GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Pourquoi la direction du Parti Socialiste ne se bat-elle pas contre l'accord de l'OMC signé à Hong Kong ?

La synthèse du Mans, nous avait-on affirmé, était une victoire de la gauche du Parti Socialiste qui avait amené la motion de François Hollande à modifier sa ligne politique sociale libérale.

L'intégration d'amendements venus, pour l'essentiel, de la motion 5 (NPS) devait, en effet, permettre que change la ligne du parti aussi bien sur la mondialisation, l'Europe que sur le projet socialiste pour la France.

L'épreuve de la pratique montre, malheureusement, au moins en ce qui concerne les négociations de l'OMC et donc la mondialisation, que la direction du Parti Socialiste n'a pas bougé d'un pouce de sa ligne sociale libérale. C'est la ligne du Parti Socialiste Européen, celle du directeur général de l'Organisation Mondiale du Commerce, Pascal Lamy, qui reste la norme.

Le soi-disant compromis réalisé à Hong Kong est un marché de dupes

Les concessions faites à l'agriculture des pays pauvres n'ont que très peu de consistance. Par contre, les concessions des pays du Sud sont bien réelles. Les multinationales des pays riches pourront, après Hong Kong, imposer plus facilement leurs services et leurs productions industrielles aux pays non développés. Ils pourront plus facilement, également, piller les ressources naturelles de ces pays.

Contrairement à la Conférence de Cancun en 2003, les Etats-Unis et l'Union européenne ont réussi à diviser les pays du Sud et à leur imposer cette défaite.

Le Medef salue l'accord de Hong Kong qu'il considère comme « un pas en avant dans la bonne direction ». En revanche, la Confédération Européenne des Syndicats (CES) estime que l'accord de Hong-Kong « rate son objectif fondamental, celui du développement et de l'emploi décent ».

Les conséquences catastrophiques de l'accord de Hong-Kong sont facilement identifiables aussi bien dans le domaine de l'agriculture que dans celui des produits non industriels.

L'Agriculture

Trois décisions ressortent du « compromis » passé à Hong Kong.

  • La première décision concerne, d'ici 2013, la fin des subventions à l'exportation pour les produits agricoles des pays riches.
  • Mais les subventions à l'exportation de l'UE ne représentent, aujourd'hui, que 3,5 % des subventions à l'agriculture européenne. Les autres sont des subventions qualifiées d' « internes » mais qui, en fait, protègent les « produits sensibles » comme le lait et les céréales et sont autant d'aides à l'exportation.

    Les pratiques des USA ne sont guère différentes. La réalité des aides à l'exportation n'a donc pas grand-chose à voir avec les fictions européennes et américaines.

    Mais cela ne suffit pas pour l'OMC : le paragraphe 3 de la déclaration de Hong Kong précise que la date de 2013 « ne sera confirmée qu'au moment de l'achèvement des modalités ». La concession accordée aux pays du Sud est non seulement dérisoire mais elle est aussi aléatoire.

  • La deuxième décision concerne la suppression des aides aux producteurs de coton du sud des Etats-Unis.
  • La fin des subventions à l'exportation pour le coton américain relève du même scénario que les autres aides à l'exportation de produits agricoles. 90 % des subventions accordés aux 25 000 producteurs américains sont, en effet, considérées comme des subventions à la production. 10 % seulement du total des subventions sont censées être des subventions à l'exportation. Comment penser, dans de telles conditions, que le coton africain (qui pourrait être compétitif car constitué d'excellentes fibres naturelles) pourrait rivaliser avec le coton américain sur les marchés mondiaux et - comme l'affirment sans rire nombre de commentateurs - sur le marché américain lui-même ? Des millions de petits producteurs de coton africain restent, ainsi, condamnés à la ruine et à la famine.

  • La troisième décision a trait à la possibilité pour les pays les moins avancés (PMA) d'exporter 97 % de leurs produits vers les pays riches sans acquitter de droits de douane ni respecter de quotas ».
  • Mais la différence de productivité entre ces pays et les pays industrialisés est telle que cela ne présente aucun danger pour les pays riches. Seuls quelques produits pourraient s'avérer compétitifs (riz, sucre, textile...) mais l'accord signé à Hong Kong a complètement vidé cet concession de son contenu en permettant aux pays riches d'écarter 3 % des produits des PMA de ce dispositif. Ces 3 % sont, en effet, amplement suffisant pour barrer la route aux quelques produits qui, malgré la différence de productivité, pourraient encore rester compétitifs.

    Il faut ajouter à ces trois décisions que les pays pauvres pourraient disposer du droit de protéger les produits qu'elles considèrent d'une importance vitale et leur sécurité alimentaire. Mais il s'agit là d'une promesse que rien n'est venu concrétiser : les modalités en sont encore à négocier.

    Les produits non agricoles

    Les accords prévoient une formule unique de réduction des droits de douane. Cette réduction affecte tous les produits. Cette formule unique ne prend pas en considération le développement d'un pays et la nature des productions que ce pays vaudrait protéger. Elle ne prendra en compte que le niveau des tarifs douaniers afin de les « écrêter ». Ainsi, pays riches et pays pauvres seront soumis à la même règle. C'est une forme d'égalité : celle qui règne dans la jungle où la fourmi et le tamanoir subissent la même loi...

    Les pays du Sud ne pourront donc plus protéger leurs entreprises industrielles. Là encore la différence de productivité est telle que des dizaines de milliers d'entreprises de ces pays ne pourront pas supporter la concurrence des firmes multinationales et devront fermer leurs portes avec toutes les conséquences prévisibles sur l'emploi de millions de personnes.

    L'ouverture des marchés concerne non seulement les produits industriels mais également les ressources naturelles : les minéraux comme les forêts ou la pêche. L'hypocrisie des pays riches atteint là un sommet : à quoi bon Kyoto ou Montréal si la forêt amazonienne est offerte aux appétits des multinationales ?

    Les règles de l'OMC priment sur toutes les autres règles internationales

    Les règles de l'Oms, de l'Unesco, de l'Oit n'ont jamais été prises en considération lors des négociations de Hong Kong.

    Comme le souligne la Confédération Européenne des Syndicats (CES) « une nouvelle fois, les gouvernements ont refusé une référence à l'Organisation international du travail (OIT) et aux droits sociaux et normes du travail. La violation des droits fondamentaux, civils, politiques et sociaux, n'est toujours pas reconnue comme une violation de l'ordre politique internationale et donc des accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ».

    Le développement sacrifié au commerce international

    Le Bureau National du Parti Socialiste, dans un communiqué du 6 décembre 2005 (12 jours avant la signature de l'accord de Hong Kong), avait exprimé ce qu'il attendait de cet accord : « mettre le commerce international au service du développement ».

    C'est exactement l'inverse qui s'est produit : l'accord signé à Hong Kong sacrifie le développement des pays pauvres au commerce international et plus exactement aux intérêts des multinationale américaines, européennes et japonaises.

    Alors, pourquoi ce silence médiatique ? Pourquoi cette discrétion totalement irresponsable alors que sont en jeu l'avenir des peuples de la planète et plus concrètement la vie de millions d'habitants des pays du Sud ? Pourquoi la direction du Parti Socialiste ne s'indigne-t-elle pas du contenu de cet accord si contraire aux souhaits qu'elle avait exprimé ? Pourquoi n'exige-t-elle pas que le Parti Socialiste Européen désavoue le blairiste Peter Mandelson, le commissaire européen ultra-libéral qui représentait les 25 pays de l'Union européenne lors de cette négociation ?

    La prochaine bataille !

    Harlem Désir, secrétaire national à la mondialisation, s'est exprimé sur les négociations de l'OMC, le 17 décembre 2005, la veille de la signature de l'accord. Le titre de son intervention était, sur le site du Parti Socialiste : «La prochaine bataille : imposer des normes sociales».

    On croit rêver ! C'est exactement ce que les sociaux démocrates ont seriné au cours des 20 années pendant lesquelles, alliés aux libéraux, ils ont permis que se construise l'Europe des capitaux et de la monnaie unique : «La prochaine fois, ce sera le tour de l'Europe sociale...»

    Avec cette méthode, les sociaux démocrates européens ont accepté la libre circulation des capitaux avec l'Acte unique de 1986, la monnaie unique et la Banque Centrale Européenne à Maastricht en 1992, le pacte de « stabilité » d'Amsterdam en 1997, l'élargissement sans approfondissement à Nice en 2001. Et, pendant que l'Europe libérale avançait à pas de géant, l'Europe politique et l'Europe sociale faisaient du sur-place.

    Cette méthode qui consiste, à chaque étape, à accepter les diktats des libéraux sous prétexte de préparer la prochaine bataille a fait faillite dans la construction de l'Union européenne. Pourtant, en ne menant pas bataille contre l'accord de Hong Kong et ses conséquences désastreuses, c'est exactement la même méthode que la direction du Parti Socialiste met en œuvre face à la mondialisation libérale.

    Nous subissons aujourd'hui les effets de la situation catastrophique dans laquelle cette méthode de construction a plongé l'Union européenne. Qui peut douter un seul instant que cette même méthode, appliquée à la mondialisation, pourrait ne pas conduire à une catastrophe de même nature mais d'une toute autre ampleur ?

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