GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

Report loi foncière : paroles en l’air, promesses en terre

C’est lors d’une visioconférence que la nouvelle est tombée. Devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, avoue : la loi foncière ne verra pas le jour. Report sine die... Le monde agricole appréciera !

Cela fait des mois que le gouvernement recule, esquive, tente de passer au travers et finalement fait une annonce du bout des lèvres : tout cela peut bien attendre... La crise et l’engorgement législatif constitueront de bonnes excuses. Comprenez bien, on n’a plus le temps ! Certes, cette loi est réclamée, préparée depuis le début de quinquennat mais, voilà, le calendrier se resserre et 2021 est déjà bien rempli... Évidemment, les arguments d’agenda ne tiennent pas. La difficulté du gouvernement Macron-Philippe, c’est le contenu de cette loi foncière.

Hypocrisie gouvernementale

Si toutes et tous ne sont pas d’accord sur le curseur, il existe néanmoins un large consensus dans le monde agricole pour réclamer davantage de régulation. Ré-gu-la-tion. On imagine la stupeur parmi les rangs des libéraux. Mais c’est bien là la seule manière de réorienter l’agriculture française comme l’usage des sols, réguler. Une loi foncière utile serait une loi qui lutterait contre la concentration croissante des surfaces agricoles entre les mains de sociétés rapaces. Ce serait une loi qui protégerait les petits propriétaires terriens, qui organiserait mieux l’accès aux terres agricoles. Loin du libéralisme-laissez-faire promu par le président de la République. Donc inacceptable.

L’accaparement des terres par les grands groupes, c’est la prolifération des champs de culture et le recul de l’élevage, moins rentable. Pourtant, on nous l’a rabâché pendant la crise sanitaire : les paysans nourrissent le monde, il faut relocaliser la production alimentaire, créer des circuits courts d’approvisionnement partout. Il faut retrouver des échelles humaines, encourager les petites exploitations et les modèles de polyculture-élevage.

La transformation des terres en zones d’activités, de commerces, d’infrastructures ou d’habitat, c’est leur destruction irrémédiable. Là aussi, tout est question de pognon. Encore aujourd’hui, penser un projet d’aménagement sur un terrain nu reste moins cher que de recycler du foncier déjà utilisé, imperméabilisé, bétonné. Même en intégrant les compensations environnementales.

Un choix politique

Il est une réalité avec laquelle personne ne peut tricher. Les espaces naturels, forestiers, agricoles sont des espaces finis, limités. Nous les détruisons alors qu’ils sont indispensables à toute organisation humaine. Pour se nourrir, mais aussi parce que les sols sont les lieux de stockage du carbone ou d’accueil de la biodiversité. Il est donc urgent de les préserver et, pour cela, il faut des encadrements stricts, des règles collectives que l’on se fixe et qui interdisent de détruire les sols.

Comment contempler le désastre des déforestations ailleurs dans le monde tout en continuant d’étaler nos activités industrielles et à bitumer ici ? Comment ne pas prendre conscience que les cultures de soja là-bas sont les conséquences directes de notre incapacité à maintenir des cultures et élevages suffisants ici ?

L’artificialisation des terres et l’accaparement sont des sujets majeurs. D’eux dépend notre capacité à vivre, travailler et se nourrir au pays. La pandémie du Covid 19 doit aussi être un déclencheur. Il ne suffit pas que le gouvernement scande « zéro artificialisation nette des terres » pour que cela fonctionne. La loi foncière est une de ses garanties dont on ne peut pas se départir. Éviter que les hectares de terres cultivées ne se transforment en centres commerciaux ou en fermes capitalistiques, c’est un choix très politique. Les choix très politiques se discutent sur les bancs des parlementaires et s’érigent en loi, afin qu’ils s’appliquent à toutes et tous. C’est le chemin qu’aurait dû prendre la loi foncière promise depuis le début du quinquennat.

Cet article de notre camarade Marlène Collineau a été publié dans la rubrique "écologie" du numéro de juin-juillet-août 2020 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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