GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

La face cachée de la LRU

La LRU : une loi d’autonomie ?

Pour justifier la transformation radicale des

universités que le gouvernement est en train

de mettre en place, Nicolas Sarkozy a

défendu la nécessité de mettre en place

l’autonomie des universités. En effet, selon

lui, il faut « libérer nos universités du carcan

administratif, centralisé et inefficace qui pèse

sur elles et qui les empêche de se transformer

en établissements d’excellence universitaire

offrant à nos étudiants les formations dont ils

ont besoin dans la société du savoir »(1).

C’est parce que l’État ne saurait pas prendre

les bonnes décisions, et pas assez rapidement,

qu’il se décharge d’une partie de ses

responsabilités au profit des conseils

d’administration et des présidents d’université.

Toutefois, depuis le vote de la LRU, la

Direction Générale de l’Enseignement

Supérieur(2) et l’Agence d’Évaluation de la

Recherche et de l’Enseignement Supérieur(3),

n’ont pas cessé, bien au contraire, de donner

leurs directives aux universités. Dans les

faits, ce qui semblait être un désengagement

politique de l’État semble n’être qu’une

préparation au désengagement financier tout

en maintenant les marges de manoeuvre et

l’arbitraire du ministère.

Le gouvernement manie la carotte et le

bâton

Et si, au fond, il ne s’agissait pas à

proprement parler d’une « décentralisation »

des pouvoirs mais bien plutôt d’une nouveau

principe, basé, comme l’indique d’ailleurs le

nom de la LRU, sur la responsabilité des

universités ? Sur ce sujet comme sur

d’autres, le principe est qu’il faut en finir

avec l’assistanat pour mettre en place une

société où chacun est supposé maitre de son

destin et doit assumer totalement les

conséquences de ses actes : ceux qui

agissent pour le bien seront récompensés,

ceux qui agissent mal seront punis. Le

« bien » étant défini, bien sûr, par Pécresse.

C’est pour cela que Valérie Pécresse a lancé

une réforme des moyens alloués aux

universités : cela servira désormais de

vérification a posteriori de la bonne

application des directives ministérielles. C’est

le même marteau qui frappe, seul le manche

est plus court. En ce sens, on a

véritablement à faire non pas à une

autonomie des universités mais à une

dépendance déguisée. La part d’autonomie

laissée aux universités consiste à deviner

comment évoluer pour plaire au maître. C’est

un principe d’ailleurs diablement efficace

pour tuer dans l’oeuf toute contestation des

présidents d’universités. En effet, la

concurrence entre les universités devient de

plus en féroce pour obtenir les moyens

nécessaires pour effectuer une recherche et

une formation de qualité. Mieux vaut ne pas

mordre la main qui vous nourrit...

Plan de bataille

Le gouvernement Chirac avait essayé en

1986 de mettre en place l’autonomie des

universités (loi Devaquet) mais avait dû céder

devant la mobilisation étudiante. Cette

« défaite » est restée dans les têtes de la

droite et les a obligé à inventer une stratégie

fine. Après avoir attaqué l’université dans le

discours – l’université est responsable du

chômage du jeunes, elle n’est pas assez

compétitive, les diplômes n’ont plus de

valeurs, tout le monde échoue en licence –

elle met en place bout par bout une nouvelle

« gouvernance » pour les universités : le

cadrage national des diplômes est réduit en

2002, les conseils d’administration sont

modifiés, le financement par l’État se réduit

et devient de plus en plus arbitraire... Au

final, l’objectif est de remplacer un système

composé de 85 universités de taille

moyennes, qui permet une recherche de

valeur sur tout le territoire et des diplômes

reconnus, par un système à trois vitesses :

10 universités d’élite, qui seront financées

par l’État et les grands groupes industriels

(et par les étudiants ?), 20 universités

régionales, qui délivreront un savoir minimal

pour tous et se spécialiseront dans quelques

disciplines (en fonction des entreprises qui

voudront bien les financer), 30 universités

« de proximité », sortes de « collèges

universitaires », établissement de masses qui

vivront la pénurie budgétaire et ne

bénéficieront plus de liens avec la

recherche.


Dossier réalisé par Mathias Tessier (44)

et Simon Heger (44)

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L’article en PDF

(1): Convention UMP « société de la connaissance » du 4

octobre 2006 (retour)

(2): La DGES est chargée entre autres de la répartition des

moyens entre les universités et de la validation des

diplômes (retour)

(3): L’AERES est chargée de l’évaluation des chercheurs, des

universités et des diplômes (retour)

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