En Bolivie, réelle stabilisation ou fausse accalmie avant la tempête ?
Le 25 janvier dernier, le peuple bolivien a
ratifié à une forte majorité la nouvelle
constitution proposée par le président Evo
Moralès. Cette constitution vise à donner une
« place prépondérante aux communautés
indigènes, à la justice sociale et au rôle de
l’État ». Le texte reconnaît en effet 36 groupes
indigènes différents, leurs langues, leurs cultures,
ainsi que leurs propriétés communautaires.
Enoutre, la constitution prend acte de
l’appropriation collective des ressources
naturelles par la nation bolivienne et institue
un « délit écologique ». La ratification du texte
constitutionnel a également été l’occasion
d’interroger le peuple bolivien sur la taille
maximale des grandes exploitations
agricoles. Les Boliviens ont voté massivement
pour la limite la plus basse, à savoir 5000
hectares. Visiblement, tout va bien dans le
meilleur des mondes. Les affrontements
sociaux de l’automne 2008, qui avaient fait
plus de 30 morts dans la région de Pando,
semblent loin. La ratification de la
constitution signe-t-elle la fin de la révolution
bolivienne ? La lutte des classes peut-elle
être balayée d’un simple trait de plume ?
En fait, la victoire électorale cache une
situation qui reste explosive. Le texte final de
la constitution est le résultat de nombreuses
concessions faites à l’opposition de droite qui
domine au sénat. Un exemple ? La limitation
des latifundia à 5000 hectares maximum n’a
aucune valeur rétroactive. Ainsi, seules les
grandes propriétés constituées dans le futur
seront expropriables. La droite a eu ce qu’elle
voulait : l’institutionalisation du quasimonopole
de l’oligarchie sur les terres
agricoles… L’opposition de droite relève la
tête, malgré l’échec de sa stratégie de
déstabilisation violente du régime, fin 2008.
D’ailleurs, alors que Moralès avait annoncé
publiquement espérer 70% de votes positifs,
le Oui n’a récolté que 62% des voix. Pour
autant, la bipolarisation socio-spatiale du
pays est confirmée par le vote du 25 janvier.
Les régions riches de l’Est et du Sud ont
nettement rejeté le texte de Moralès (plus de
70% à Santa-Cruz !), alors que le soutien au
président est toujours aussi fort dans les
régions andines et populaires de l’Est.
L’affrontement social, que la constitution
cherche à éviter, paraît inéluctable. Les
masses, d’ailleurs, sont toujours mobilisées
et prêtes à se dresser à tout mouvement de
la réaction. L’équilibre actuel est bien
précaire…