GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

À Gauche

La lutte des classes, encore et toujours (École #2)

Dans le cadre des échanges que nous menons avec Picardie debout !, la formation politique lancée par notre ami François Ruffin dispose d’une carte blanche mensuelle dans nos colonnes. Comme le mois dernier, Guillaume Ancelet revient sur la question décisive de l’éducation (précédent article : vive la lutte des classes ! )

Face à l’ampleur de la question éducative, il m’a été impossible de traiter l’ensemble des sujets qui mettent en tension l’école et ses personnels dans ma tribune du mois dernier. Je le complète ce mois-ci par deux autres problématiques : la concurrence école publique – école privée, et la rénovation du bâti scolaire.

Concurrence déloyale

Les sorties médiatiques polémiques d’Amélie Oudéa-Castera ont, certes exaspéré les personnels, mais elles ont aussi eu le mérite de replacer le débat école publique/école privée au cœur des attentions. Le projet politique du gouvernement est clair : organiser un système scolaire différencié entre le public et le privé qui donne le choix aux parents qui en ont les moyens de se tourner vers le privé quand le public dysfonctionne. Une sorte d’ouverture du marché de l’éducation qui permettraitd’aller vers le plus offrant.

Comme France Telecom ou les PTT l’ont vécu il y a une trentaine d’années, comme l’hôpital plus récemment, l’éducation est fractionnée en entités plus ou moins monétisables. Le soutien scolaire et l’aide aux devoirs sont par exemple ce qui se vend le mieux sur le marché capitaliste aujourd’hui. On peut citer aussi les cours de langues étrangères et on trouve désormais des coachs en orientation pour guider les élèves dans Parcoursup. La mécanique est simple et connue depuis longtemps. Les réformes affaiblissent le service public. Il fonctionne moins bien, les usagers recherchent d’autres lieux pour remplir le besoin que le service public ne satisfait plus ou mal. D’usagers, ils deviennent clients d’un marché nouveau, « fleurissant » comme on dit dans le monde économique.

Pour l’école, c’est assez simple, puisqu’il existe, organisée par l’État et protégée par la loi, une offre de scolarité privée largement subventionnée qui n’est pas facturé à son coût réel aux familles. Les dés sont pipés par des financements de l’école publique insuffisants, des réformes qui la désorganisent, l’affaiblissent. Le privé fait sécession et les choix politiques l’accompagnent puisqu’ils autorisent les établissements privés, même sous contrat avec l’État, à ne pas mettre en place les réformes de l’école publique. Une concurrence déloyale à l’image du marché de l’électricité où on fait entrer en concurrence des fournisseurs qui n’ont pas les mêmes contraintes. Les écoles privées sont également des gouffres financiers pour les collectivités.

Le bâti scolaire : une bombe à retardement

S’ajoutent aux problèmes éducatifs, des problèmes de bâti scolaire. L’état de délabrement des établissements scolaires est tel qu’il nécessite un plan massif pluriannuel d’investissements pour remettre les bâtiments en état d’accueillir dignement les élèves. Construire des toilettes en nombre suffisant, isoler les bâtiments qui en moyenne ont une cinquantaine d’années et souffrent d’un déficit d’entretien, construire massivement des équipements sportifs, adapter les salles de classes pour accueillir les élèves et les personnels en situation de handicap sont autant de priorités à porter.

Il revient aux régions l’entretien des lycées, aux départements les collèges et aux communes ou communautés de communes les écoles. Mais seule la volonté politique centralisée par l’État permettra de remettre au niveau le bâti scolaire et de l’adapter aux conditions du changement climatique. Les mobilisations exemplaires en Seine-Saint-Denis ces dernières semaines doivent montrer la voie d’une école traitée de manière égalitaire quel que soit le lieu où elle se trouve sur le territoire. Aujourd’hui, il existe des établissements de seconde zone, des écoliers de seconde zone. C’est inacceptable et c’est la source d’un ressentiment qui nourrit le sentiment d’abandon, que l’on se trouve dans les quartiers populaires ou dans la ruralité.

Rationalisation nationale

Les personnels sont sommés de faire toujours plus à budget constant, et même avec moins puisque proportionnellement au PIB, la part consacrée à l’Éducation nationale diminue ces vingt dernières années. On assiste davantage à un projet de rationalisation budgétaire plutôt qu’à une ambition d’éducation nationale émancipatrice. Que la gauche reprenne la main sur ces sujets est un enjeu majeur. Qu’elle pose dans le paysage politique un véritable projet scolaire, une grande loi d’orientation sur l’éducation pour rétablir le rôle central de l’école dans la société. Le pays en a besoin pour affronter les défis démographiques, démocratiques et écologiques.

Cette tribune de notre ami Guillaume Ancelet (président de Picardie debout !) a été publiée dans le numéro 316 de Démocratie&Socialisme, la revue de la gauche démocratique et sociale (GDS).

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