensemble des salariés de la convention collective du transport routier, environ 680 000 personnes. Aucune entreprise ne pourra déroger par le bas à la fiche de paie. Nous avons donc juste remis les choses à l’endroit ! Il s’agit d’une première brèche évidente dans les ordonnances et c'est donc d’un signal pour toutes les professions : la lutte, ça paie, et il est possible de faire reculer ce gouvernement !

  1. Quelles leçons tires-tu de ce conflit ?

La première, c’est que nous avons peut-être été trop naïfs dans notre approche du conflit vis-à-vis d’un pouvoir qui a utilisé la répression policière. Nous n’avons pas assez pris au sérieux les propos provocateurs du gouvernement, en amont du conflit, disant qu’on ne pouvait pas bloquer le pays. Nous nous sommes retrouvés dans la situation de 2002 avec Sarkozy au ministère de l’Intérieur, puisque les menaces sur les permis des conducteurs, les intimidations, la force physique ont été utilisées dès les premières heures du 25 septembre. À certains endroits, ils avaient même sorti les camions grues pour déloger éventuellement les camions des récalcitrants qui refuseraient de reprendre la route ! Nous n’étions pas prêts à cela, ce qui explique qu’à certains endroits la mobilisation n’a pu s’exprimer pleinement.

La deuxième, c’est que l’unité syndicale, ça paie ! Avec FO, puis avec l’ensemble des organisations syndicales dans la dernière ligne droite, nous avons parlé d’une seule voix. Les travailleurs ne sont jamais aussi forts que lorsqu’ils sont unis. Je reste un fervent partisan du rassemblement du syndicalisme : les désaccords éventuels devraient se traiter d’une autre manière, tranchés par les salariés eux-mêmes, plutôt qu’exposés au grand jour face au patronat et au gouvernement.

Enfin, n’importe quel gouvernement qui commence par dire qu’il restera droit dans ses bottes finit toujours dans les cordes face au rapport de force. C’est cela que nous devons continuer tous ensemble !

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