A droite, la course à qui sera le plus réac !
La course à l’échalote des candidates et candidats de droite pour savoir lequel d’entre eux est le plus « radical » (comprenez le plus réactionnaire) ne doit tromper personne. Leur rivalité n’est qu’électorale, dans la mesure où ils défendent toutes et tous peu ou prou, sur les questions économiques et sociales, mais aussi démocratiques, le même programme.
Une telle assertion mérite naturellement d’être précisée, tant il ne s’agit pas, pour nous, de mettre un signe égal entre Marine Le Pen, Éric Zemmour, Valérie Pécresse et Emmanuel Macron. Ignorer les différences et les nuances entre les différents candidats de la bourgeoisie est une erreur politique majeure, hélas fréquente dans le mouvement ouvrier, mais dans laquelle la GDS n’a jamais versé. Ainsi, si, par malheur, dans quelques mois, la gauche était absente du second tour des élections présidentielles, nous n’adopterons certainement pas la même attitude dans l’hypothèse d’un duel Macron-Le Pen que dans celle d’un affrontement Macron-Pécresse.
Reste toutefois une évidence que nous avons décidé d’étayer dans ce dossier : la droitisation du débat public ces dernières années, qui focalise toujours davantage l’attention médiatique autour des thématiques sécuritaires et identitaires, dissimule largement les frappantes similitudes du socle programmatique des quatre candidats de la bourgeoisie, qui ont tout l’air de quatre prétendants s’ingéniant, par leurs atours comme par leurs discours, à gagner les faveurs de l’objet commun de leur désir.
Les deux mamelles du vote rance
C’est un fait avéré : l’identité et la sécurité sont les maîtres-mots des trois candidats se réclamant de la droite. En la matière, l’année 2022 a commencé sur les chapeaux de roue, puisque c’est le 5 janvier que Valérie Pécresse a évoqué le « kärcher » qu’il convenait de « ressortir […] de la cave » pour « remettre de l’ordre dans la rue ». C’était là naturellement une façon de se situer sans fausse honte dans le sillage de Sarkozy, plus de seize ans après les émeutes suscitées en banlieue par la formule provocante de ministre de l’Intérieur de l’époque. Et, pour ce qui est du thème de l’identité, il suffit de rappeler l’improbable déclaration de Pécresse sur le foie gras, Miss France et le tour de France pour confirmer qu’à droite, on n’oublie jamais ses classiques (sauf peut-être La Princesse de Clèves !).
Le fait que la droite succombe à cette double inclination, au demeurant si naturelle pour elle, s’explique par la pression sur la candidate LR de la « droite dure » incarnée, en interne, par Éric Ciotti et, en externe, par les appels du pied de moins en moins discrets d’Éric Zemmour à l’attention de l’électorat conservateur. Marine Le Pen, moins audible qu’en 2017 – en raison de l’échec du RN aux régionales de l’an dernier et de l’apparition du « phénomène » Zemmour –, doit être partagée entre le sentiment que la focalisation du débat sur ses thèmes de prédilection finira par lui être favorable et le constat de la fin de son monopole sur les idées de droite radicale.
Ce qui distingue Le Pen, Zemmour et même Pécresse, c’est finalement l’option stratégique qu’ils préconisent pour mener leur projet à bien : reconfiguration de la droite autour du RN pour Le Pen, union des droites pour Zemmour (d’où l’importance à ses yeux du ralliement de Guillaume Peletier) et point d’équilibre entre la droite dure et la droite modérée pour Pécresse.
Vicissitudes du « en même temps »
Macron, pour sa part, embraye le pas aux candidats de droite déclarés comme tels sur la question de la sécurité. C’est tout le sens du déplacement du président-candidat à Nice, le 10 janvier : répondre, sur les terres de son nouvel ami Estrosi – mais aussi d’Éric Ciotti –, aux critiques des droites sur son bilan en termes de sécurité. Il s’efforce de démontrer qu’il y a ceux qui en parlent, et ceux qui agissent, discours qui ne remet absolument pas en cause l’idée que la politique qu’il mène est sous-tendue par des objectifs similaires à celles de ses détracteurs en campagne. Face à ses concurrents de la droite déclarée, Macron clive toutefois nettement sur le « dossier » de l’identité. Si sa politique anti-migrants n’a pas grand-chose à envier à celle de l’UMP sous Chirac-Sarkozy, il ne peut, sans risque de perdre sa base « progressiste » et « pro-européenne », mener la course à l’échalote avec le trio de droite sur la question de la « laïcité » (c’est-à-dire du racisme anti-arabe et anti-musulman), des mœurs, et autres fantasmes pseudo-historiques sur les « racines » de la France.
Le second point sur lequel Marcon se distingue de ces trois concurrents de la droite déclarée, c’est peut-être la politique extérieure, tant il a intérêt à se présenter comme étant au-dessus de la mêlée électorale, le gouvernail national dans une main, les brûlants dossiers internationaux de l’heure dans l’autre. Le silence assourdissant du trio Pécresse-Zemmour-Le Pen en matière de relations internationales accrédite d’ailleurs parfaitement ce récit fort valorisant pour le chef de l’État.
Par delà les fantasmes et les clientèles
Différend stratégique au sein du trio de droite, choix propres à Macron en termes de tactique électorale… Mais que de ressemblances sur le fond socio-économique, ainsi que sur leur « vision » de la démocratie ! Quatre questions décisives nous semblent accréditer la thèse d’une proximité extrême entre les programmes des quatre candidats de la bourgeoisie : celle des salaires et des cotisations sociales, celle de la fiscalité, le problème de l’héritage et de la reproduction sociale, ainsi que le devenir des libertés publiques.
Cet article de notre camarade Jean-François Claudon est l'introduction du dossier "Programme des droites" du numéro 291 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).