El nucleo endogeno de Simon Bolivar
Septembre 2007. Parmi les nombreuses
réalisations impulsées par Hugo Chavez, les
« nucleos » sont l’exemple type d’un Venezuela
en plein bouleversement. Longtemps, aucune
structure n’existait pour venir en aide aux plus
démunis.
En parallèle de la gratuité des soins,
de l’instauration d’aides comme le microcrédit,
de centres de lutte contre l’illettrisme,
la pauvreté, des centres d’éducation populaire
qui ont vu le jour de manière coordonnée et
planifiée par l’État, d’autres structures sont
nées d’une nouvelle prise de conscience de la
population. Le nucleo endogeno de Simon
Bolivar en est l’illustration.
“ Yo me siento muy contento con este
proceso revolucionario porque me ha
enseñado a vivir mejor ” (« je me sens très
content de ce processus révolutionnaire, car il
m’a appris à vivre mieux »). Une petite phrase
écrite d’une main non assurée qui veut tout
dire. Il demande vérification auprès d’une
amie du centre pour savoir s’il n’a pas
commis d’erreur. En effet, il est en train
d’apprendre à écrire, grâce à la mission
Robinson, l’une des nombreuses missions
créées par le gouvernement Chavez au
Venezuela, et ses toutes premières phrases, il
tient à me les écrire sur mon cahier. Il
s’appelle Lisandro Mogollon, 30 ans et pas
une vie facile derrière lui.
Quatorze années passées dans la rue, à voler
pour pouvoir acheter sa drogue. Quatorze
années de galères auxquelles il a mis fin le
jour où il a perdu sa jambe gauche, suite à
une fusillade de règlement de compte entre
dealers. Ce fut le déclic, et de Maracaibo d’où
il est originaire, il partit à Caracas, pour y
trouver un centre qui veuille bien l’accueillir.
À Caracas, par le bouche à oreille, il entend
parler du « Nucleo Endogeno Simon Bolivar ».
C’était il y a un an et quatre mois, et il y est
toujours. Toujours, jamais comme avant.
Jamais il ne remerciera assez Chavez d’avoir
promu ce type d’établissement, même si le
Nucleo ne fait pas partie des missions à
proprement parler. D’une manière un peu
naïve il mêle Simon Bolivar, Chavez, le Che,
Fidel, et crie gloire à la révolution.
Naïf mais pas tant que ça. Car il y a
quelques années, rien dans sa réhabilitation
n’aurait été possible. Avant Chavez, l’époque
du capitalisme triomphant, de la médecine
privée, aucune association n’existait pour
porter secours aux personnes en difficulté,
aux miséreux, aux familles, aux drogués,
drogués qu’une journaliste très célèbre a
qualifiés d’ « animaux, qui ne méritent pas
d’être vénézuéliens »…
Le Nucleo fait donc partie de ce travail de
titan réalisé chaque jour par la population,
mais garde sa particularité. Dans ce temple
où l’esprit révolutionnaire sert de voie de
guérison, mais aussi de philosophie de vie au
jour le jour, l’espoir, la volonté, l’entraide
sont plus que palpables, ils sont partout,
dans les yeux des résidents comme dans
chacun de leurs faits et gestes. Il y règne une
atmosphère paisible, ce qui n’empêche pas
une organisation quasi militaire. Chant
révolutionnaire au réveil, cours de théâtre,
ateliers d’estime de soi, école pour tout le
monde, travaux manuels, réunion, sports,
débats… la journée se retrouve bien remplie.
Des affiches rappellent que
la révolution les aidera à
retrouver la dignité,
l’espoir perdus
La règle : aucune drogue, aucun placebo,
aucun médicament au sein de
l’établissement. Seule la volonté compte, et
des affiches, partout, encouragent et
rappellent que ces pensionnaires pas comme
les autres sont des hommes, qu’ils sont
beaux, qu’ils sont ensemble, et que la
révolution les aidera à retrouver la dignité,
l’espoir, la force qu’ils ont perdus. Cela
pourrait sembler un peu candide, mais
comment ne pas comprendre qu’il faut
encore se persuader chaque jour que l’on
vaut quelque chose quand la société ne nous
a rien donné ? Et pourtant, ce n’est pas du
lavage de cerveau. Le gens ici rentrent, mais
sont libres de partir lorsqu’ils le souhaitent.
Ce n’est pas non plus un centre fermé : les
familles sont autorisées à y rentrer. Et c’est
aussi un centre où chacun est acteur. Ce ne
sont pas des malades qu’on y soigne.
Chacun s’occupe du bon fonctionnement de
la maison, de la cuisine, du nettoyage, de la
rénovation des bâtiments, de l’animation des
ateliers… « C’est l’âme que l’on soigne »
rappelle le directeur du centre, ex trafiquant
de haute voltige, qui lui aussi a perdu sa
jambe suite à un tir. « On y réapprend à vivre
comme des hommes et pas comme des chiens
tout simplement ». « Ici, c’est avec de l’amour
et pas des médicaments que l’on se cure ». Ils
vivent le socialisme chaque jour.
Qu’entendent-ils par là ? « Le partage,
l’égalité, l’amour, la foi en l’être humain, le
socialisme1 quoi ! ». La révolution, ils en sont
partie intégrante. La révolution n’est plus un
vaste mot vide de sens. C’est une lutte, une
manière de vivre, que ce Nucleo a si bien
traduit. On ne peut en ressortir sans se
sentir re-motivé pour se battre. Une
expérience qui montre que oui, c’est possible,
et ce ne sont pas eux qui vont vous dire le
contraire.
Carnet de voyage au Venezuela,
Laure Dansart