En Guadeloupe comme en métropole, c’est 200 euros qu’il nous faut !
NOUS le pressentions tous, mais nous
n’osions y croire. En Guadeloupe, les
menaces à peine voilées de l’appareil d’État
sont devenues réalités. Un syndicaliste est
mort mercredi 18 février, alors qu’il rentrait
chez lui, après un de ces meetings qui
rythment la vie de l’île depuis plus d’un mois.
La Sarkozie et ses médias braquent le
projecteur sur les « bandes de jeunes »,
comme ils ont l’habitude de le faire depuis
les émeutes de novembre 2005. Mais
personne n’est dupe. Le frère de la victime
assure qu’il est impossible de savoir d’où la
balle mortelle a été tirée. En revanche, on
sait immédiatement à qui profite le crime. Au
patronat, qui attend une répression
exemplaire, et à la droite qui peut blablater
sur la nécessité de rétablir « l’ordre
républicain ». Mais qui s’attaque réellement à
l’ordre ? Qui est irresponsable ?
Retour sur un mois de lutte
Le mouvement de grève a été lancé dès le 20
janvier, dans ce DOM subissant de plein
fouet le phénomène de vie chère, imposé par
les « békés ». Ces patrons, descendants de
colons, se gorgent de subventions et profitent
de facto d’une position de monopole qui leur
permet de maintenir les prix à un niveau
extrêmement élevé. En face, les travailleurs
guadeloupéens souffrent d’autant plus que
les salaires sont relativement bas sur l’île.
C’est contre ce mal endémique que s’est créé
le collectif “ Lyannaj Kont Pwofitasyon ”
(rassemblement contre l’exploitation outrancière),
qui regroupe aux côtés des confédérations
syndicales, les puissants syndicats
indépendantistes guadeloupéens, les partis
de gauche et des mouvements culturels
créoles. La plateforme du collectif unitaire
tient en 4 pages et, parmi les 126
propositions faites, celle qui exige
d’augmenter le SMIC et les minima sociaux
de 200 euros, est sans conteste la plus
emblématique. Dès à présent, on peut
qualifier ce mouvement d’historique, car la
mobilisation est exemplaire : piquets de
grève, blocage de l’île réalisé sans violence,
démonstrations populaires qui auraient
rassemblées près de 60 000 travailleurs le 30
janvier, contrôle démocratique des salariés,
puisque les négociations avec les pouvoirs
publics sont retransmises en direct à la
télévision... La mobilisation des
Guadeloupéens est un mouvement
majoritaire, démocratique, responsable, bref,
tout ce que la presse aux ordres exècre. Pas
étonnant que le silence radio ait été de mise
jusqu’à peu !
Voilà la revendication qui fait frémir le
gouvernement : 200 euros pour tout le monde
et tout de suite ! Pourquoi Yves Jégo,
courageux secrétaire d’État à l’Outre-Mer,
serait-il parti en courant, une fois prévenu
de cet accord conclu entre le collectif et le
patronat de l’île, si ce n’est parce qu’il en
avait peur ? C’est en fait sur ordre express de
l’Élysée que le larbin de Sarko a pris ses
jambes à son coup. Cette pitoyable retraite a
pour but de faire pourrir le mouvement qui
secoue les Antilles. Car 200 euros à Pointe-à-
Pitre aujourd’hui, ce n’est pas seulement
cela. C’est 200 euros demain en Martinique !
Après demain, c’est 200 euros chez les
ouvriers de Renault ! C’est cette contagion
qui fout la frousse aux puissants. En soutien
à la grève générale guadeloupéenne, un
appel martiniquais a déjà appelé à une
manifestation, qui s’est tenue à Fort-de-
France le 2 février dernier. La grève
réunionnaise est quant à elle prévue pour le
5 mars prochain. 200 euros pour tous les
salariés, c’est le mot d’ordre unifiant, le
sésame à même de mobiliser définitivement
notre camp social. D’ailleurs, certaines
unions départementales syndicales ont déjà
repris le mot d’ordre en métropole. Nous
défendons la seule relance possible : la
relance par la hausse des salaires, car la
consommation des salariés est la seule
viable, dans un monde où celle des rentiers
est insuffisante et où l’endettement des
ménages est devenu une fable pour enfants.
Il est de notre responsabilité à tous de
défendre cette revendication d’ensemble qui
donne confiance à notre classe et affaiblit le
camp d’en face, comme les « 8 heures » l’ont
fait il y a un siècle.
Face à la répression qui se prépare, il faut
sauver la grève générale guadeloupéenne, car
elle nous montre la voie ! La seule solution
est de prendre les devants, afin que la
revendication des 200 euros fasse tâche
d’huile. Pour sauver la grève, généralisons-la
!
Jean-François Claudon (75)
et Johann Cesa (AF de la Loire)