Donner une nouvelle direction à l'Europe
Le texte d’orientation voté par la
Bureau national et le Conseil
national du Parti socialiste, le 28
février, est un socle de départ pour le
programme des socialistes lors des prochaines
élections européennes.
Jamais nous n’avons eu
autant besoin d’Europe
Il est vrai que nous avons un «besoin
impérieux d’Europe» car, face à la
Crise, jamais l’Union européenne libérale
n’a été aussi absente ou aussi
néfaste.
La remise en cause du « libre-échange
sans règles, du laisser-faire » et « d’un
système de compression des salaires et
de spéculation » est une base de départ
nécessaire à la réorientation de l’Union
européenne.
Le bilan de la droite qui domine le
Parlement mais aussi la Commission et
le Conseil des ministres est, en effet,
accablant : euro surévalué, refus de
toute politique industrielle, organisation
du dumping social, social et environnemental,
réduction du budget de
l’Union, soutien à la directive
Bolkestein, vote de la clause dérogatoire
sur la durée du travail jusqu’à
65heures par semaine, vote de la
« directive de la honte » autorisant le
maintien des immigrés pendant 18
mois dans des centres de rétention,
refus de la Droite (Modem inclus) de
voter une directive défendant les services
publics…
Un plan
de relance européen
Le texte constate que «la demande
intérieure constitue le principal levier
de la croissance en
Europe». C’est un
constat important car
toute la politique des
multinationales européennes
comme des
institutions qui dirigent
aujourd’hui
l’Europe libérale est
de considérer qu’il
faut baisser les
salaires européens
pour réduire les coûts
et que les débouchés,
la demande, se trouvent
ailleurs qu’en
Europe.
Il propose donc, à
juste titre, «un vrai
plan de relance de
l’activité à l’échelle
continentale, en agissant
à la fois sur l’investissement
mais
aussi sur la consommation
». Il est tout à
fait regrettable, néanmoins,
que le terme
« salaire » ne soit pas
explicitement utilisé et que le terme
«consommation» lui ait été préféré. Ce
n’est pas, en effet, les «primes à l’emploi
», les «bons de consommation»
qu’il faut augmenter ou instaurer mais
bien les salaires et les minima sociaux
qu’il faut augmenter.
Un pacte européen
de progrès social
Le texte va dans le bon sens, en affirmant
la nécessité d’un « Pacte européen
du progrès social », la nécessité
d’augmenter le budget de l’Union,
d’harmoniser les fiscalités, de définir
une politique commerciale européenne
et une nouvelle politique agricole, de
mettre les marchés financiers au service
de l’économie réelle et de mettre fin
aux paradis fiscaux.
Il est, cependant, regrettable que le
texte n’aille pas plus loin, ne fasse pas
du social le coeur de notre programme
et laisse de côté des mesures aussi
importantes que la réduction du temps
de travail, le nivellement par le haut
des systèmes d’assurance-maladie ou
de retraites par répartition (qui peut
aujourd’hui défendre les fonds de pension?),
l’abrogation de la directive
Mac Creevy qui reprend 70 à 80 % de
la directive Bolkestein et contre laquelle
ont d’ailleurs voté la totalité des
députés français du PSE.
La volonté d’aboutir à un Smic européen
est certainement la meilleure
méthode pour lutter contre le dumping
social. Il n’est pas sûr, pour autant, que
fixer une étape qui verrait les différents
« smic » nationaux « atteindre 60 % du
salaire médian de chacun des pays »
soit la plus heureuse des solutions.
Cela signifierait en France un Smic
brut à 933 euros, alors que notre parti
s’est prononcé pour un Smic à 1500
euros. Alors que la grève victorieuse
des ouvriers roumains de Dacia aussi
bien que les grèves générales de la
Guadeloupe, de la Martinique et de la
Réunion mettent à l’ordre du jour une
augmentation immédiate de 200 euros
du Smic, des salaires et des minima
sociaux.
La montée de l’exaspération sociale et
du mouvement social exigera, nous
pouvons y compter, que nous mettions
le social au coeur de nos propositions et
que nos propositions soient précises et
concrètes. Si nous ne le faisons pas,
nous serons incapables de répondre
aux aspirations du salariat et le coût
électoral et politique de ce déni sera
lourd, très lourd.
Le traité de Lisbonne
n’est plus qu’«une donnée»
Le «Manifeste» du Parti socialiste
européen considérait encore de façon
positive le traité de Lisbonne et en faisait
un point d’appui de la réorientation
de l’Union européenne. Or, ce traité ne
peut servir de base à une réorientation
de la politique européenne pour au
moins trois raisons.
D’abord parce qu’il n’a pas été ratifié
démocratiquement. Les peuples européens
n’ont pas été directement consultés.
Et quand ils l’ont été, les
parlements (en France, aux Pays-Bas)
se sont assis sur la volonté populaire.
Quant au deuxième vote « non » majoritaire
en Irlande, il est considéré
comme nul et non-avenu alors qu’à lui
seul, il rend le traité caduc.
Ensuite parce que ce traité est une
entrave à la réorientation sociale de
l’Europe. Il interdit toute harmonisation
sociale ou fiscale. Il sacralise la
libre circulation des capitaux à l’intérieur
de l’Union Européenne et entre
l’Union Européenne et le reste du
monde. Il empêche toute politique
industrielle commune, toute politique
commerciale commune au nom de la
libre concurrence. Il entrave toute politique
internationale indépendante de
l’Union en faisant de l’OTAN un horizon
indépassable. Il rend quasi impossible
(il faut l’accord de 27) toute
politique de « coopération renforcée »
entre les états-membres qui souhaiteraient
mettre en oeuvre cette procédure…
Enfin, parce que la réalité elle-même,
s’est chargée de montrer combien ce
« point d’appui » était vermoulu.
Les critères du « Pacte d’Amsterdam »
intégrés dans le traité de Lisbonne sont
totalement dépassés. Le dogmatisme
libéral qui présidait à la limitation des
déficits publics à 3 % du PIB d’un Etat membre
et des dettes publiques à 60 %
s’effondre. Le déficit public français
s’élèvera à 5,5 % en 2009 et la dette
publique à 83 % en 2010. Si tel n’avait
pas été le cas, l’économie française se
serait complètement effondrée, comme
d’ailleurs, les autres économies de
l’Union européenne qui ont agi dans le
même sens.
L’apport massif de capitaux publics
pour sauver les banquiers dont les spéculations
risquaient de faire s’écrouler
l’ensemble de l’économie comme un
château de cartes rend complètement
inepte un traité dont le noyau rationnel
repose sur la concurrence libre et non
faussée. Une telle concurrence interdit,
en effet, aux Etats d’empêcher en quoi
que ce soit les marchés de faire leur
office qui est de sanctionner l’inefficacité
de toutes les entreprise (y compris
les banques) dont les pertes sont trop
importantes et donc de les laisser faire
faillite.
La Banque centrale européenne est
obligée de baisser ses taux d’intérêt et
remet ainsi en question, dans la pratique,
la politique de l’euro cher qui est
le socle de sa mission telle qu’elle est
définie par le traité de Lisbonne.
La baisse tendancielle du dollar, le
désordre monétaire international rend
de plus en plus criante l’absence de
politique monétaire de l’Union européenne.
Mais le traité de Lisbonne
s’oppose à la mise en place de tout
gouvernement économique, seul à
même, pourtant, de définir une telle
politique.
L’acuité des difficultés économiques et
financières des pays d’Europe Centrale
et de l’Est, le péril que ces difficultés
font courir aux banques et à l’économie
de l’ensemble de l’Union européenne
fait resurgir aujourd’hui, aussi bien la
nécessité d’un budget européen digne
de ce nom que la possibilité pour la
Banque centrale européenne d’émettre
des emprunts publics. Deux nécessités
auxquelles s’oppose, là encore, le traité
de Lisbonne.
Le texte du Parti socialiste français
considère que le traité de Lisbonne
« est une donnée, mais ne saurait borner
l’ambition des socialistes pour
l’Europe ». C’est un pas en avant déterminant.
D’autant plus déterminant que
la Crise commence à ouvrir bien des
yeux et que les propositions des socialistes
français tracent une voie réaliste
pour l’ensemble du PSE.
Jean-Jacques Chavigné