GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Pour une révision rapide des traités en matière fiscale

La crise économique déclenchée par la pandémie a d’ores et déjà bousculé les politiques économiques dans l’UE. Ce qui paraissait politiquement impossible hier devient possible aujourd’hui. C’est notamment le cas de la politique fiscale et l’émission de dette commune par la Commission.

Depuis 2010, la gauche européenne réclame de manière quasi-unanime (excepté quelques souverainistes invétérés, le plus souvent d’obédience post-stalinienne) la création d’« eurobonds » – c’est-à-dire de dette commune – et la création d’un budget fédéral redistributif – comprenant en particulier une assurance chômage européenne. Or, la résistance des conservateurs allemands, néerlandais et de leurs alliés dans d’autres pays du Nord avait bloqué toute avancée ne serait-ce que mineure dans ce sens.

Et puis, en quelques mois, sur ces trois plans, les résistances conservatrices ont volé en éclats. En un temps record, la proposition de la Commission d’un fonds de réassurance chômage a été adoptée et Angela Merkel a abandonné son opposition – encore réitérée lors du Conseil européen du 23 avril – à un budget européen financé par émission de dette commune et octroyant des transferts budgétaires aux États-membres les plus durement touchés par la crise sanitaire et économique.

Des avancées... limitées

Tout cela est à accueillir positivement, mais les limites de ces avancées doivent être soulignées. Le fonds de relance proposé par la Commission reste limité en volume – quelque 750 milliards d’euros dont seulement deux tiers sous forme de transferts – et reste temporaire.

Surtout, il faut souligner l’écart entre cette proposition et l’opinion ultra-majoritaire au sein du Parlement européen. Celui-ci a réclamé, dans une résolution* adoptée le 15 mai par une écrasante majorité de 505 eurodéputés (sur 705) dont la quasi-totalité des eurodéputés de gauche, un fonds de relance de deux mille milliards financé essentiellement par de nouveaux impôts européens (de nouvelles « ressources propres »). La résolution cite les impôts suivants : « assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, taxe sur les services numériques, taxe sur les transactions financières, recettes provenant du système d’échange de quotas d’émission, contribution liée aux plastiques et mécanisme d’ajustement des émissions de carbone aux frontières ». La résolution a par ailleurs rappelé la position du Parlement « en faveur de la suppression de l’ensemble des rabais et des corrections » dont jouissent aujourd’hui les États-membres contributeurs nets, comme l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède.

Les négociations sur le budget sont en cours, mais on peut déjà gager que leur résultat sera en dessous des attentes de la majorité du Parlement. Comment se fait-il que cet écart soit si grand ? La réponse est simple : la distribution des pouvoirs en matière fiscale signifie que le Parlement joue un rôle secondaire dans la définition du plan de relance. Si le Parlement doit adopter de concert avec le Conseil le plan des dépenses du budget (article 312.2 TFUE), celui-ci ne joue aucun rôle dans la définition des ressources du budget (article 311) qui sont adoptées à l’unanimité du seul Conseil.

Réviser les articles 311 et 312

Le moment est donc propice à une campagne politique réclamant la révision, par la procédure de révision simplifiée (article 48.7 TUE), de ces deux articles des traités. La question du plan de relance domine l’actualité européenne et continuera à la dominer pendant de longs mois. Une majorité nette d’États-membres et d’eurodéputés souhaitent des mesures exceptionnelles et un accroissement substantiel des ressources de la Commission. Au sein du Parlement, la majorité comprend les trois groupes de gauche, le groupe des libéraux (Renew), mais aussi une majorité d’eurodéputés du groupe conservateur du PPE (Parti du peuple européen). Seuls les groupes d’extrême droite se retrouvent dans l’opposition.

Le moment est donc venu de réclamer une révision des articles 311 et 312 afin de soumettre les décisions concernant les recettes et les dépenses du budget européen à la procédure législative ordinaire. Celle-ci est la procédure législative normale de l’UE : elle prévoit que sur proposition de la Commission, le Conseil co-légifère sur un pied d’égalité avec le Parlement, la décision se prenant à la majorité qualifiée au sein du Conseil et à la majorité simple au sein du Parlement. Il s’agit, autrement dit, de faire sauter le verrou de l’unanimité au sein du Conseil tout en donnant au Parlement les mêmes pouvoirs de décision qu’au Conseil.

La GDS soutient tout ce qui permet d’accroître les pouvoirs du Parlement européen et de faire sauter le verrou de l’unanimité. Sur une question aussi cruciale que la fiscalité européenne, une telle évolution serait une avancée majeure. Elle ouvrirait la porte à la mise en place d’une fiscalité directe européenne basée sur un impôt sur les sociétés et les grandes fortunes, incontournable pour lutter contre la concurrence fiscale et financer des politiques redistributives. Nous devons donc populariser cette revendication dans l’immédiat et réclamer que les eurodéputés de gauche s’en emparent.

Cet article de notre camarde Christakis Georgiou est à retrouver dans le numéro de juin-juillet-août 2020 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

* Cette résolution a été soutenue par tous les eurodéputés français de gauche.

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