Che : rien de nouveau sous le soleil
Au mois de janvier dernier ont été
successivement projetés sur les écrans
les deux parties du film de Steven
Soderbergh, consacrées au Che, devenu une
véritable icône dans le monde entier quitte à
devenir parfois une simple image
commerciale par une de ces ruses dont
l’histoire a parfois le secret.
Principal protagoniste de la révolution
cubaine dont on fêtait le 50e anniversaire en
janvier, Che Guevara a depuis fasciné des
générations successives de militants. Dans le
film, le révolutionnaire est magistralement
incarné par Benicio del Toro dont la
performance a d’ailleurs été saluée en mai
2008 par le prix d’interprétation au festival de
Cannes.
Soderbergh a choisi de ne pas faire une
biographie complète du Che mais de
consacrer chacune des deux parties du film
sur deux moments clés de sa vie : la lutte
dans la Sierra cubaine entre 1956 et 1959
avant la prise du pouvoir à la Havane dans le
1er volet, l’échec final et prévisible de la
guérilla en Bolivie en 1966-67 dans le
second. On ne sait donc rien du jeune
Guevara, étudiant en médecine argentin
épris de justice sociale. De même, on ignore
tout de l’action gouvernementale du Che
comme ministre de l’Industrie cubaine entre
1960 et 1965… C’est une première vraie
limite du film.
Deuxième déception : le manque de recul et
de contextualisaton historique et politique…
Le Che est sans cesse présenté comme un
Robin des bois des temps modernes sans
véritable explication du sens de son
engagement. Lors de l’épisode bolivien, on a
parfois un peu de mal à suivre les conflits
sous-jacents avec les communistes locaux et
la longue descente aux enfers des guerillleros
ne nous apprend rien de plus que ce que l’on
savait déjà.
Cependant, le film possède d’indéniables
qualités esthétiques et la scène finale (où le
Che détenu est fusillé par des agents de la
CIA) est particulièrement réussie dans la
mesure où elle évite de sombrer dans le
pathos. L’œuvre de Soderbergh reste donc
plutôt intéressante puisqu’elle permet de
mieux comprendre les ressorts du triomphe
des compagnons de Castro et du Che : la
volonté d’en finir avec la domination et le
pillage de l’île par les États-Unis, la
revendication d’un meilleur partage des
richesses et des terres et tout simplement la
libération totale de Cuba (qui a formellement
accédé à l’indépendance en 1898) sur le plan
économique et politique.
Même si nous sommes en profond désaccord
avec les méthodes guévaristes, nous nous
battons pour les mêmes objectifs. En effet, la
lutte armée s’est soldée par de cuisants
échecs dans toute l’Amérique latine dans les
années 70 et 80. Les révolutions
démocratiques à l’œuvre à l’heure actuelle en
Bolivie, en Uruguay ou au Venezuela ont fait
bien plus pour la cause de la gauche que ces
inutiles guérillas où sont morts vainement
des milliers de militants. Malgré les entorses
démocratiques à Cuba, on ne peut qu’être
enthousiasmé par les légitimes aspirations
de la révolution de 1959 et par cette belle
idée que seul le socialisme libère vraiment
les hommes et les peuples de toutes les
formes de domination et d’exploitation.
Julien Guérin