GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Douze ans de blocus pour Gaza

Il y a des anniversaires qui ne se fêtent point, mais qu’il serait inadmissible d’oublier. Parmi eux se compte le blocus de Gaza, qui a commencé en juin 2007. Cela fait donc douze ans à la parution de ces lignes. Douze ans de souffrance et d’enfermement, douze années de survie, ou faut-il dire de sursis ?

Le sort des Gazaouis importe peu aux yeux des médias occidentaux dominants. Déjà las de la permanence des Marches pour le Retour, ils s’empressent en revanche de reprendre les titres de la propagande israélienne dès lors que les prisonniers1 de ce territoire laissent éclater leur colère par ce qui semble être des actes de désespoir : les « pluies de roquettes sur Israël » font la une et suscitent les déclarations indignées de politiciens en mal de popularité.

Comme s’il fallait avant tout éviter d’aborder le problème par sa racine.

Abécédaire

Orly Noy, une militante israélienne, fait à contre-courant ce rappel élémentaire essentiel : « Non, les escalades ne débutent pas avec les roquettes sur Israël. » Elle met les points sur les i : « Israël peut raconter, et à lui-même et au monde, toute histoire qu’il veut. Il peut parler d’ « escalade » seulement quand des roquettes tombent sur le sud, ou de terrorisme seulement quand ses citoyens en paient le prix. Il peut gommer le blocus barbare sur Gaza, la famine incessante de sa population, les tireurs d’élite qui tuent des manifestants non armés, les tirs sur les pêcheurs, le manque d’eau potable, d’électricité, d’infrastructures, d’économie et le chômage. Pourtant, rien de tout cela ne cessera de faire partie de l’histoire dans la fabrication de l’occupation et de la violence. Ne vous en déplaise, un récit ne peut pas remplacer la réalité et, en réalité, Israël a infligé des dommages à deux millions de Gazaouis assiégés depuis plus de dix ans »2.

Objectifs troubles

Qu’est-ce qui justifie le choix des déclarations occidentales ? Au-delà du soutien à un régime d’oppression et d’apartheid officiellement proclamé, ne reviennent-elles pas à exiger des victimes qu’elles renoncent à se débattre dans leur agonie, qu’elles se laissent étouffer, affamer, assoiffer, et mourir en silence ? Ne se rendent-elles pas compte que l’exigence la plus urgente qu’elles omettent, alors qu’elles devraient tout faire pour la mettre en avant, est la levée d’un blocus mortifère et inacceptable ?

À moins que les Occidentaux ne cherchent tout simplement qu’à cacher leur honte derrière un écran de fumée, tout en s’apprêtant, raison d’État oblige, à rallier l’illusoire solution d’un Trump influencé par des fondamentalistes chrétiens non dénués d’antisémitisme. Peut-être se sentent-ils gênés d’en être réduits à devoir jouer les Ponce Pilate ?

Et s’ils écoutaient plutôt la clameur qui monte de la ville sous blocus ?

Que veulent les Gazaouis ?

Haiddar Eid, écrivain et professeur de littérature postcoloniale à l’université Al-Aqsa à Gaza, commentateur politique indépendant, exprime avec vigueur et précision ce qu’il en est : « Il ne s’agit pas d’un « conflit », comme les Israéliens aiment à le présenter, avec un groupe armé hostile. Il s’agit d’une occupation lancée par un pouvoir colonial qui s’efforce de purifier ethniquement toute une population autochtone afin de consolider et de légitimer sa colonie. Ce qui se passe à Gaza est un lent génocide, pas une « opération de sécurité ». [...] Nous, membres de la société civile palestinienne, affirmons depuis longtemps que la voie à suivre devrait être le pouvoir du peuple – la seule force capable de lutter contre l’énorme asymétrie du pouvoir dans la lutte contre Israël. Et notre grande Marche du retour l’a démontré. Nous avons réussi à rompre les efforts visant à couper intentionnellement de ses racines le « conflit » de Gaza, et nous avons fait entendre nos revendications dans le monde entier. Nous ne voulons pas d’un autre cessez-le-feu à court terme ou d’une « légère » amélioration des conditions de vie dans le Marché du siècle. Nous ne voulons pas de miettes. Nous voulons retourner sur nos terres, nous voulons que nos droits en vertu du droit international soient reconnus. C’est pourquoi, chaque vendredi, nous continuons d’appeler au boycott, au désinvestissement, aux sanctions (BDS) contre Israël et nous saluons les efforts de divers groupes et individus du monde entier – la véritable communauté internationale – qui se sont associés à nos efforts »3.

Revendiquer l’équilibre dans une situation d’asymétrie ne saurait constituer qu’un leurre.

Cet article de notre ami Philippe Lewandowski est à retrouver dans le numéro 265 (mai-juin 2019) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

1. Appellation reprise d’Ilan Pappe, pour qui Israël n’est pour les Palestiniens qu’une immense prison : Gaza en est le cachot ou quartier de haute sécurité, les territoires occupés la section générale ; quant aux Palestiniens d’Israël, leur régime s’apparente à celui de la liberté surveillée.

2. Orly Noy, « Non, les escalades ne débutent pas avec les roquettes sur Israël », http://www.agencemediapalestine.fr, 5 mai 2019.

3. Haiddar Eid, « Gaza a fait son choix : toujours elle résistera ! », http://www.chroniquepalestine.com, 7 mai 2019.

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