GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Palestine, bilan 2021 : le revers de la médaille

Le 31 décembre, le Comité national palestinien BDS a publié un bilan annuel de la campagne Boycott-Désinvestissements-Sanctions1. Il s’agit de réalisations qu’il convient de saluer. Puissent-elles trouver des émules parmi les organisations et institutions françaises dont aucune n’est parvenue à monter sur un podium de 21 marches.

Mais un bilan crédible ne serait pas complet s’il ne comportait pas également une colonne des défaites qu’il serait vain de taire ou de nier. L’une d’entre elles est toute fraîche, même si elle n’est que l’aboutissement d’un long processus : c’est la fin de la construction du mur entourant complètement l’enclave palestinienne de Gaza, officiellement inauguré le 7 décembre et fièrement présenté comme « unique au monde ».

Une merveille de technologie

La réalisation est assurément impressionnante, et fait passer pour des travaux d’amateurs le rideau de fer européen de jadis, voire les barbelés de camps de sinistre mémoire : « La nouvelle barrière d’Israël est criblée d’équipements de surveillance. Des dizaines d’antennes, des centaines de caméras et de radars sont positionnés sur la fortification composée de 140 000 tonnes de fer et d’acier. Au-dessus du sol, la barrière est une clôture d’une hauteur de plus de six mètres. Il y a aussi un mur métallique souterrain équipé de capteurs. Ce mur dispose en outre d’un système d’armes télécommandé et d’une barrière maritime dotée d’un équipement de surveillance qui peut détecter les incursions par la mer »2.

Pour mémoire, l’Égypte impose elle aussi un blocus, ouvrant rarement le poste-frontière de Rafah. En 2020, l’Égypte a achevé une clôture de 14 km le long de sa frontière avec la bande de Gaza.

Prisonniers mais pas défaits

Depuis 2007, près de deux millions de Palestiniens vivent dans ce qu’il faut bien appeler le plus vaste camp de concentration à ciel ouvert du monde. Vivent ? Survivent serait peut-être plus exact : nappe phréatique polluée, électricité rationnée, agriculture régulièrement dévastée, ressources halieutiques limitées (le métier de pêcheur y est l’un des plus périlleux au monde, en raison des attaques des marines tant israélienne qu’égyptienne), taux de chômage record, surpopulation insoutenable.

À noter : 1 460 315 de ces prisonniers sont des réfugiés officiellement enregistrés à l’ONU (ce chiffre ne comprend donc pas les réfugiés non enregistrés de 1948), et constituent donc la grande majorité de cette population. Mais selon les critères notamment en vigueur en Europe, ne s’agit-il pas de réfugiés de rêve ? De réfugiés dont le plus fort désir est de retourner chez eux, dans leur patrie d’origine, ainsi que les y autorise la résolution 3236 des Nations unies ? Inutile de mettre en place de coûteux rapatriements aériens : ils sont prêts à se déplacer par leurs propres moyens, s’il le faut à pied, et au risque de leur vie. N’ont-ils pas déjà manifesté ce souhait par des danses et des lectures devant le mur, et surtout lors des grandes « marches du retour » ?

Ils ont malheureusement servi de cibles à des snipers s’exerçant soit à tuer directement soit à handicaper leurs victimes de manière irréversible en visant les genoux. Alors, parfois, de temps en temps, la coupe est pleine, et il y a des répliques, plus ou moins sophistiquées (des pierres lancées par des frondes à des cerfs-volants enflammés ou à des roquettes artisanales). Patatras !

Des sommets d’hypocrisie

Du coup les grands démocrates occidentaux s’émeuvent, les mass-médias leur emboîtant le pas, et procèdent à un surprenant renversement des valeurs dont ils se réclament. L’exigence de la fin d’un blocus inhumain a totalement disparu. Leur première phrase fait irrésistiblement penser à « les colons, matons et snipers ont le droit de se défendre », même s’ils la formulent de manière différente.

Il leur arrive de condamner (verbalement, s’entend) un usage disproportionné de la force, mais ils s’empressent de regarnir les arsenaux dont le contenu vient d’être disproportionnellement utilisé.

Le 30 novembre dernier, dans le cadre de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, qui coïncide avec le 74e anniversaire du plan de partage des Nations unies, Mohammed El-Kurd, écrivain et militant palestinien, s’est adressé à l’Assemblée générale des Nations unies. Commençant de manière sarcastique, il a remercié la communauté internationale « pour ces discours novateurs », ajoutant : « Je suis sûr que les autorités d’occupation [Israël] sont très inquiètes en ce moment ». Faisant référence à l’occupation israélienne en cours des terres palestiniennes et aux crimes de guerre, Kurd a déclaré qu’ils « ne seront pas arrêtés par des déclarations de condamnation et des haussements de sourcils », pas plus qu’ils ne seront « arrêtés par des tweets d’inquiétude ». Au lieu de cela, Kurd a insisté sur le fait que le problème n’était pas dû à l’ignorance mais à « l’inaction » et a réitéré la nécessité de ce qu’il a appelé des « mesures politiques transformatrices » qui comprennent des boycotts et des sanctions au niveau des États3.

La présidence française de l’Union européenne ne pourrait-elle pas permettre de prendre des mesures concrètes sur ce terrain ?

Cet article de notre ami Philippe Lewandowski a été publié dans le numéro 291 (janvier 20222) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS)

1. https://www.bdsfrance.org/le-resume-de-2021-21-succes-pour-la-lutte-de-liberation-palestinienne.

2. Andrei Popoviciu, Lubna Masarwa, « Gaza : ce que le mur de fer construit par Israël signifie pour les Palestiniens assiégés », https://www.middleeasteye.net/fr, consulté le 02/01/2022.

 3. https://www.france-palestine.org/Mohammed-El-Kurd-s-adresse-a-l-ONU-a-l-occasion-de-la-Journee-internationale-de , consulté le 02/01/2022.

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