GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

À Gauche

Dialogue avec Alexis Corbière

Fondateur du Parti de Gauche avec Jean-Luc Mélenchon, Alexis Corbière vient d’être réélu député à Montreuil et Bagnolet. Alors qu’il s’attelle, avec ses ami.es « purgé.es », à la construction d’une nouvelle force unitaire, pluraliste et démocratique, il trace, dans une discussion (fin juillet 24) avec notre camarade Pierre Timsit, les perspectives pour l’ensemble de la gauche.

Pierre Timsit : Tu as proposé la constitution d’un groupe unique de gauche à l’Assemblée et la constitution de collectifs du NFP partout dans le pays. Peux-tu nous en dire plus ?

Alexis Corbière : C’est effectivement ainsi que nous nous sommes présentés aux électeurs. Les gens ont voté NFP sans faire de distinguo entre les partis et l’unité a été un des éléments déterminants de la dynamique. Le NFP est plus qu’une alliance. C’est une coalition large avec des syndicats, des associations, des intellectuels, pas un cartel de partis. Il faut donc créer un cadre large qui garantisse sa solidité car ce n’est pas un coup tactique mais une stratégie à long terme de rassemblement des forces de gauche et écologistes face à la puissance de l’extrême droite, qui reste en dynamique même si nous l’avons heureusement stoppée.

Dans ces conditions, pourquoi pas des comités locaux auxquels on peut adhérer directement ? Les insoumis unitaires ont cet objectif chevillé au cœur.

PT : Tu appelles à un processus, comme le dit Clémentine Autain, qui permette d’avancer vers un regroupement politique. Qu’entendez-vous par là ?

AC : Après avoir subi ce que j’ai subi, je vais proposer avec plusieurs ami.es un nouveau cadre de regroupement, un outil de réflexion et d’action pour ceux qui veulent être utiles dans la période en créant les conditions du maintien du NFP. Il s’agit de s’ouvrir. Des milliers de gens souhaitent que nous gardions le meilleur de LFI, c’est-à-dire un programme de transformation sociale et écologique radicale, mais avec des méthodes démocratiques. Il y a une vie pour la pensée insoumise en dehors de la férule de Mélenchon. Nous l’avons démontré par les urnes, à nous de la faire vivre.

Après vingt-huit ans de vie politique commune, j’ai découvert mon exclusion par mail. Aucune conscience de gauche ne peut accepter ces méthodes qui défigurent notre projet démocratique. Des prétextes ont ensuite été utilisés. On a dit, pour justifier la purge, qu’il fallait mettre en avant des gens de la société civile, alors que les candidats envoyés contre nous étaient surtout des proches de longue date de Mélenchon

PT : Comment juges-tu LFI depuis ta brutale exclusion ?

AC : Je forme le vœu que celles et ceux qui restent créent les conditions pour que cela ne se reproduise pas. Sinon, les soutiens aux purgeurs d’aujourd’hui seront les purgés de demain. Ce système de gouvernement par la crainte maintient le silence au sein de LFI, alors qu’un parti devrait être le lieu de la libre confrontation d’idées. La direction revendique un fonctionnement par consensus, mais Mélenchon lui-même a récemment dit que « le consensus n’était pas démocratique ». Leurs contradictions deviennent tragi-comiques. Le mouvement « gazeux » est en réalité devenu aussi fumeux que brumeux. Une organisation qui porte le beau projet de VIe République ne peut fonctionner comme une petite principauté.

La direction de LFI a employé contre moi des moyens exceptionnels. Neuf députés et cent militants extérieurs sont venus dans ma circonscription pour expliquer que j’étais un traître, un vendu, un raciste, un sioniste… Tous ces gens auraient mieux fait d’aider les candidats en difficulté. Comment ne pas déplorer la défaite de Rachel Kéké, un symbole, une femme issue du peuple, qui n’a pas bénéficié du quart des moyens utilisés contre moi ? Ils ont préféré me faire battre – en vain – que faire réélire Kéké.

LFI a perdu onze députés, dont neuf dans des zones rurales. Cela veut dire quelque chose. Nous ne prendrons pas le pouvoir avec une base sociale et électorale qui se réduit de scrutin en scrutin, ni avec une direction constituée d’un seul et unique profil sociologique. Comme le dit François Ruffin, il faut faire l’alliance de la France des tours et de la France des bourgs.

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