GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Elections municipales

Marseille : "Il y a une vraie possibilité de gagner la ville"

Marie Batoux, militante pour le droit à la ville et au logement, est directrice de campagne du Printemps marseillais (PM). Elle revient pour nous sur les enjeux de la bataille décisive que constitue le second tour des municipales dans la deuxième ville française.

D&S : Peux-tu nous rappeler la genèse et la structure du Printemps marseillais ?

Marie Batoux : Le 5 novembre 2018, l’effondrement des deux immeubles rue d’Aubagne a un effet catalyseur pour la politique à Marseille. Beaucoup se sont dit qu’une alternative devait se construire pour les municipales, et qu’il fallait mettre tous les efforts en commun pour empêcher les héritiers de Gaudin de rester à la tête de la mairie. Un collectif citoyen voit le jour, mais les organisations politiques sont aussi mobilisées à l’initiative de Benoît Payan (PS) et Jean-Marc Coppola (PC), sur la question des écoles notamment. Le tissu associatif et politique marseillais se construit alors en opposition de manière assez frontale à l’équipe municipale en place.

Pour ce faire, citoyens et partis ont un seul objectif : l’unité. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, mais bientôt 11 organisations politiques de gauche de fédèrent. Chez les écologistes, Sébastien Barles décide de faire cavalier seul, au grand dam de l’élue EELV Michèle Rubirola qui reste dans le PM. Côté insoumis, Sophie Camard, la suppléante de Mélenchon, tient bon, alors que la FI décide finalement de ne pas participer aux élections ; seul Mohamed Bensaada se présente pour échouer au premier tour. Quant au PS, ne reste plus que Benoît Payan. Il y a aussi des tensions au PC, mais finalement la nécessité de se regrouper pour recomposer la gauche convainc une grande partie des cadres. Quant aux collectifs, celui du 5 novembre veut rester en dehors, et le Pacte démocratique n’est pas sur une logique unitaire pour battre Vassal.

D&S : Vous êtes arrivés en tête au premier tour. Comment expliques-tu cette victoire ?

MB : Il y a à Marseille une véritable détestation de Vassal. La politique de Gaudin lors de son dernier mandat était avant tout urbanistique et axée sur le tourisme. Les politiques publiques n’ont qu’un but : cacher les quartiers populaires du centre-ville ou en expulser les pauvres, valoriser « la plus belle façade maritime ». Le maire sortant voulait renouveler la population, pas avec des bobos, qui ne votent pas pour lui, mais avec des bourgeois ; mais il se trompait : ceux-ci ne voulant pas aller dans le centre. La pauvreté qui y sévit devient intolérable à tout le reste de la ville.

Ensuite, Gaudin n’a pas géré sa succession, Vassal n’est pas reconnue comme l’héritière. Bruno Gilles s’oppose à elle parce qu’elle est incapable de faire l’unité de la droite, et le RN est bien là, même s’il n’engrange pas beaucoup de voix au 1er tour. En outre le 15 mars, à cause du coronavirus, l’abstention est plus forte dans leur électorat que dans le nôtre, même si nous pensons avoir aussi un réservoir de voix au 2d.

Notre atout, c’est Michèle Rubirola, qui est médecin, et très éloignée des logiques d’appareil. Beaucoup de Marseillaises  et les Marseillais peuvent s’identifier à elle. La peur du PM qu’agite Vassal avec « l’hiver sibérien » ne prend pas. Les arrondissements du centre, les plus mobilisés, ont voté majoritairement pour le PM au 1er tour (à plus de 40 %), mais il faut reconnaître que celui-ci reste difficilement identifiable dans les quartiers populaires.

D&S : Le Printemps marseillais regroupe pratiquement toutes les composantes de la gauche. Est-ce de nature à assurer votre victoire au 2d tour ?

Debout Marseille avec Sébastien Barles nous a rejoints au soir du 1er tour. La division de la droite est visible dans des secteurs où elle était d’ordinaire majoritaire : dans le 4e, où Gaudin est toujours passé au premier tour, Vassal est mise en difficulté par la candidate du PM – elles n’ont que deux points d’écart –, et Berland (LREM) s’y maintient. Dans le 2e et le 3e, Bruno Gilles n’abandonne pas la partie. Dans le 4e et le 6e la droite apparaît avec trois listes : RN, Bruno Gilles/LREM et Vassal. On a donc une vraie possibilité de gagner la ville.

Le problème, c’est ce qui va se passer au 3e tour : qui va être élu maire (puisque celui-ci n’est pas élu directement par les électeurs, mais par les conseillers municipaux élus dans les secteurs) ? La prime à la liste arrivée en tête dans chaque secteur survalorise les plus peuplés d’entre eux. Le 8e, par exemple ; celui de la maire sortante et ex-socialiste Samia Ghali. Elle va donc devoir choisir son camp au soir du 28 juin, et pour le moment, elle attend...

Cet entretien a été réalisé par notre camarade Dominique Batoux. Il est à retrouver dans le numéro de l'été 202 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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