L’université : un enjeu stratégique pour le gouvernement
DEPUIS l’élection de Sarkozy, un torrent
de réformes a frappé les universités :
LRU, plan « Réussite en Licence », Opération
Campus, démantèlement du CNRS et de
l’INSERM, reconnaissance des « universités »
catholiques, statut des enseignants-chercheurs,
réforme de l’allocation des moyens, nouveau
contrat doctoral, réforme des critères
d’attribution des bourses, refonte de
l’allocation d’études, incitation à
l’endettement, annonce de la création d’un
classement européen des universités... et
tout cela en moins de deux ans !
À peine une réforme est-elle votée, qu’une
autre est décidée, ne laissant ni le temps de
la concertation, ni celui du bilan. On pourrait
penser de prime abord que cette
multiplication des réformes, préparée à la vavite,
démontre une désorganisation du
ministère. D’autant plus qu’on peut vite
s’apercevoir de contradictions dans les textes
et d’un manque criant de connaissances sur
la situation exacte des universités. Cela ne
doit pas nous surprendre puisque, même si
l’enseignement supérieur et la recherche sont
une priorité du gouvernement, les ministres
qui se succèdent au gré des remaniements
ne sont pas, loin de là, des spécialistes.
Valérie Pécresse n’avait pas jusqu’alors
montré beaucoup d’intérêt pour l’université
et semble encore aujourd’hui davantage
mobilisée pour sa propre candidature aux
régionales que par son ministère.
Pour autant, il ne faut pas se tromper. Si
dans le détail, tout n’est pas très bien fait,
chaque mesure constitue une brique
idéologique destinée à révolutionner l’université
selon des dogmes clairement établis.
La précarité comme seul moyen d’existence
La transformation de toutes les aides sociales
destinées aux étudiants permet de remettre
l’étudiant sous le joug combiné du travail et
de la famille. La fameuse loi TEPA exonère
d’impôt le salariat étudiant, exonération qui,
pour être effective, nécessite que les
étudiants ne fassent pas de déclaration
fiscale indépendante. Les bourses prennent
moins en compte la situation des étudiants
et davantage la situation de la famille : par
exemple, le nombre d’enfants à charge des
parents est pris en compte, mais pas le
nombre d’enfants à charge de l’étudiant.
Pour ceux qui ne peuvent (ou ne veulent) pas
dépendre de leurs parents, le gouvernement
incite au salariat étudiant même si, dans la
réalité, les revenus du salariat s’ajoutent
souvent à une aide familiale.
Enfin, dernière possibilité, l’endettement. À
la place des prêts d’État à taux zéro, Valérie
Pécresse a mis en place à la rentrée des prêts
bancaires (4 % d’intérêts) au moment même
où les États-Unis sont en train, à cause de la
crise des subprimes, d’abandonner ce type
de système.
Par tous les moyens, l’étudiant doit se
rappeler qu’étudier est un privilège qui coûte
cher à l’État, et qui doit donc lui coûter cher !
L’université doit se mettre au pas
L’université est l’objet de toutes les
attentions de la droite pour la remettre sous
la coupe des intérêts privés : pouvoir
politique, pouvoir économique... L’offensive a
commencé par un matraquage médiatique
pour faire croire à une concurrence généralisée
entre les universités, via le classement de
Shanghai, qui nécessiterait une adaptation
des universités, donc la concurrence
généralisée et acharnée entre les universités.
Il faut accueillir les « meilleurs étudiants » et
donc attirer les « meilleurs chercheurs » (en
les payant plus, en leur confiant moins
d’enseignement) et accroître la sélection des
étudiants. Les IUFM, lieux tant décriés où
sévirait le « pédagogisme » sont supprimés au
profit de Masters enseignements.
Quelle réponse de la gauche ?
Pour la première fois dans l’histoire moderne,
le nombre d’étudiants va diminuer en France.
Toute la communauté universitaire, étudiants,
enseignants, personnels est attaqué parce que
trop indépendante des pouvoirs politiques et
économiques. La grande offensive a commencé.
Les socialistes vont-ils regarder le train passer
sans réagir ?
Dossier réalisé par Mathias Tessier (44)
et Simon Heger (44)