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Universités : ici aussi, contre Macron et son monde

Les 1er et 2 février 2020 s’est tenue à Saint-Denis la première coordination nationale des facs et labos en lutte. Celle-ci a rassemblé plus de 750 personnes, précaires et titulaires, appartenant à 82 disciplines différentes, venues de nombreux établissements parisiens et de 33 autres agglomérations. Cette coordination participe du mouvement contre la réforme des retraites, mais organise également une lutte spécifique à l’enseignement supérieur et à la recherche mobilisé contre la précarité qui ne cesse de progresser dans ce secteur.

Outre la réforme scélérate de Macron contre nos retraites – qui toucherait naturellement de plein fouet le monde universitaire si elle venait à devenir réalité –, la mobilisation dans les facs vise spécifiquement la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) qui vise à pousser encore plus loin ce processus de précarisation de l’université. La coordination appelle à la tenue le 5 mars d’une journée de grève « L’université et la recherche s’arrêtent », ainsi qu’à la tenue d’une deuxième coordination nationale les 6 et 7 mars.

Pour mieux comprendre cette mobilisation particulière à plus d’un titre, nous avons décidé de donner la parole à Marie Sonnette, qui est maîtresse de conférences en sociologie à l'Université d'Angers et membre du comité de mobilisation des facs et des labos en lutte*.

Les raisons de la colère

Tout d’abord, nous sommes mobilisés contre la réforme des retraites. Les enseignants-chercheurs sont particulièrement concernés puisqu’en général, notre entrée sur le marché du travail se fait très tard. L’âge moyen pour être recruté aujourd’hui en tant que maître de conférences ou chargé de recherche, c’est 34 ans. Pour mon cas par exemple, j’ai le calcul : avec la réforme proposée, pour un départ vers 70 ans, j’aurai 1 100 euros de retraite.

La deuxième chose, c’est la réforme de l’assurance chômage. Le chômage permet à tous nos collègues précaires – et il y en a de plus en plus – de s’en sortir entre deux contrats. Or, avec cette réforme, ça deviendra de plus en plus difficile. Les enseignants-chercheurs précaires sont dans une situation d’intermittence officieuse ; or, la réforme signifie que le calcul des droits prend désormais en compte les périodes dites de « non-activité » et donc l’effet net sera de diminuer les droits de nos collègues précaires.

La troisième chose nous concerne directement, à savoir la destruction en règle depuis quelques années du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche (parcoursup, introduction par endroits de frais d’inscription élevés, situation préoccupante des étudiants).

L’étincelle par excellence

En plus de tout cela, depuis un an, le ministre de l’ESR a introduit la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). L’esprit de la loi, c’est « plus d’argent mais seulement pour ceux d’entre vous qui seront les plus compétitifs ». Les autres devront faire davantage d’enseignement, de travail administratif, etc. Bref, ce qui est considéré comme les « basses tâches » dans notre métier. C’est Macron lui-même qui l’a annoncé : il y aura plus d’évaluations, ceux qui les réussiront auront plus d’argent, les autres en auront moins. Le PDG du CNRS, Antoine Petit, n’a-t-il pas expliqué dans une tribune à la presse que cette loi se devait d’être « inégalitaire et darwinienne » ?

C’est totalement aux antipodes de ce qu’on demande depuis une vingtaine d’années : avoir plus de collègues titulaires et plus de moyens. Plus de titulaires, car, les chiffres le disent très clairement, les universités aujourd’hui fonctionnent de plus en plus avec des enseignants vacataires. Plus de moyens pour faire de la recherche sur le temps long, car, on le sait, la généralisation de la recherche sur projet comme la LPPR nous le propose – c’est-à-dire se battre pour avoir de l’argent sur deux ou trois ans –, ce n’est pas efficace. On passe plus de temps à chercher des subsides qu’à faire de la recherche.

Ce que l’on demande aujourd’hui, c’est une pérennisation des moyens pour pouvoir travailler sur le long terme. Le Times Education Supplement publiait récemment une étude qui montrait que les laboratoires européens dont les chercheurs postulaient pour les subsides européens de Horizon  2020, le programme phare de soutien à la recherche de l’Union européenne, avaient perdu 1,4 milliard d’euros dans ce processus. De l’argent « investi » pour postuler sans succès.

Propos recueillis par notre camarade Christakis Georgiou (publiés dans le numéro de février de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

* Nous avons retranscrit les neuf premières minutes du podcast de Marie Sonnette sur Binge audio intitulé significativement « Ton université va craquer » (

).

Pour consulter les revendications issues de la première coordination nationale des facs et des labos en lutte :

https://universiteouverte.org/2020/02/02/motion-coord-1-2-fevrier

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