GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Travailleurs frontaliers : ce ne sont pas des profiteurs

Chaque jour, quelque 340 000 travailleurs frontaliers – dont 200 000 Français – traversent la frontière pour venir occuper leur emploi en Suisse. Contrairement à une idée répandue dans une partie de l’opinion helvétique, les travailleurs frontaliers ne sont pas des profiteurs. En revanche, ils contribuent de manière importante à la richesse de la Suisse.

Ces constats sont ceux de trois chercheurs, Claudio Bolzman, Isabelle Pigeron-Piroth et Cédric Duchenne-Lacroix, qui ont récemment publié Étrangers familiers. Les travailleurs frontaliers en Suisse : Conceptualisation, Emploi, Quotidien et Pratiques (Paris, L’Harmattan, 2021). Leur recherche porte essentiellement sur les frontaliers français, mais des milliers de ressortissants allemands, autrichiens, liechtensteinois et italiens viennent aussi travailler chaque jour en Suisse.

Dans toute l’économie

Traditionnellement, les frontaliers travaillaient dans l’industrie (surtout horlogère), la construction, l’hôtellerie, la restauration et la santé, ce qui va de pair avec un manque d’infirmiers et d’infirmières dans les régions de France voisine, où les salaires sont plus bas qu’en Suisse, comme dans la plupart des autres branches. Mais depuis une époque plus récente, des frontaliers travaillent aussi dans les banques et les assurances, alors que parmi eux, il y a aussi des scientifiques, des ingénieurs et des architectes. Une donnée, en revanche, ne change guère, à savoir que les femmes ne représentent toujours qu’un peu plus que le tiers des frontaliers.

Ils enrichissent la Suisse

Selon les auteurs de l’étude, les frontaliers rapportent un franc sur cinq du produit intérieur brut du canton de Genève. Ce rapport varie bien sûr selon les régions et les cantons proches de la frontière. Mais le gain est partout positif pour la Suisse, ce qui montre que l’image des frontaliers profiteurs est fausse, car ils contribuent plus qu’ils ne coûtent aux collectivités publiques helvétiques.

Et ceci d’autant plus qu’il n’y a aucun lien entre le taux de chômage en Suisse et le travail frontalier, contrairement à ce qu’affirment des partis xénophobes comme l’Union démocratique du centre (UDC) et le Mouvement des citoyens genevois (MCG). N’oublions pas non plus que jusqu’aux années 1945-1950, ce sont des Suisses qui allaient travailler comme frontaliers en France, et non l’inverse.

Assez bien syndiqués

À Genève, dans le canton de Vaud et au Tessin, les frontaliers représentent environ 25 % des effectifs d’Unia, le plus grand syndicat de Suisse, ce qui correspond grosso modo à la part des frontaliers dans le champ d’activité économique de cette organisation. À Neuchâtel, la proportion des frontaliers (18,5 %) est même supérieure à leur part dans les emplois à plein temps (16 %) du canton. Ce taux de frontaliers syndiqués est de 25 % dans le Jura, mais insignifiant en Valais.

Dans ces conditions et compte tenu du fait que la mise en œuvre progressive, à partir de 2002, de l’Accord sur la libre circulation des personnes conclu entre la Suisse et l’Union européenne a contribué à une forte progression du travail frontalier, on ne peut que regretter une lacune de cet ouvrage. À savoir le fait que ses auteurs n’évoquent pas les mesures d’accompagnement adoptées par le Parlement suisse sous la pression du mouvement syndical. Mesures qui visent à prévenir et à combattre le dumping social et la sous-enchère salariale que peut générer la libre circulation des personnes. Pourtant, ces mesures ont porté leurs fruits, puisqu’entre 1996 et 2016, par exemple, l’écart entre le salaire d’un Suisse et celui d’un frontalier est passé de 7,2 à 4,5 %, ce qui, pour un salaire de 5 000 francs, représente un gain de 135 francs par mois

Cet article de notre ami Jean-Claude Rennwald a été publié dans le numéro 294 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS). Jean-Claude Rennwald est un militant socialiste et syndical, ancien député (PS) au Conseil national suisse.

Droits politiques des étrangers : nouvelle offensive

Une nouvelle offensive vient d’être lancée en vue d’étendre les droits politiques des étrangers, cette fois à Genève. Ceux qui résident en Suisse depuis huit ans au moins devraient bénéficier, à Genève, sur les plans cantonal et communal, des droits de vote et d’éligibilité. C’est en substance ce que demande une initiative populaire constitutionnelle. Intitulée « Une vie ici. Une voix ici. Renforçons notre démocratie », elle est soutenue par un comité composé d’associations, des syndicats et des trois partis de l’Alternative (Ensemble à Gauche, le PS et les Verts). « Nous savons que les opposants diront que seule la voie de la naturalisation doit donner accès aux droits politiques, a déclaré à ce propos Xhevrie Osmani, députée socialiste au Grand Conseil genevois, mais la citoyenneté doit être dissociée de la nationalité. » Pour l’instant, seuls les cantons de Neuchâtel et du Jura accordent aussi aux étrangers le droit de vote (mais pas d’éligibilité) sur le plan cantonal. D’autres, comme c’est encore le cas à Genève, les limitent aussi au niveau communal, en particulier Vaud et Fribourg en Suisse romande.

 

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