Pour les droites : moins d'impôt, moins d’État social
Depuis dix ans, la gauche est tellement divisée qu’une partie du salariat s’abstient, ce qui favorise la droite et l’extrême droite. Actuellement, le premier candidat de gauche arrive en 5e position dans de multiples sondages, ce qui est inouï dans un pays qui a une aussi forte tradition sociale que le nôtre.
Alors pourquoi la droite ne s’en donnerait-elle pas à cœur joie ? LREM, RN et LR tiennent le haut du pavé et se font concurrence dans leurs programmes, au point de se distinguer de moins en moins les uns des autres. Leur fonds de commerce est le même : faire reculer les solidarités, détruire l’État social.
Plus pour ceux qui ont plus
Ils ont en commun de vouloir diriger le pays avec le même acharnement que les patrons de combat des grandes entreprises capitalistes. Leur programme commun tient en quatre points :
- Faire le maximum de profit pour ceux d’en haut, imposer le maximum d’exploitation pour ceux d’en bas. Moins d’impôt, moins de dette publique.
- Faire travailler plus et plus longtemps, avec la baisse la plus importante possible du « coût » du travail et de sa protection sociale.
- Assurer pour cela le maximum de moyens régaliens, armées, polices, justice, domination médiatique.
- Jouer sur les toutes les idéologies réactionnaires et diviseuses du nationalisme, de l’insécurité, de la xénophobie, du racisme, du sexisme, du suprématisme blanc.
La seule chose qui paraît les séparer, c’est l’ordre de présentation de leurs éléments de programme. Pécresse veut le maximum d’ordre régalien et les profits les plus élevés pour le grand capital. Macron veut le maximum de productivité de la finance avec le moins de droits et de protection du salariat. S’il est réélu, il tuera la Sécu. Le Pen veut le maximum de nationalisme avec le plus de police ; elle déclencherait des pogroms, tellement son discours exacerbe les racismes. Zemmour et son maître Bolloré enrobent tout ça avec le maximum d’obscurantisme et de nostalgie pétainiste.
Mais au fond ils veulent le même pays : celui du règne sans partage des plus riches, des plus puissants, des plus rapaces. Avec, comme boucs-émissaires, les fonctionnaires, les immigrés et les femmes.
« Chaque fonctionnaire est nuisible »
Cette citation de Bernard Arnaud, les quatre pourraient la faire leur. Là où Macon voulait supprimer 120 000 emplois dans le secteur public, Pécresse propose d’en supprimer 200 000. Macron a fermé 5700 lits pendant la pandémie pour ne pas avoir à céder en faveur de l’hôpital public, c’est l’hôpital et la santé privés qu’il veut développer. Blanquer refuse de combler les immenses besoins en enseignants de l’école publique pour la même raison idéologique. En pleine crise des mobilités, ils tiennent aussi absolument à ouvrir des lignes de train privées.
Les milliards qu’ils ont débloqués coûte que coûte en 2020-2021, ils sont tous d’accord pour en donner 70 % au patronat de l’automobile, de l’aéronautique, de la numérisation informatique. Leur dogme est le privé d’abord, les marges de profits d’abord, les services publics au rancart.
« L’État est l’ennemi de l’entreprise », sauf quand il s’agit de dépenser pour la police, la justice et la défense. Il faut y aller « à la hache », dit Pécresse, contre « la bureaucratie » des services publics, contre les normes, les règlements ; elle annonce même 77 milliards de baisse des dépenses publiques, soit 3,5 points de PIB.
Sur la baisse des impôts, il y a même une surenchère, puisqu’ils veulent tous réduire l’impôt sur l’héritage, l’impôt de production, l’impôt direct et progressif : Éric Ciotti a même avancé l’idée d’une flat tax limitée à 15 % quel que soit le revenu.
Faire travailler à moindre coût
Ils sont tous pour continuer à démanteler ce qui reste du Code du travail et visent tout le monde : les jeunes, les adultes, les vieux. Ils veulent allonger la durée du travail sur la semaine et sur la vie, imposer une flexibilité et une précarité maximales, asphyxier le droit de grève.
Tous ont approuvé la fin des allocations familiales et logement, la fin de l’assurance chômage. Ils veulent tous la fin de l’assurance maladie, c’est-à-dire la fin du budget séparé, pré(affecté de la protection sociale, financé par les salaires bruts et super bruts. Ils veulent tous la fin des retraites par répartition et ne discutent que sur l’âge de départ : 64, 65, ou 67 ans. Tous disent qu’il faut « rapprocher le brut du net » et veulent fiscaliser la protection sociale pour mieux la baisser.
Réagir, tout de suite !
Une chose est certaine, c’est qu’en 2022 va se jouer le destin de ce qui reste de notre modèle social. Au point qu’il n’y a aucun mal à distinguer les programmes des candidats de la gauche la plus modérée de n’importe lequel des candidats de la droite : le plus mauvais à gauche est meilleur que le moins mauvais de droite.
Il est aberrant de ne pas voir qu’un bloc des gauches est une question d’autodéfense, de survie : avec ce que nous proposent droite et extrême droite, il n’y a pas d’autre choix, pas d’autre réalisme, pas d’autre espoir que l’unité de la gauche, aujourd’hui et demain.
Cet article de notre camarade Gérard Filoche a été publié dans le dossier "Programmes de droite" du numéro 291 (janvier 2022) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).