GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Economie Théorie Histoire

Résistance antinazie, ouvrière et internationaliste

Paru aux Éditions Syllepse, l’ouvrage de nos amis nantais Robert Hirsch, Henri le Dem et François Préneau revient sur l’activité largement méconnue de la cinquantaine de militantes et militants trotskystes nantais et finistériens pendant la Seconde Guerre mondiale. Un colloque a lieu à Nantes le 6 octobre autour de ce livre (pour le programme, cliquer ICI)

Une journée de débats autour de cet ouvrage sera organisée par le Centre d’histoire du travail de Nantes, le 6 octobre prochain, de 10h à 18h30, avec la participation de Jean-Yves Guengant, historien brestois, Claude Pennetier, historien chercheur au CNRS, Jean-Paul Salles, docteur en histoire et des trois auteurs.

Un livre pour la mémoire ouvrière

Beaucoup de choses ont été écrites sur la Seconde Guerre mondiale, mais bien peu sur les courants du mouvement ouvrier qui tentèrent d’agir pour que la résistance au nazisme débouche sur la transformation socialiste de la société. En un mot pour que la guerre accouche d’un mouvement révolutionnaire semblable à ceux qui avaient ébranlé l’Europe de 1917 à 1923.

C’est pourquoi nous avons souhaité décrire l’activité de celles et ceux de ces militant·es trotskystes, qui agirent entre Nantes et Brest de la déclaration de guerre à la Libération. Nous l’avons fait en grande partie à partir d’archives retrouvées depuis peu, essentiellement un journal édité de juillet 1943 à décembre 1944 par des jeunes ouvrières et ouvriers de la région nantaise. Ce périodique clandestin fut diffusé sur une dizaine de grandes entreprises de Nantes et la Basse-Loire. Le Front ouvrier fut un des rares journaux locaux qui réussit à échapper à la répression conjointe de la Gestapo, de la police française et… du patronat local. À ce jour, quinze des dix-neuf ou vingt numéros publiés ont été retrouvés.

Une résistance ouvrière

C’est l’histoire de l’engagement des jeunes militants et militantes de la IVe Internationale que nous avons voulu mettre en lumière, ainsi que la réalité des résistances et luttes ouvrières locales sous l’occupation nazie. Leurs publications nous informent sur la vie quotidienne des ouvriers nantais et de leurs familles. Le Front ouvrier retrace les problèmes concrets que pose la situation, notamment pour le ravitaillement. Il décrit la vie quotidienne à l’usine, rendue plus difficile par le silence quasi-total imposé aux syndicats, et la situation dramatique qui résulte des bombardements alliés de l’automne 1943, particulièrement destructeurs à Nantes.

1943, c’est le moment du STO, qui oblige des ouvriers à partir travailler en Allemagne. Les échos de Front Ouvrier, confirmés par les archives de police, évoquent les résistances à cette déportation. En revanche, il serait vain de chercher, dans cette publication, une trace de la déportation que subirent les Juifs de France1. Cette occultation, qui nous choque, fut le lot de toute la Résistance. Olivier Wierviorka, un des principaux historiens de la résistance française, l’évoque clairement de la sorte : « À partir de 1943, le sort des juifs disparut progressivement des médias, communistes inclus, et l’intérêt se polarisa sur le Service du travail obligatoire »2.

Internationalisme et antinazisme

Autre élément tiré de ces publications : la ligne politique d’une extrême gauche écartelée entre son anti-nazisme et la volonté de ne pas soutenir pour autant l’autre camp. Ce renvoi dos-à-dos des belligérants paraît aujourd’hui obsolète. Mais, au-delà des proclamations éditoriales refusant de faire confiance à de Gaulle, Churchill, Roosevelt, on perçoit dans divers articles que l’ennemi essentiel, c’est le nazisme. Des militants nantais se trouvant à Brest fournirent d’ailleurs des renseignements militaires aux Britanniques.

En effet, un autre aspect majeur de l’activité des trotskystes bretons concerne l’action menée à Brest en direction des soldats allemands. Une action qui vise à préparer la révolution européenne, et en premier lieu allemande, que prône la IVe Internationale. Purement internationaliste, à l’heure où le Parti communiste proclamait « À chacun son boche », elle mènera plusieurs militants à la mort. Une mort qui attendait aussi les soldats allemands ayant rompu avec le nazisme pour devenir des soldats de l’internationalisme. À ce jour, ils sont malheureusement demeurés anonymes.

Un anonymat politique, c’est ce qui fut longtemps mis en pratique par les staliniens et leurs héritiers à l’égard de Marc Bourhis et Pierre Gueguin, assassinés avec leurs camarades communistes à Chateaubriant en 1941. Leur redonner leur identité politique est aussi un des objectifs de ce livre.

Cet article de nos amis Robert Hirsch et François Préneau a été publié dans le numéro 307 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale.

1.Un des militants nantais des Comités pour la IVe Internationale, Élie Gruské, jeune juif lituanien réfugié à Nantes avec sa famille, fut l’un des tous premiers juifs arrêtés à Nantes, en juin 1941, et fit parti du premier convoi de juifs de France déportés en Allemagne.

2.Olivier Wieviorka, Histoire de la résistance. 1940-1945, p. 309.

 

 Robert Cruau 

À 18 ans, Robert Cruau devint responsable des cellules nantaises des Comités pour la IVe Internationale, aux premiers jours de l’occupation allemande. Au printemps 1943, à Brest, il organisa l’intervention en direction des soldats allemands. Arrêté le 6 octobre 1943, il fut exécuté par la police nazie alors qu’il tentait de s’échapper.

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…