La motion C : pas encore une victoire mais un gros succès !
C’était le combat de D&S depuis
des années : unifier la gauche du
parti sur une même motion, dans
un même combat, pour qu’elle atteigne
un poids militant et politique qui la rende
incontournable. Nous avions lutté de
toutes nos forces en 2002 contre l’éclatement
de la gauche socialiste perpétré par
nos camarades Julien Dray et Jean-Luc
Mélenchon. Nous avions lutté en 2003-
2004 pour la fusion de NPS (Nouveau
Parti socialiste), de NM (Nouveau
Monde) et de Forces militantes (FM).
Mais ces deux tendances se sont explosées
et au lieu de travailler en commun et
de profiter de la victoire du « non » au
TCE le 29 mai 2005, les individualismes
l’ont emporté, Vincent Peillon dérivant
vers la droite, à l’envers de ce qu’il avait
dit, Arnaud Montebourg, se perdant dans
des dédales tactiques.
Nous avons quand même, avec obstination,
poursuivi ce combat en dépit et
contre la synthèse catastrophique du
Mans. Nous l’avons payé cher, puisque
refusant cette maudite synthèse (qui a
abouti à la désignation de Ségolène
Royal), nous avons été écartés du bureau
national. Dès le début de cette année, en
préparation de ce congrès de Reims,
lorsque les contributions ont été rédigées,
nous avons encore proposé l’unité à
Henri Emmannuelli, Benoît Hamon,
Marie-Noëlle Lienemann et Jean-Luc
Mélenchon. Cela a été difficile au début :
en juin 2008, l’entourage de Benoît
Hamon hésitait encore entre une alliance
avec Martine Aubry dans une motion
commune et une motion regroupant la
gauche. Le 2 juillet cependant, une première
rencontre au Zeyer entre les sensibilités
Hamon, Lienemann et Gérard
Filoche ont laissé entrevoir la possibilité
de l’accord. L’idée, dès le début, était d’y
associer toute la gauche, dont Jean-Luc
Mélenchon.
Mais on en est restés là pendant l’été. Le
25 juillet, une rencontre entre Jean-Luc
Mélenchon et Gérard Filoche (Trait
d’union et D&S) n’aboutit pas : Jean-Luc
soupçonnait Benoît Hamon de vouloir
une alliance floue avec tous les autres de
la majorité sortante. Nous parions au
contraire qu’une alliance de la gauche
serait dynamique et incontournable. Il
fallait faire, disions-nous dans le parti, ce
que nous préconisions à l’extérieur :
l’unité de la gauche. Ce fut l’enjeu de nos
journées d’études à Toulouse les 6 et 7
septembre.
D&S apportait 600 signatures dans 70
départements, les principaux dirigeants
syndicalistes et des militants cultivés et
chevronnés : cela valait entre 3500 et
4000 voix dans la corbeille de la gauche
si elle s’unissait. L’été a passé. A La
Rochelle, les choses étaient encore incertaines.
Il fallut attendre les derniers jours
pour qu’il y ait un communiqué commun
Hamon, Emmanuelli, Lienemann,
Quilès, Filoche, Thouzeau puis un accord
avec Mélenchon auquel s’ajoutèrent
Pierre Larrouturou, Jacques Fleury. Sept
contributions se rassemblaient.
La gauche socialiste était unie et la majorité
sortante se divisait en trois. «C’est
historique» s’écria Jean-Luc Mélenchon.
C’était bien vu ! Il y avait parmi nous des
pessimistes qui envisageaient autour de
10 à 12% des voix, nous parions au
contraire sur 20 à 25% des voix ! C’est le
vrai étiage de la gauche de ce parti, et si
elle reste unie et combative, elle peut
gagner plus ! Il y a une plus grande disponibilité
parmi les militants à chercher
une voie de gauche que ce qu’on croit
souvent : qui fait la tournée des sections
partout en France s’en rend vite compte.
La gauche de ce parti, en vérité, est
forte ! L’accord réalisé autour de la
motion C a été trop tardif. Le contenu de
la motion aurait pu être bien meilleur et
beaucoup plus collectif. Chacun sait que
lorsqu’on prend le temps de la démocratie
et du travail collectif, on se respecte
mieux les uns et les autres, et la dynamique
est plus puissante. On aurait pu
désigner démocratiquement notre direction,
ce qui n’a pas du tout été le cas. On
aurait pu apprendre à s’écouter davantage,
et à tirer parti davantage de nos
richesses théoriques, politiques militantes.
Mais ne boudons pas notre plaisir : le
combat de D&S a abouti largement. Non
seulement on a eu 20 à 25 % des voix
(sous estimées, car s’il y a eu de la triche,
elle n’a jamais été à notre avantage bien
sûr !) mais on finit le congrès dans une
configuration nouvelle, exceptionnelle,
puisque nous sommes physiquement et
politiquement indispensable à la majorité
du parti autour de Martine Aubry.
C’est la vérification de notre théorie : il
faut une gauche solide, assez forte pour
être incontournable, c’est ainsi qu’on
ancre le parti tout entier à gauche. Entre
20 et 25%, on peut regretter le départ à
contre pied de l’histoire, de Jean Luc
Mélenchon et de Marc Dolez. Pourquoi
quittent-ils 25000 votants et 10000
signataires actifs de la motion C?
Pourquoi quittent-ils un parti qui pour la
première fois opère un remaniement
complet de direction dans laquelle la
gauche trouve sa place ? Bien sûr, rien
n’est joué et les rebondissements vont
être multiples. Si la campagne européenne
se fait autour du Manifesto du PSE,
les voix seront rares le 13 juin 2009. Si
elle se fait autour d’une Europe sociale
de gauche, il sera possible d’obtenir un
bon score comme en 2004.
Si la nouvelle direction défend le contrôle
des licenciements, la hausse massive
des salaires, les 35 h et la retraite à
60 ans, ça ira. Sinon, hé bien, il y aura
encore des débats dans le parti. Mais la
gauche tient le micro...
Gérard Filoche