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AESH : un métier, un statut, un vrai salaire !

En cette rentrée encore, les accompagnantes* d’élèves en situation de handicap (AESH) exerçant dans les écoles, collèges et lycées ont manifesté leur colère. Il faut dire qu’elles ont de multiples raisons de revendiquer.

La rémunération des AESH n’est pas à la hauteur du service que ces agentes apportent au bénéfice de l’école inclusive et de la scolarisation des élèves en situation de handicap.

Salaires indécents

Elles pâtissent à la fois de temps de travail très bas et d’indices de rémunération au minimum de la Fonction publique. Nombreuses sont celles qui touchent un salaire en dessous du seuil de pauvreté. Non seulement leur salaire « de base » est un des plus bas de la Fonction publique, mais la grande majorité d’entre elles travaillent à temps partiel contraint. En effet, comme elles accompagnent les élèves sur les heures scolaires, leur temps de travail est le plus souvent de 24H/semaine, ce qui représente 62% du temps complet.

Ainsi, une AESH au 3e échelon et travaillant sur le temps scolaire (donc à 62 %) touche 1 068 euros brut (soit 856 euros net) par mois.

Une reconnaissance qui tarde à venir

Le nombre d’AESH ne cesse de croître de manière importante ; il est passé de 93 000 en 2017 à 132 000 en 2022,. Mais l’Éducation nationale tarde à leur faire une véritable place dans le système éducatif et à les faire sortir d’un statut précaire.

Elles sont contraintes actuellement d’effectuer deux CDD de trois ans, soit six ans de contrat précaire, avant d’obtenir éventuellement un CDI, et non une titularisation dans l’Éducation nationale. Pourquoi ces personnels sont-ils contractuels alors qu’ils effectuent des missions pérennes ? Il est grand temps de créer un corps de fonctionnaires pour les AESH.

Une proposition de loi dans ce sens, signée par l’ensemble des députés NUPES, a été déposée il y a un an. Mais une majorité a été trouvée à l’Assemblée nationale pour dénaturer la proposition. Des amendements identiques déposés par la droite et la majorité présidentielle ont réécrit le texte, de façon à éviter de faire des AESH des fonctionnaires dont on ne pourrait plus se débarrasser.

Plutôt que de voir l’installation stable des AESH comme un progrès dans le caractère inclusif de l’école, nos dirigeants y voient avant tout une dépense incontrôlée à juguler. Il est vrai que son coût a doublé, passant de 1,2 milliard d’euros en 2017 à 2,2 milliards en 2022.

Des conditions d’exercice dégradées

C’est d’ailleurs pour des considérations avant tout budgétaires, et non pour améliorer les conditions d’accompagnement des élèves que l’Éducation nationale a réorganisé le dispositif selon la classique logique de mutualisation, en créant les Pôle Inclusifs d’Accompagnement localisés (PIAL) en se dégageant du schéma traditionnel « un élève - un AESH ».

« En réalité, la création des PIAL a profondément dégradé l’accompagnement des élèves qui ne bénéficient souvent que d’un saupoudrage et les conditions de travail des AESH. Les PIAL permettent surtout au ministère d’afficher un meilleur taux de couverture d’accompagnement, au détriment de sa qualité », écrit la FSU-SNUipp dans sa brochure consacrée au sujet.

Un métier féminin donc dévalorisé

Féminisé à 93 %, le métier d’AESH coche toutes les cases d’un métier « féminin, essentiel, invisible ».

Ce métier a vu le jour il y a plus de vingt ans, sous forme de contrats aidés proposés en priorité à des femmes seules, avec ou sans enfants, souvent en fin de carrière, titulaires d’un baccalauréat, d’un diplôme ou d’une expérience en rapport avec le métier, ou de diplômes supérieurs dévalorisés. Pourquoi ? Parce que ce sont des femmes en difficulté d’insertion qui étaient censées accepter cette précarité tout en correspondant au « profil ».

« Nous recherchons un/une (sic !) personne bienveillante, calme, et à l’écoute » (petite annonce de recrutement, Ariège, octobre 2023). Et paradoxalement, les traits de caractères réputés féminins recherchés lors du recrutement ne sont plus jamais considérés comme de réelles « compétences » dans l’exercice du métier, pas plus que l’expérience et les savoir-faire qu’elles acquièrent dans leur pratique professionnelle ne sont valorisés.

Paravents d’une inclusion

L’Éducation nationale a fait de la présence des AESH la réponse quasi-unique à la volonté d’inclusion de l’école, sans mettre réellement en chantier une transformation plus radicale pour une école ouverte à tous les profils. Dans le même temps, elle a supprimé d’autres dispositifs d’accompagnement scolaire et éducatifs comme les RASED, elle n’a pas mieux développé la complémentarité avec le médico-social pour répondre aux besoins plus spécifiques des enfants qui nécessitent d’être accueillis, parfois de manière complémentaire à l’école, dans des établissements adaptés, et surtout, elle n’a pas pris à bras le corps la formation de tous les personnels enseignants et AESH sur les questions liées aux handicaps et à l’inclusion.

Agissant ainsi, l’Éducation nationale continue à faire des AESH un personnel marginalisé qui supporte pourtant l’essentiel de l’école « inclusive ». Comme le souligne Philippe Meirieu : « L’école ne peut être inclusive que si les enfants sont accompagnés solidement pour “compenser” leur handicap et si les enseignants sont formés pour mettre en place des activités pédagogiques authentiquement inclusives ».

Ce travail collectif ne pourra se faire qu’avec la reconnaissance de toutes et tous. Cela exige pour toutes et tous : un vrai métier, un vrai statut, un vrai salaire.

Nous publions ici la version longue d'un article de notre camarade Claude Touchefeu paru dans le numéro de novembre de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

* Le propos étant de rendre visibles ces emplois essentiellement féminins, je prends le parti de privilégier l’écriture au féminin.

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