Le manifesto
Le Manifesto adopté par le PSE (Parti socialiste
européen) titre sur les citoyens d’abord, et à ce
titre décline un programme commun pour la
social démocratie de l’Union européenne. Il réaffirme
que l’Europe est utile et indispensable face à
la mondialisation de l’économie et de la finance.
Ce programme se situe dans un clivage gauche-droite,
et se présente dans une perspective de progrès
face à la crise avec sa montée des inégalités
sociales. Dans ce cadre, les droits de l’homme pour
que chaque citoyen ait droit au travail, à l’éducation
et à la santé doit être la lame de fonds de toutes
directives. Pour aller dans ce sens, le développement
économique, la stabilité des prix, la lutte contre
les inégalités sociales, l’indépendance
énergétique, le développement des énergies renouvelables,
l’égalité des sexes, la maîtrise de l’immigration
en lien avec les pays d’origine, accouplés à
une politique de défense commune hors de l’Otan,
constituent le fonds politique que les élus du PSE
auront à défendre à Strasbourg et à Bruxelles.
Malheureusement ce programme de part son consensus
sous estime :
• L’ampleur de la crise
Actuellement, 78 millions de citoyens européens
vivent à la limite du seuil de pauvreté, les inégalités
territoriales Est Ouest sont une réalité créant au sein
de l’Union un vrai dumping social à travers les délocalisations.
Certes, le manifesto se prononce pour
une économie sociale de marchés et pour une régulation
pour combattre les effets néfastes de la
finance, mais cela manque d’ambition au regard des
éléments de conjoncture. Les liens entre les politiques
de l’Union et des Etats souverains avec la
BCE ne sont pas modifiés substantiellement.
Au contraire, les objectifs assignés par le traité
de Maastrich sont réaffirmés à savoir assurer la stabilité
monétaire et des prix à travers le pacte de stabilité.
Seules des réformes sont envisagées pour
éviter la flambée des prix de l’alimentation ou de
l’énergie, pour contrôler la finance, ou pour mettre
fin aux paradis fiscaux.
Or les acteurs sociaux: les capitalistes et les salariés
s’affrontent en permanence sur la répartition de la
richesse créée à travers la rémunération, dividendes
pour les uns, salaires pour les autres. Face à cette
donnée sociétale, il y a lieu d’élaborer au-delà du
salaire minimum européen les espaces réservés au
service public, à la négociation salariale, aux droits
des salariés, aux fonds européens pour vaincre les
inégalités territoriales tout en mettant en œuvre une
politique d’harmonisation fiscale et sociale
ambitieuse, seule capable d’assurer une circulation
partagée des biens et des personnes.
• Les enjeux énergétiques face à la donne climatique
Le manifesto se prononce pour l’indépendance
énergétique de l’Europe à travers les économies
d’énergie, principalement dans l’habitat, dans le
développement du transport ferroviaire et maritime;
la montée en puissance des énergies renouvelables,
notamment l’éolien; l’amélioration des réseaux
transfrontaliers de l’électricité et du gaz et la relance
timide de l’énergie nucléaire tout en respectant le
principe de souveraineté des Etats.
Ces mesures ne règlent pas, même si le principe
de diversification énergétique est affirmé,
les problèmes que soulèvent notre approvisionnement
en pétrole et en gaz au regard des questions
géo-politiques que posent la Russie dans la gestion
des feeders transfrontaliers impliquant l’Allemagne,
l’Ukraine, la Georgie, la Turquie pour le gaz. Quant
au pétrole, les politiques de sécurité d’approvisionnement
montrent l’importance des relations de
l’Europe avec l’Iran et le Moyen Orient sans être à
la remorque des Etats-Unis et de sa force de frappe
que constitue l’OTAN.
• La lutte pour obtenir l’égalité de sexes
Une charte européenne des droits de la femme est
affirmée avec force, mais une législation commune
est esquivée, car elle touche au droit à l’avortement
et à la contraception. Cette esquive n’est pas fortuite,
car elle s’affronte à l’héritage chrétien de la
civilisation européenne et dans ce cadre l’Eglise
romaine est préservée au nom de la politique concordataire
de cette dernière avec les Etats, pas étonnant
que la question de la laïcité soit absente du
programme du PSE.
• Les difficultés sociales qu’impose
le contrôle des flux migratoires
Dans l’absolu, la politique déclinée est acceptable.
La lutte contre l’immigration clandestine, l’accueil
des réfugiés, l’adaptation des besoins de main d’œuvre
en lien avec les pays pourvoyeurs, rompent
avec la politique du patronat qui réclame, lui, l’immigration
choisie, pilleurs des cerveaux des pays
en voie de développement qui ont eu à supporter les
charges d’éducation. Cette orientation oublie gravement
que c’est le patronat, donneurs d’ordre compris,
qui alimente les filières clandestines à travers
le travail au noir. Un immigré sans ressources ou de
subsides sociaux ne peut vivre dans le pays d’accueil.
Par ailleurs, les gouvernements des pays d’origine
sont aussi complices par inertie tout contents
d’être aux ordres des bailleurs de fonds, car ces travailleurs
permettent de faire rentrer des devises et
assurent dans bien des cas le quotidien de leur
famille. Quant à la réadmission des clandestins, elle
est purement utopique si les sources de la clandestinité
ne sont pas éradiquées… et elle ne se résume
alors qu’à des opérations de police avec son cortège
inévitable de bavures. L’immigré devient, de par la
loi, un délinquant alors que sa motivation est de
trouver un moyen de subsistance, victime successivement
des ravages de l’esclavagisme, du colonialisme
et de corruption de leurs dirigeants… Le
non consensus des Etats et de la droite concernant la
politique de sécurité et de défense.
Oui, une politique de défense commune serait une
avancée,, encore faudrait-il que cette question fasse
consensus. La Grande-Bretagne, porte avion de la
politique atlantiste, les anciens pays du pacte de
Varsovie réclament pas moins d’Otan, mais plus
d’Otan. La France à travers la politique pro-américaine
de son président et de son ministre des affaires
étrangères s’apprête à réintégrer cette structure…
Le PSE fait preuve de courage en la matière, mais
cette question devrait être étayée pour devenir crédible
aux citoyens européens qui réclament face
au terrorisme, aux montées du populisme et du
nationalisme étriqué une vraie politique de défense.
Et pour finir ce tableau des faiblesses du manifesto,
la question de la construction d’une Europe politique
n’est pas abordée dans toute sa complexité. La
ratification du traité de Lisbonne par les États de
l’Union est vécu comme une avancée, alors qu’une
partie de la gauche ne partage pas ce constat au
regard du débat sur le traité constitutionnel
européen. Le renforcement des régions constitue
dans cette stratégie une gouvernance politique pour
construire une Europe au détriment des États souverains
et des nationalités. Cette vision est certes
dans la dynamique de pensée des pères fondateurs,
mais pas dans celle qui active la culture des peuples
de la vieille Europe. En effet, les Etats constituent
encore l’espace démocratique pertinent et le nationalisme,
racine des peuples reste une donnée
générale. Or pour avancer, l’Europe a à régler les
questions nationales qui sont récurrentes comme la
question basque, l’éclatement de la Belgique, la
division séculaire entre l’Italie du Nord et du Sud, le
contentieux encore vivant de la ligne oder-neisse
malgré l’accord de 1970 entre l’Allemagne et la
Pologne, le rapport des pays Baltes avec la Russie
pour ce qui est de la sphère de l’Union, alors que
subsiste des conflits aux frontières de l’Union
comme la question du Kosovo entre les Serbes et les
Albanais, la question Kurdes en Turquie, l’indépendance
de l’Ukraine, de la Georgie face à la Russie.
C’est pourquoi, si le programme du PSE peut être
considéré comme une avancée à travers son orientation
à minima, force est de constater que le compte
n’y est pas pour aller vers une Europe sociale
démocratique et politique. Aussi, il appartient bien
aux socialistes français de faire avancer ce programme
par nos propres propositions fort de notre
puissance économique, de notre aura pour les droits
de l’homme issus des lumières et de notre conception
laïc de la citoyenneté. C’est bien une Europe
des citoyens qu’il s’agit de construire, le d’abord du
manifesto montre bien les limites que la social
démocratie met à l’ambition citoyenne au quelle
aspire les peuples de la vieille Europe.
Bernard Grangeon