GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

À Gauche

Devoir de solidarité « Oh, nous, ça va ! »

Dans le cadre du travail que nous menons en commun, les camarades de Picardie debout – la formation lancée par notre ami François Ruffin – disposent d’une carte blanche mensuelle dans nos colonnes. Ce mois-ci, Guillaume Ancelet (président de Picardie debout) évoque la modestie et la dignité des gens simples.

« Nous, ça va ; on a un jardin ». « Nous, ça va ; on est en bonne santé » « Nous, ça va ; on est propriétaires » … Voilà comment les gens que l’on rencontre se décrivent, se rassurent lorsqu’on leur pose la question du quotidien « Comment allez-vous ? ».

Souvent il s’agit de retraités, de salariés qu’on appelle « modestes », autant par la faiblesse de leur pension et de leur revenu que par l’image qu’ils renvoient d’eux-mêmes. Beaucoup de modestie qui masque souvent 42, 43, voire 45 années de travail et de cotisations pour une retraite qui flirte avec les 1 000 euros, parfois beaucoup moins pour les ouvriers agricoles, parfois un peu plus pour les retraités de la Fonction publique.

Un équilibre fragile

Ils se contentent de ce qu’ils ont, sans envier leur voisin. Au contraire même, puisque souvent ils enchaînent avec une phrase de compassion : « Mais ceux qui paient un loyer, je ne sais pas comment ils font » ou « Ceux qui n’ont pas de jardin, je ne sais pas comment ils font »…

Chaque fois que j’entends ces phrases sur les marchés, dans les vide-greniers, je ne peux m’empêcher de penser à la phrase qui ouvre le film La Haine de Mathieu Kassovitz : « Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien. L’important, c’est pas la chute… C’est l’atterrissage ».

Question de génération, tout autre contexte, mais, quand on creuse, on se rend compte de l’équilibre précaire de ces foyers. Il est vulnérable, fragile, il tient à un fil, une variable : avoir un jardin, avoir la santé, avoir pu être propriétaire de son logement. Malheur quand un imprévu leur tombe sur le coin du nez : panne de voiture, de chaudière, une grosse dépense imprévue. D’où parfois l’éloignement – et c’est plus grave – du médecin, du dentiste, de l’ophtalmo au risque qu’il nous trouve quelque chose, qu’on doive payer pour des soins ou des lunettes. À l’éloignement géographique en ruralité s’ajoute l’éloignement financier.

Devoir de protection

Ce devrait être ça le rôle des décisions politiques, la boussole de celles de gauche. Protéger, assurer, renforcer, multiplier les fils de sécurité pour stabiliser les vies, que chacun vive mieux, paisiblement de son salaire ou de sa retraite. Et en cas de chute, que ce soit un filet de sécurité qui permette de se reposer un temps et de rebondir ensuite.

C’est le sens de la Sécurité sociale, trop souvent affaiblie. C’est le sens des Aides personnalisées au logement (APL), rognées en début de quinquennat Macron. C’est le sens de la pension d’invalidité, trop rarement et faiblement revalorisée. C’est le sens de l’Allocation adulte handicapé (AAH), déconjugalisée grâce à l’action des députés de gauche. Et plus largement de tous les mécanismes de solidarité qui contribuent au progrès social, humain, d’une société plus juste et égalitaire. Cotiser selon ses moyens et recevoir selon ses besoins, voilà la logique à pérenniser et renforcer depuis 1945 et ses principes posés par le Conseil national de la Résistance.

Aujourd’hui, trop nombreux sont les gros revenus, les gros patrimoines qui cherchent à s’extraire de la solidarité nationale. Je ne les appelle pas les « gros contribuables » justement parce que, proportionnellement, ils contribuent moins que les autres à renforcer les filets de sécurité face aux accidents de la vie.

Il faut dire que trop nombreux sont les mécanismes qui leur permettent de le faire. La loi, les lois doivent évoluer pour que les gros payent gros et que les petits et les moyens payent moins.

- Établir 14 tranches d’impôts sur le revenu, plus progressif que les cinq tranches actuelles ;

- Rétablir l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ;

- Limiter les niches fiscales (combien d’entre nous les connaissent, y ont recours ?) ;

- Proposer la progressivité de l’impôt sur les sociétés pour faire en sorte que l’artisan du coin paie proportionnellement moins que les entreprises du CAC 40 (c’est aujourd’hui largement l’inverse).

Ne pas perdre sa vie à la gagner !

Ceci tout en conservant l’idée que chacun reçoive, en cas de pépin, le meilleur de la protection santé, de l’accompagnement dans l’autonomie, de l’aide dont il a besoin au bon moment.

Mais avant tout, les gens doivent pouvoir vivre de leur travail. Leur travail présent par le salaire, leur travail passé par la retraite. L’indexation des salaires et des pensions sur l’inflation doit être le fil de sécurité qui maintient les niveaux de revenus même en période de forte inflation et ne fait pas basculer une partie des familles dans la précarité. Voilà le sens de l’engagement de toute la gauche pour le progrès humain, dans une société hyper-riche, pour éviter que la fin de La Haine n’advienne : « C’est l’histoire d’une société qui tombe, et qui, au fur et à mesure de sa chute, se répète sans cesse pour se rassurer : “Jusqu’ici tout va bien” ».

Cet article de Guillaume Ancelet, président de Picardie debout, est à retrouver  dans le numéro 310 (décembre 23) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale.

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