GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

Attention danger : autonomie

« Il y a autant d’autonomies que d’omelettes et

de morales »

Paul Lafargue

AUTONOMIE. Un bien joli mot, devenu au

fil des ans, l’alpha et l’oméga de toute

politique concernant l’université. Même si,

bien évidemment, on se garde de préciser ce

qu’on y met.

Autonomie signifie littéralement qui fixe ses

propres règles. Cela signifie donc

qu’aujourd’hui ce ne sont pas les universités

qui fixent leurs règles mais un autre : l’État.

Les universités perçoivent la majeure partie

de leur budget de l’État, les droits

d’inscription sont les mêmes partout sur le

territoire, les diplômes(1) doivent être validés

par le ministère, les universités ne peuvent

pas sélectionner les étudiants(2), la

composition des Conseils d’administration

est très encadrée par le code de l’Éducation,

etc.

L’autonomie, facteur d’inégalités

La réduction du rôle de l’État signifie, par

nature, une distinction de plus en forte entre

les universités. Chaque université a alors

intérêt à attirer les meilleurs étudiants par

tous les moyens. La compétition devient

acharnée et malheur aux vaincus ! Bien

entendu, cette mise en concurrence

aggravera inévitablement les inégalités entre

les universités et donc, par voie de

conséquence, les inégalités entre les filières

et entre les étudiants. Alors qu’aujourd’hui

un seul fils d’ouvrier sur dix accède à

l’Université, l’autonomie favorisera ceux qui

sont déjà les plus économiquement,

socialement et culturellement dotés.

L’autonomie se traduira également en

matière de recherche par un financement des

projets pouvant être exploités rapidement par

l’Université, améliorant ainsi son image. Exit

la recherche à long terme ou sur des sujets

portant à controverse. Quelle université

financera un projet cherchant à démontrer la

dangerosité du vote électronique, alors que

par ailleurs elle organisera ses élections par

ce mode de scrutin ?

L’université : no man’s land politique ?

L’autonomie participe à l’idée que l’université

n’est pas un lieu politique. Pourtant, une des

missions attribuées à l’université est de

diffuser la culture et l’information

scientifique et technique. Elle est aussi

motrice dans la « réduction des inégalités

sociales ou culturelles et la réalisation de

l’égalité entre les hommes et les femmes en

assurant à toutes celles et à tous ceux qui en

ont la volonté et la capacité l’accès aux

formes les plus élevées de la culture et de la

recherche »(3). Bref, l’université n’est pas un

prestataire quelconque qui vend ses savoirs

à qui peut les acheter. Parce qu’elle influe

considérablement sur la société, qu’elle

permet de défendre un accès égal au savoir,

quel que soit son milieu, l’université doit

rester au coeur des politiques publiques.

Il ne faut bien évidemment pas tomber dans

les travers de l’actuel gouvernement qui

cherche à instrumentaliser l’école pour servir

sa propagande (en cherchant, par exemple, à

légiférer sur le programme d’histoire). Reste

qu’il faut défendre que l’université, pour

qu’elle ne soit pas un instrument au service

de quelques uns (pouvoir politique comme

pouvoir économique) mais au service de

toute la société, ne doit en aucun cas être

« autonomisée ».

Financements propres

Enfin, l’autonomie des universités signifie

nécessairement, à plus ou moins long terme,

de devoir trouver de nouveaux financements.

Il faudra donc soit recourir au financement

privé (encouragé par la LRU) ce qui réduira

immanquablement la liberté de recherche,

soit recourir au financement par les

étudiants au risque d’aggraver la précarité

étudiante et de considérer définitivement le

droit aux études supérieures comme un

privilège.

Nous ne demandons pas que l’université soit

coupée du monde et de ses réalités, bien au

contraire. Pour qu’elle soit grand ouverte, elle

ne doit pas être au service de quelques uns.

Seul le financement public, sur des bases

égalitaires, permet aux universités de devenir

un moteur de l’égalité sociale, de

l’émancipation individuelle et collective.


Dossier réalisé par Mathias Tessier (44)

et Simon Heger (44)

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L’article en PDF

(1): Sauf les Diplômes d’Université (retour)

(2): À l’exception du passage en M2 et de la mise en place

de « capacités d’accueil » (retour)

(3): Article 123-2 du Code de l’Éducation (retour)

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