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Notre-Dame et le luxe des plus riches

La charité, comme le mécénat, sont le luxe inespéré des riches : ils ne leur coûtent rien, mais leur apportent beaucoup en illusion morale. Par ailleurs, cela permet aux politiques qui les représentent, et quʼils se sont échinés à faire élire, dʼesquiver toute velléité de réforme fiscale qui pourrait se révéler plus équitable.

Cela est devenu clair à lʼoccasion du drame national de lʼincendie de Notre-Dame de Paris. Drame national en effet que Macron lui-même, de façon intuitive ou non, a cru bon dʼexploiter politiquement en retrouvant à lʼexcès les saveurs de cours dʼart dramatique mal assimilés.

Lʼémotion produite par cette catastrophe, qui nʼa fait heureusement aucune victime, a été à lʼorigine dʼune mobilisation financière sans précédent de la part de nos grands capitaines de lʼindustrie financière tels que Pinault, Arnault, Bettencourt, ainsi que quelques autres moins médiatisés mais non moins puissants.

Indécence patronale

Près dʼun milliard dʼeuros auront ainsi été collectés, dépassant à cette occasion le budget de l’État alloué à la protection des monuments historiques qui ne dépassera pas en 2019 les 800 millions dʼeuros. Lʼargent est donc là. Il « ruisselle » même pour une fois, mais selon le bon vouloir de nos oligarques qui trouvent là lʼoccasion de se refaire une santé éthique en protecteur de chefs d’œuvre en péril.

Cet épisode aura permis non seulement de dévoiler concrètement et émotionnellement la puissance de lʼargent privé, mais aussi – et cʼest naturellement lié – de démontrer la démission délibérée de l’État lorsquʼil sʼagit de sʼoccuper de ce qui pourtant devrait lʼintéresser au premier chef.

La lâcheté néo-libérale abandonne lʼexigence démocratique au profit de grands groupes privés. La protection du patrimoine séculaire doit être le reflet fidèle dʼune volonté collective et délibérée. Ce nʼest pas à quelques grandes fortunes, favorisées par lʼévasion fiscale ou par des politiques de moins-disant social, de décider en dehors du peuple quelle politique mener pour sauver et conserver ce qui reste encore de notre patrimoine.

Cʼest à nous, faisant peuple et composant l’État, de redevenir les généreux bienfaiteurs de ce qui nous appartient.

Elle l’avait pourtant dit !

Notons qu’en novembre 2018, un rapport de la Cour des comptes – une institution pourtant peu connue pour sa frénésie anti-patronale – avait vertement critiqué l’absence de contrôle étatique sur l’activité de mécénat des grandes entreprises depuis la promulgation de la loi Aillagon en 2003.

La Cour des comptes faisait valoir dans ce texte que les dons déclenchant la défiscalisation n’étaient « dans les faits pratiquement pas vérifiés ». Les auteurs du rapport, fustigeant à juste titre « la gestion trop passive de cette dépense fiscale par les services de l’État », se demandaient même in fine si « l’intérêt général rest[ait] la caractéristique majeure de l’engagement des mécènes » dont le subit engouement pour l’art et pour le patrimoine a provoqué, entre 2004 et 2016, la multiplication par dix des dépenses publiques finançant cette niche fiscale.

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