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AESH, AED : les invisibles de l’Éducation nationale

En début de vague Omicron, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, vient d’annoncer sans vergogne qu’un tiers des 969 000 enseignants aura contracté le Covid d’ici la fin janvier. Face à cette pénurie d’agents – titulaires comme contractuels –, la solution préconisée par le gouvernement est naturellement un recours accrue à la précarité.

Blanquer autorise en effet les rectrices et les recteurs d’académie à recruter jusqu’à 12 % d’agents contractuels, au lieu des 9 % actuels, pour pouvoir assurer une partie des remplacements d’enseignants malades et/ou isolés. Cette décision permettra de recruter donc 25 000 contractuels supplémentaires, mais aussi des vacataires et des retraités volontaires.

C’est comme si le recrutement de contractuels et autres précaires de l’Éducation nationale était lié au contexte sanitaire alors qu’un enseignant sur dix est contractuel, leur nombre ayant augmenté de 20 000 en dix ans.

Précarisation nationale

Le recours à des agents contractuels est une mauvaise habitude prise par l’institution scolaire depuis bien (trop ?) longtemps. Mais surtout, la Loi de transformation de la Fonction publique du 6 août 2019 permet le recrutement d’« agents contractuels pour pourvoir des postes permanents ». L’orientation gouvernementale est très explicite. Face à la commode « crise des vocations », produite par des années de dépréciation salariale et de dégradation du service public d’éducation, on recourt à des enseignants contractuels, qui prennent leurs fonctions parfois sans aucune formation. Ils sont moins bien rémunérés que les enseignants titulaires : 1 680 euros contre 2 500 en moyenne pour un professeur titulaire.

Ajoutons à cela l’incertitude récurrente de l’affectation du poste chaque année (et sur combien d’établissements ?). Pour tout le monde, il s’agira d’un ou d’une « prof » devant élèves et c’est bien tout ce qui compte. Peu importeront son statut, ses conditions d’emploi, ses conditions de vie.

On achève bien les précaires

Ils sont nombreux tous ces précaires de l’Éducation nationale, y compris sur d’autres métiers, invisibilisés par leurs sigles, dont on ne sait jamais exactement ce qu’ils signifient. AED, AESH, AVS… Ces personnels « essentiels » sans lesquels les établissements scolaires ne pourraient pas fonctionner normalement.

Les Accompagnatrices – 90 % sont des femmes – d’élèves en situation de handicap (AESH) sont des agents contractuels de l’État, avec des contrats de trois ans renouvelables une fois et la possibilité de passer ensuite en CDI. Des femmes et des hommes nécessaires à l’inclusion des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire. 224 337 élèves sont accompagné.es par 117 000 AESH en 2020, ce qui correspond à 72 197 équivalents temps plein car, oui, les AESH travaillent à temps partiel imposé pour un salaire d’environ 760€ / mois pour 24h/semaine bien souvent. Il faut rappeler qu’une personne est considérée comme pauvre lorsque ses revenus sont inférieurs à 1063€ /mois.

Les AED, assistantes et assistants d’éducation – qu’on appelait auparavant « surveillants » ou même « pions » –, sont eux aussi essentiels au fonctionnement des établissements scolaires. Ils surveillent les études, les cours de récréation, aident aux devoirs, écoutent les élèves et alertent lorsque cela est nécessaire. 20 % des AED sont des étudiantes et des étudiants ; les autres ont en moyenne 30 ans. Ils travaillent souvent à temps partiel – imposé pour eux aussi –, ont des contrats d’un an renouvelables jusqu’à six ans et doivent chercher un nouvel emploi au terme de cette période. Leurs compétences acquises ne sont ensuite pas valorisées, aucune reconnaissance de leur expérience n’existe et ils ne peuvent pas évoluer au sein de l’Éducation nationale. On les jette…

Pour un vrai statut

Des travailleuses et des travailleurs du service public de l’Éducation nationale, qui participe à la préparation des citoyennes et des citoyens de demain, sont donc précaires, invisibles. « Essentiels », mais pauvres !

Et pourtant, il s’agit de vrais métiers, dans lesquels des personnes s’épanouissent au quotidien. À quand la création d’un véritable statut dans la Fonction publique d’État pour tous ces professionnels ? Un vrai statut qui implique un salaire complet, une valorisation de leur travail, une sortie de la précarité. C’est cela qu’il faut pour les AED, AESH… Des sigles pour des métiers qui rappellent étrangement ceux des femmes du film de François Ruffin Debout les femmes (qu’il faut courir voir si vous ne l’avez pas encore fait). Tout est dit !

Cet article de notre camarade Ana de Bigremoes a été publié dans le numéro de janvier 2022 (n° 291) de Démocratie&Socialisme, la revue dela Gauche démocratique et sociale (GDS).

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