GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Salauds de pauvres !

Salauds de pauvres : c’est dans « la traversée de Paris » de Marcel Aymé, interprétée par Gabin qu’on trouve cette interjection.

Le livre d’ATD-Quart Monde veut « En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté » (Jean-Christophe Sarrot, Bruno Tardieu, Marie-France Zimmer, coédition Editions de l'Atelier/Quart Monde)[[ [http://www.atd-quartmonde.fr/sommaireideesrecues.html] ]].


Le rapport du Secours Catholique analyse les situations de pauvreté qu’il rencontre sur le terrain et les compare aux chiffres INSEE sur l’ensemble de la population[[ [http://www.secours-catholique.org/IMG/pdf/RS2012.pdf ] ]]. Très instructif.


Bien d’autres rapports existent et l’un des plus complets est celui de l’Onpes.[[ ONPES (observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale) : [http://www.onpes.gouv.fr/IMG/pdf/Penser_l_assistance_web.pdf] ]]

En temps de crise, une constante est de chercher des boucs émissaires. Voici les plus immédiats et sans défense sur lesquels sont répandus le maximum de préjugés : les pauvres et en particulier les immigrés.

S’ils sont pauvres, c’est de leur « faute » :

- Les pauvres coûtent cher ;

- S’ils sont SDF, c’est qu’ils l’ont choisi ;

- Les sans-abri sont des personnes isolées ;

- S’ils font des enfants c’est pour toucher les allocs ;

- Les pauvres sont des fraudeurs ;

- On peut gagner plus au RSA qu’au SMIC ;

- Les pauvres ne paient pas d’impôts ;

- S’ils voulaient vraiment du travail, ils en trouveraient ;

- Si les étrangers viennent en France, c’est pour les minima sociaux ;

- Les enfants d’immigrés sont plus en échec scolaire que les autres ;

- Les Roms ne veulent pas travailler ;

Préjugés sur les solutions :

- Pour créer des emplois, il faut baisser les « charges » sur les (bas) salaires ;

- Il vaut mieux « placer » les enfants pauvres ;

- En période de crise, il est normal que l’État réduise l’aide au logement social ;

- On donne déjà beaucoup aux banlieues…

Tous ces lieux communs que la droite (pas seulement extrême) distille jour après jour, sont faux, mais de plus ils sont humiliants et tendent à enfermer « les pauvres » dans un malheur inéluctable et héréditaire. Au lieu de se donner bonne conscience par la « charité » qui, elle aussi, tend à les maintenir dans la pauvreté, il faut apporter des réponses politiques, réponses et investissements qui sont évidemment productifs.

Prenons quelques-uns de ces préjugés et leur réfutation décortiquée par le livre « En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté ». « Il démontre que la stigmatisation des plus pauvres repose non sur des faits, mais sur une idéologie qui masque les véritables causes de la misère »[[Laurent Grzybowski [http://www.lavie.fr/solidarite/88-idees-fausses-sur-la-pauvrete-10-09-2013-43826_406.php] ]].

Les pauvres coûtent cher : « Oui, la misère coûte cher humainement et économiquement. Si elle n’existait plus, toute la société y gagnerait. (…) Les personnes en situation de pauvreté coûtent à la société mais elles lui rapportent aussi. L’utilisation du travail précaire ou non déclaré par les entreprises en est l’exemple le plus flagrant. Ajoutons que ces personnes participent au développement de l’économie en tant que consommateurs et contribuables. »(1)

Les sans-abri sont des personnes isolées : « Faux. À Paris les familles représentent la moitié des sans-abri hébergés par le 115. Le nombre de personnes en famille hébergées (avec au moins un mineur) a augmenté de près de 400% entre 1999 et 2009. Parallèlement la durée annuelle moyenne de séjour est passée de 18 à 130 jours. En 2009, les familles représentaient 48% des usagers pour 73% des nuitées5 ».

De son côté, le Secours catholique constate : « Les types de ménages rencontrés avaient fortement évolué au cours de la décennie 2001-2011, les ménages avec enfants en constituent une part de plus en plus importante. Cette évolution se confirme en 2012 avec une nouvelle augmentation du nombre d’enfants accueillis (+ 0,6 % par rapport à 2011 et + 7,2 % par rapport à 2001). Le nombre de couples avec enfants est en hausse de 2 % par rapport à 2011. »

Les pauvres font des enfants pour toucher les aides : « Faux. Plus on a d’enfants, plus on s’appauvrit. » Le livre le démontre aisément à partir d’un tableau des revenus de familles avec 2, 3 ou 4 enfants et disposant d’un petit salaire ou du RSA. Avec le Smic on reste juste au-dessus du seuil de pauvreté : de 176 € au dessus avec 2 enfants, on tombe à 139 € avec 4 ; avec le RSA socle, on est à 670 € sous ce seuil avec 2 enfants et on s’enfonce à 735 € au-dessous avec 4 enfants.

Les pauvres sont des fraudeurs : « Faux. Ils fraudent beaucoup moins que les autres. Cette fraude est très faible par rapport aux autres types de fraude –notamment la fraude fiscale – auxquels les discours stigmatisants s’intéressent beaucoup moins. (…) 240 millions d’euros de fraude au RSA (en 2010) ; contre 2,989 milliards de fraude fiscale (2011). »


Dans son rapport « Penser l’assistance » (ONPES) Jérôme Vignon met en contrepoint l’ampleur du « non-recours » aux aides : « ces personnes qui ne réclament pas les aides auxquelles elles auraient droit. Ce phénomène concernait par exemple en 2011, un tiers des allocataires potentiels du RSA socle, deux tiers de ceux qui pourraient prétendre au RSA activité (qui complète un petit salaire) et 68% des ménages éligibles aux tarifs sociaux de gaz et d'électricité. Et le montant estimé de ces « non-recours » est largement supérieur à celui de la fraude sociale. Pour le seul RSA, le manque à percevoir des ménages est estimé à 5,7 milliards d'euros pour une fraude évaluée par la Cour des comptes à quelque 240 millions d'euros en 2010. »[[ [http://www.onpes.gouv.fr/Le-Rapport-2013-Penser-l] ]]

Les pauvres ne paient pas d’impôts : « Faux. Ils participent comme les autres à la moitié des recettes fiscales de l’État. TVA : 48,3% des recettes fiscales, taxes sur les alcools et le tabac : 9,1%. Le taux moyen d’imposition (impôts directs et indirects) des 10% les moins riches est d’environ 40%, celui des 0,1% les plus riches d’environ 37% (sans compter l’optimisation des « niches » ni la fraude fiscale), celui des revenus moyens de 45 à 48%. »

Si les étrangers viennent en France, c’est pour les minima sociaux : « Faux. Ils sont avant tout attirés par la perspective d’un travail. » Un rapport de l’OCDE(2) le confirme : « La plupart des immigrés ne viennent pas dans leur pays d’accueil pour pouvoir bénéficier des prestations sociales, mais pour trouver un emploi et améliorer leurs conditions de vie et celles de leur famille. Or pour y parvenir, l’emploi est plus efficace que les allocations. »

L’accès aux aides sociales en France est différé : pour bénéficier du RSA, il faut avoir un titre de séjour autorisant à travailler depuis au moins cinq ans, pour le minimum vieillesse il faut avoir résidé depuis plus de dix ans.

Les enfants d’immigrés sont plus en échec scolaire que les autres : pas si simple. S’ils réussissent moins bien, c’est qu’ils appartiennent à des milieux sociaux plus défavorisés et à milieu équivalent ils ont de meilleurs résultats. Un avis du CESE(3) précise : « L’appartenance de la plupart de ces élèves à des familles à bas revenu et dont les membres adultes ont un faible niveau d’éducation explique leur moindre réussite à l’école. »

Les Roms : ils sont le point focal des attaques actuelles contre les immigrés mais si on étudie leurs droits, ils ne sont pas en situation plus irrégulière que les autres européens. Mais il existe en France une « période transitoire » (jusqu’à la fin de 2013) qui empêche les Roms de Bulgarie et de Roumanie d’avoir les mêmes droits que les autres, en particulier de travailler. Pour avoir une autorisation de travail, il leur faut une promesse d’embauche à temps plein, ensuite les délais sont de trois à six mois ! Dissuasif pour les patrons.

Non, le nombre de Roms n’augmente pas en France : ils seraient 15 à 20 000, et depuis le Moyen Âge des populations viennent de l’Europe centrale s’installer en France. Ils viennent pour échapper à la misère due à des discriminations dans leur pays d’origine où ils ne sont pas des « nomades » mais sédentarisés depuis longtemps. En France leur « nomadisme » est dû aux expulsions successives qu’ils subissent.

Les politiques actuelles ne pensent pas dans le sens d’une réelle lutte contre la pauvreté mais le plus souvent comme réponse ponctuelle à une situation de crise aigue, comme l’hébergement par temps de grand froid. C’est parfois même une lutte contre les pauvres en les marginalisant encore plus au lieu de les associer à l’élaboration de solutions. Ce ne sont pas les pauvres qui sont en cause mais les choix politiques et les acteurs économiques qui placent le profit avant l’emploi.

Le partage des richesses et de l’emploi est l’unique voie qui vaille.

« C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches » Victor Hugo

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L’article en PDF

(1):  En finir avec les idées fausses… 5 €, éditions de l’Atelier/éditions Quart Monde  (retour)

(2): OCDE, « Perspectives des migrations internationales 2013 »(retour)

(3): Xavier Nau, Les inégalités à l’école, avis du CESE, 2011 (retour)

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