GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

Pétrole et nucléaire : deux dépendance funestes

N’en déplaise au président-candidat – qui s’est fait, le 9  novembre dernier, l’apôtre de l’atome –, face à la crise énergétique actuelle, il est plus que jamais nécessaire de sortir de la double dépendance aux énergies fossiles et à l’énergie nucléaire.

La flambée actuelle des prix du gaz et du pétrole a remis au premier rang des préoccupations la question de l’énergie, et le problème de notre dépendance aux énergies fossiles. Cela remet en évidence aussi combien la crise écologique et climatique que nous vivons est avant tout liée à notre utilisation massive de sources d’énergie carbonées.

Un évident discrédit

Pourtant, il y a cent ans déjà, un savant suédois du nom de Svante Arrhenius (1859-1927) alertait sur le fait que l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère provoquerait un important dérèglement climatique. Les grands groupes pétroliers, dont Total, sont également bien au clair sur ses conséquences catastrophiques depuis au moins cinquante ans ! Les conférences sur le climat existent depuis quarante ans, et le GIEC, dont le dernier rapport renforce encore les inquiétudes, le répète à l’envi depuis maintenant 33 ans !

Aujourd’hui, la justice française condamne l’État à réparer ses engagements non tenus quant à la baisse des gaz à effet de serre (GES).

Dans le même temps, un rapport de RTE (Réseau de transport d’électricité) met en avant plusieurs scénarios sur les évolutions nécessaires du mix énergétique dans notre pays, et force est de constater que ces scénarios de substitution aux énergies carbonées favorisent grandement le développement du nucléaire, comme le président de la République, qui mise sur les micro réacteurs nucléaires et même sur six réacteurs EPR. La Commission européenne elle-même pourrait inscrire le nucléaire dans la liste des énergies pouvant prétendre aux financements préférentiels, parce que permettant d’œuvrer à la dé-carbonation !

Scénarios alternatifs

Dans ses six scénarios, RTE part du principe que notre consommation d’électricité devrait augmenter de 35 % en trente ans, mettant à bas toute perspective de réduction de consommation fondée sur une politique de sobriété énergétique.

Quid de l’isolation performante des bâtiments, du recours accru aux transports en commun, d’une diminution et amélioration des constructions nouvelles, d’une agriculture moins industrielle ? Autant de pistes qui pourraient nous permettre de réduire drastiquement nos consommations d’électricité, dans le sens et la proportion que préconise le scénario de l’association NégaWatt, qui, lui, table sur une division par 2,5 de notre consommation, avec une suppression totale du recours aux énergies fossiles ainsi qu’au nucléaire à l’horizon 2035. Si l’on peut débattre du réalisme du scénario NégaWatt sur les délais, les éléments mis en avant relèvent d’une réelle expertise et doivent être pris en compte.

En très peu de temps, à la faveur de cette crise énergétique, on a assisté à une vraie campagne médiatique de réhabilitation du nucléaire, et s’est installée dans le paysage politique, y compris dans les rangs d’une certaine gauche, l’idée qu’on ne pourrait faire sans le nucléaire pour aller vers le tout électrique nécessaire à la dé-carbonation.

Fausse bonne solution

Or, il ne peut être question d’échanger une dépendance énergétique contre une autre. Le nucléaire est tout sauf une solution providentielle ou « faute de mieux ». Il est une solution du passé dont on a vu tous les effets néfastes à grande échelle, et dont on voit et verra les limites et impasses dans un proche avenir.

Tout d’abord parce que ce qui doit nous guider pour effectuer la bifurcation écologique indispensable, c’est limiter l’empreinte de l’humain sur son environnement, tout en améliorant la qualité de vie et en priorisant la prise en compte de la santé publique.

Nul besoin de rappeler les risques majeurs que les accidents nucléaires font courir aux populations, aux êtres vivants, à l’environnement, après Tchernobyl et Fukushima. Le nucléaire est dangereux et difficilement contrôlable. C’est une technologie que nous ne maîtrisons pas totalement, pas plus que la gestion des déchets radioactifs produits. Le chantier EPR de Flamanville a dix ans de retard et de trois milliards d’euros lors de l’annonce du projet en 2004 son coût est estimé à 12,4 milliards d’euros aujourd’hui.

Par ailleurs, les coûts du démantèlement des centrales sont colossaux. Le démantèlement de celle de Brennilis par exemple devrait durer plus de cinquante ans pour un coût estimé à 850 millions d’euros à cette heure.

Autre problème qui va s’aggraver avec le réchauffement climatique, le nucléaire nécessite un apport abondant et continu d’eau pour le refroidissement des réacteurs, et la non maîtrise de l’évolution des cours d’eau n’est pas sans susciter questions et inquiétudes. Chose peu connue aussi, il est source de pollution de l’eau par rejet de divers produits toxiques. Quant au réacteur EPR de nouvelle génération, c’est un gouffre financier et il pose d’énormes problèmes de sécurité avant même sa mise en service, alors que les coûts de production des énergies renouvelables ont eux considérablement baissé.

Enfin, à ceux qui mettent en avant l’indépendance énergétique que permettrait le nucléaire, rappelons que l’uranium nécessaire au fonctionnement des réacteurs n’est pas extrait sur notre territoire. La dernière mine d’uranium de l’hexagone a fermé dans les années 1990. Aujourd’hui, toute la matière première nécessaire à l’alimentation de nos réacteurs vient de l’étranger (comme le Kazakhstan et le Niger, où la diplomatie française est de fait très active), au prix de compromissions avec les despotes et au mépris de la santé des populations locales. 8 000 tonnes d’uranium sont ainsi importées chaque année sur le sol national.

Ajoutons enfin qu’il nécessite par ailleurs des longs transports, tout comme les déchets produits, ce qui contredit l’idée d’une source d’énergie totalement dé-carbonée.

Sortir du nucléaire

Aujourd’hui, même la Cour des comptes, dans son tout récent rapport sur les choix de production électrique, est beaucoup moins sûre de la faisabilité d’une relance du nucléaire avec les financements disponibles, mais aussi dans le temps imparti – si l’on veut bel et bien réduire de 45 % les GES d’ici 2030 et parvenir à la neutralité carbone en 2050 comme la France s’y est engagée à Glasgow.

Donc, oui, le grand défi du XXIe siècle est de se passer des énergies fossiles qui ont façonné le système capitaliste productiviste. Mais il s’agit aussi pour nous en France de sortir de la double dépendance au nucléaire et au pétrole.

Nous devons en même temps augmenter massivement la part des énergies renouvelables (et la recherche en ce domaine), en passant à 30 % en cinq ans, mais également travailler prioritairement à la sobriété énergétique, en investissant massivement dans l’isolation de qualité des bâtiments, fortement créatrice d’emplois, en développant les transports en commun, particulièrement le train, et l’agro-écologie, moins utilisatrice de machines, porteuse de qualité et de respect du vivant. Il faut également agir de manière volontariste pour la sobriété énergétique des entreprises (bureaux, usines, transport de matières premières, stockage, gestion des déchets…).

L’enjeu écologique contribue à réactualiser plusieurs marqueurs de la gauche : la démocratie, les instruments de l’intervention publique, le rôle d’un État stratège, la stimulation des initiatives locales au plus près de la population. Pour cela, il s’agit de rompre avec la logique actuelle de maximisation du profit et de la remplacer par celle du bien-être qui ne peut s’affranchir de la contrainte environnementale.

Cet article de notre camarade Christian Bélinguier a été publié dans le dossier du numéro 290 (décembre 2021) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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