Post-it Palestine : méfaits dans l’ombre
Les projecteurs de l’actualité se sont éloignés de la Palestine : la prise de Kaboul par les talibans, la fuite sans gloire d’un président, les déclarations honteuses d’un autre président apparaissant plus soucieux d’un afflux de réfugiés que préoccupé du sort de millions d’Afghanes et d’Afghans occupent – à juste titre – le devant de la scène.
La Palestine entre dans l’ombre. Ce qui ne signifie pas qu’il ne s’y passe plus rien, qu’elle connaît ce qui pourrait s’apparenter à un entracte.
La trêve conclue entre les forces israéliennes et le Hamas a certes mis fin à des bombardements meurtriers, mais ni à la poursuite de la colonisation et de ce qu’il faut bien appeler un nettoyage ethnique, ni à la répression des Palestiniens dont la mobilisation se heurte aussi bien à la police israélienne (pour ceux qui vivent en Israël même) qu’aux colons, à l’armée d’occupation israélienne et aux forces de police d’une Autorité palestinienne déconsidérée et de plus en plus contestée (pour ceux qui vivent dans les Territoires palestiniens occupés).
Vague d’arrestations
Les stratèges israéliens voient dans les actions de solidarité entre Palestiniens de l’État et ceux d’au-delà du mur de séparation une menace à combattre de toute urgence. Ils ont rapidement lancé une opération d’arrestations à grande échelle appelée « Loi et ordre ». Depuis début mai, la police israélienne a arrêté plus de 1 900 personnes dans tout le pays, et 348 autres depuis le cessez-le-feu à Gaza. Selon les groupes de défense des droits de l’homme, les personnes arrêtées sont en grande majorité palestiniennes, le nombre de détenus juifs ne dépassant pas 10 %1.
Parmi les cibles privilégiées se trouvaient évidemment les lanceurs d’alerte, ceux qui ont fait connaître, à travers les réseaux sociaux, les projets d’expulsion des Palestiniens et leur remplacement par des colons juifs dans les quartiers de Sheikh Jarrah et de Silwan à Jérusalem ; et bien entendu les organisateurs de la solidarité.
L’intimidation escomptée ne semble pas avoir eu les effets attendus : si l’armée d’occupation a envahi le quartier dans lequel avait eu lieu un marathon militant, pris d’assaut des maisons, arrêté des jeunes et détruit la tente de la solidarité, symbole de la résistance aux expulsions, le soir même la tente était reconstruite. Symbole d’un état d’esprit plus que prometteur.
Une Autorité palestinienne aux abois
De l’autre côté du mur de séparation, le 24 juin, Nizar Banat, défenseur des droits humains et dissident politique, a été battu à mort moins de deux heures après avoir été arrêté par les services de sécurité de l’Autorité paletinienne. « Nous n’avons pas réussi à obtenir un certificat de décès. Depuis quand un citoyen peut-il mourir sans qu’un certificat de décès soit délivré ? », s’est interrogé Ghassan Banat, le frère de Nazir.
Au lieu de répondre, les services de sécurité de l’Autorité palestinienne ont malmené et arrêté des manifestants qui réclamaient la justice et la destitution du dirigeant de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Les manifestations ont attiré l’attention du monde entier et, pendant quelque temps, l’AP qui était considérée comme un partenaire pragmatique du processus de paix est devenue, aux yeux du public, un pouvoir répressif et violent.
Ainsi que l’écrit Ramona Wadi, « un pouvoir qui lance ses services de sécurité à l’assaut de sa propre population prépare sa perte »2.
La colonisation sur les chapeaux de roue
Arrivé au pouvoir en 2009, Netanyahou avait été contraint d’attendre jusqu’à 2012 pour relancer la colonisation, en reconnaissant des colonies jusque-là considérées comme illégales par le très particulier droit israélien, et en autorisant la construction de logements destinés aux colons dans les territoires occupés ou annexés : « La paix maintenant »3 en dénombre 20 000 entre 2009 et 2019 !
Le nouveau gouvernement, dirigé par Naftali Bennett, formé le 13 juin, n’a eu besoin que de dix jours pour autoriser la construction de nouveaux bâtiments dans les colonies juives illégales de Cisjordanie occupée ! Et, dès le mois d’août, le Conseil de planification supérieur de l’administration civile (organisme officiel israélien) devrait se prononcer sur un nouveau plan de construction de 2 000 logements pour les colons dans les mêmes Territoires palestiniens occupés.
Simultanément, expulsions de résidents et destructions de maisons palestiniennes vont bon train, notamment à Jérusalem, où les habitants sont même obligés de les détruire eux-mêmes, pour ne pas devoir payer la facture que leur vaudrait leur destruction par les soins des autorités israéliennes !
Pendant ce temps, les blablas de protestation inoffensifs (surtout pas de sanctions !) des grands démocrates occidentaux continuent.
Cet article de notre ami Philippe Lewandowski a été publié dans le numéro 287 (septembre 2021) de démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).
1.« Au cœur de la plus grande répression israélienne contre les citoyens palestiniens depuis des décennies », https://www.france-palestine.org, consulté le 23/08/2021.
2.Ramona Wadi, « L’unité palestinienne déchaîne l’autoritarisme de l’Autorité de Ramallah », https://www.chroniquepalestine.com, consulté le 23/08/2021.
3.Mouvement social extraparlementaire israélien.