GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Plutôt Hitler que le front unique ! (Nazisme 90 ans #4)

Il y a 90 ans, à la charnière des années 1932 et 1933, Hitler accédait au pouvoir en Allemagne. Très vite, la terreur nazie s’abat sur tout le pays, et au premier chef sur les partis ouvriers qui payaient ainsi le prix de leur division. Il n’allait pas tarder à être minuit dans le siècle en Europe. Nous consacrons jusqu’au printemps prochain un cycle d’articles à ce moment tragique de notre histoire, tant il est riche de leçons pour notre camp, encore aujourd’hui.

Janvier 1933 : le mois trois fois maudit où Hitler accéda au pouvoir, frayant ainsi la voie à ses bandes brunes qui allaient en quelques mois investir la citadelle érigée patiemment par la classe ouvrière allemande pendant plusieurs décennies et détruire méthodiquement les acquis démocratiques et sociaux de cette dernière. Mais avant d’évoquer les premiers jours du gouvernement de coalition entre la droite nationaliste, les milieux d’affaires et le leader du NSDAP, il convient de revenir sur l’attitude des deux partis ouvriers allemands qui, malgré leurs divergences présentées comme irréductibles, se retrouvèrent à l’unisson dans le refus systématique de toute action commune contre le fascisme. À ce titre, les directions du SPD et du KPD portent incontestablement une lourde responsabilité dans l’avènement du nazisme.

Préventions sociales-démocrates

Les préventions du SPD vis-à-vis des frères ennemis communistes ne datent naturellement pas d’hier. Pour tout militant social-démocrate qui se respecte, à l’orée des années 1930, le KPD, c’est « le parti de Moscou », caporalisé jusqu’à la moelle par les chefs du Kremlin ; le parti des enragés qui préféreront toujours l’aventure à l’obtention d’une réforme utile aux ouvriers ; le parti de l’outrance révolutionnaire qui sape le travail de fourmis des cadres politiques et syndicaux éprouvés ; le parti des Janus qui se disent prêts au front unique avec les ouvriers sociaux-démocrates, mais qui usent quotidiennement, dans leur presse, de noms d’oiseau pour vilipender la direction du SPD…

Les sociaux-démocrates sont par ailleurs rétifs à s’allier avec un parti qui, sous couvert d’une « ligne générale » présentée comme immuable, réalisent fréquemment des zigzags aussi acrobatiques qu’insaisissables. Trotski le rappelle à plusieurs reprises à ses lecteurs, dans ses textes sur la montée du nazisme en Allemagne, notamment en septembre 1932, quand il évoque successivement « la politique capitularde de Staline-Brandler en 1923 (au moment de la révolution allemande finalement avortée), le zigzag ultra-gauche […] de 1924 à 1925, la servilité toute opportuniste devant la sociale-démocratie de 1926 à 1928, les aventures de la “troisième période” de 1928 à 1930, la théorie et la pratique du “social-fascisme” et de la “libération nationale” de 1930 à 1932 »1.

Depuis 1928-1929, l’Internationale communiste, sur l’ordre de son chef suprême bien décidé à vaincre politiquement Boukharine et l’aile « droite » du Parti bolchévique et de ses « partis-frères », s’est en effet vautrée avec délectation dans la thèse navrante et criminelle du « social-fascisme ». La formule tristement célèbre de Staline considérant la sociale-démocratie et le fascisme comme des « frères jumeaux » provient d’un article publié dès septembre 1924 Elle est reprise immédiatement par Zinoviev, alors président de l’Internationale communiste et allié de Staline face à Trotski, lors d’un praesidium du Comité exécutif où il lance : « Le rôle de la sociale-démocratie est de plus en plus clair. C’est une aile du fascisme ». Cette théorie, mise au rancart entre 1926 et 1928 au moment où Boukharine avait remplacé Zinoviev – devenu opposant – au sommet de l’Internationale, réapparaît lors du VIe congrès de cette dernière, en juillet-août 1928. Mais c’est au Xe plenum, l’année suivante que la « troisième période » est proclamée. Pierre Frank a pu parler d’une « sorte d’auto-excitation collective » autour des mobilisations à venir et force est de constater qu’on assiste à un délire verbal contre les sociaux-démocrates. C’est la conclusion de la réunion au sommet : il faut renforcer la lutte contre la sociale-démocratie, « en particulier contre l’aile “gauche”, qui est l’ennemi le plus dangereux du communisme dans le mouvement ouvrier et l’obstacle principal à une élévation de l’activité militante des masses ouvrières »2. On confirme en passant que « l’essence du front unique consiste à sommer les ouvriers socialistes de rompre avec leur direction »3.

Dans ce contexte, rien d’étonnant à ce que l’anticommunisme social-démocrate, qui avait, après la flambée de 1919, perdu en vigueur en raison du lent déclin du KPD depuis 1924, revint en force. À partir de 1930, il n’y a par exemple pas d’affiches électorales du SPD qui ne mettent les communistes sur le même plan que les partisans de la restauration monarchiste, voire que les nazis4. L’union n’est décidément plus un combat ; c’est au mieux une gageure !

Quelle tactique de rechange ?

Refusant mordicus toute alliance avec les communistes honnis, la direction du SPD ne pouvait que regarder vers sa droite, soit vers ses « alliés » modérés de la « coalition de Weimar ». Autant dire vers un champ de ruines, puisque que l’électorat des partis bourgeois traditionnels du centre-droit – excepté le Zentrum catholique – avait été largement phagocyté par le nazisme dès le scrutin de 1930, et a fortiori en juillet 1932. D’où la mise en place de la tactique ô combien démoralisante dite du « moindre mal » qui consistait à soutenir l’austéritaire Brüning, mais aussi l’ultra-conservateur et anti-socialiste Hindenburg, afin d’empêcher Hitler et ses bandes SA de se hisser au pouvoir. Autant dire choisir de s’inoculer le choléra pour éviter d’attraper la peste !

Comme le note Trotski, de l’automne 1930 au printemps 1932, résignée, « la sociale-démocratie soutient Brüning, vote pour lui, assume la responsabilité de sa politique devant les masses, en se fondant sur l’affirmation que le gouvernement Brüning est un “moindre mal” »5. Dès le 13 octobre 1930, elle sauve la tête du chancelier en s’opposant au vote de défiance lancé contre lui par le NSDAP, rejoint par le DNVP, ainsi que par les députés communistes. Membre de facto de la coalition, le SPD approuva même, quelque temps plus tard, la mise en vacance du Reichstag, qui permirent à Brüning et à son cabinet de gouverner par décrets-lois. En octobre 1931, un nouveau virage autoritaire fut pris quand le chancelier s’octroya le portefeuille des Affaires étrangères aux dépens du leader du DVP Curtius et qu’échut au général Groener, déjà ministre de l’Armée, celui de l’Intérieur, cette fois aux dépens du catholique Wirth, trop marqué à « gauche » pour Hindenburg. Cela n’empêcha pas la groupe SPD de courir une nouvelle fois au secours d’un chancelier pourtant de plus en plus impopulaire. Ce n’est donc même plus la démocratie parlementaire en soi – insuffisante et parfois mensongère, mais nécessaire à l’affirmation du salariat – que le socialisme officiel défendait dans cette Allemagne à la dérive, mais bien le système bonapartiste inclus comme potentialité dans les institutions de Weimar pour prévenir tout risque de subversion sociale.

Au-delà du seul cas de Brüning, au sommet du SPD, on songeait à l’élection présidentielle prévue pour le printemps 1932. Voici le plan élaboré, selon Trotski depuis son exil de Prinkipo, dans ces têtes bien faites qui se faisaient fort de prendre en compte tous les paramètres… si ce n’est celui de la combativité ouvrière : « La Reichswehr, selon la Constitution, dépend directement du président de la République. Par conséquent, le fascisme n’est pas dangereux tant qu’il y aura à la tête de l’État un président fidèle à la Constitution. Il faut soutenir le gouvernement Brüning jusqu’aux élections présidentielles, pour élire, en s’alliant avec la bourgeoisie parlementaire, un président constitutionnel, et barrer ainsi pour sept ans la route du pouvoir à Hitler »6. Le hic dans le raisonnement de ces constitutionnalistes émérites, c’est que ce « président constitutionnel » ne pouvait être que le sortant, à savoir le maréchal Hindenburg, ce nostalgique de l’Empire qui haïssait la République autant que la sociale-démocratie et qui manœuvrait en coulisses depuis deux ans pour mettre en place un gouvernement autoritaire débarrassé des oripeaux parlementaires des institutions de Weimar et donc du soutien socialiste. Quand on a de tels « amis », on n’a décidément pas besoin d’ennemis… C’est ainsi que les Braun, Wells et autres Hilferding, faute de mieux – tout du moins de leur point de vue –, appelèrent à voter Hindenburg, au scrutin d’avril 1932 « pour battre Hitler ».

Cette reddition, si elle n’avait pas le poids historique du vote des crédits de guerre par le groupe SPD au Reichstag le 4 août 1914, ne pouvait pas ne pas avoir de conséquences organisationnelles d’ampleur. L’organe historique du SPD, le Vorwärts, comptabilisait alors rien de moins que 17 tendances au sein de ce dernier, pourtant élevé au bon grain de la discipline de parti. Et ce qui devait arriver arriva. Refusant la perpétuation de la coalition Brüning, six députés de l’aile gauche furent exclus en 1931. Il s’agissait notamment de l’avocat Kurt Rosenfeld, qui animait la gauche socialiste de concert avec Paul Levi (mort tragiquement en 1930) depuis 19227, du marxiste et futur stalinien Max Seydewitz, ainsi que de la grande pédagogue Anna Siemsen. Ils s’en allèrent créer le Parti socialiste ouvrier (SAP pour Sozialistische Arbeiterpartei) qui se voulait un trait d’union entre les deux partis ouvriers égarés par leur direction respective. Cette saine réaction à la politique de collaboration de classe menée par la direction du SPD agrégea des troupes non-négligeables, puisque, fin 1932, le SAP comptait probablement 25 000 membres, si l’on y adjoignait les 10 000 adhérentes et adhérents de son organisation de jeunesse8. Ce parti « de la dernière chance » face à la montée du fascisme frayait la voie au front unique et à la combativité des salariés et de la jeunesse. C’est certainement pour cette raison que, malgré les vives critiques qu’il formula à son encontre, Trotski qualifia le SAP, dans sa brochure la plus complète sur la question allemande, de « courant vivant » qui « évolu[ait] de la droite vers la gauche, vers le communisme »9.

Communistes et « sociaux-fascistes »

Les raisons qu’ont les communistes de refuser toute alliance avec les sociaux-démocrates sont elles aussi fort nombreuses. La première, presque identitaire, reste le fossé de sang qui sépare les deux frères ennemis de la gauche allemande depuis la Révolution allemande de novembre 1918-janvier 1919. C’est en effet dans ces heures tragiques que, face à la contagion « bolchévique », les chefs sociaux-démocrates, propulsés sur le devant de la scène par la chute de l’Empire qu’ils s’étaient efforcés de sauver jusqu’au bout, s’allièrent avec l’état-major vaincu à l’extérieur, mais prêts à écraser toute velléité de subversion intérieure. Des milliers d’ouvriers et de militants révolutionnaires payèrent de leur vie cette alliance contre-nature, à commencer par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, enlevés par des corps-francs nationalistes à la solde du gouvernement SPD, puis lâchement assassinés le 15 janvier, à l’issue de « Semaine sanglante » berlinoise10. C’est par cet acte infamant que commença, « l’ère de Noske », ce social-démocrate de droite, spécialiste des questions militaires et ennemi invétéré de la révolution, qui joua de son propre aveu le rôle de « chien sanglant » (Bluthund) afin de rétablir en Allemagne « l’ordre » – comprenez l’ordre bourgeois11.

Outre ces mois sanglants où Ebert-Scheidemann-Noske devinrent les bourreaux des ouvriers allemands pour sauver la société bourgeoise, on dénonce volontiers, côté communiste, le mirage de la « socialisation » des mines négociée par la direction ultra-réformiste des syndicats, la conclusion, avec un patronat aux abois, de la « communauté du travail » (Arbeitsgemeinschaft), une loi sociale instituant la collaboration de classe, ainsi que la participation et le soutien parlementaire du SPD aux cabinets modérés des années 1920-1924. Le retour au pouvoir de la sociale-démocratie, de 1928 à 1930, fut l’occasion de nouveaux affrontements. Alors que les rapports sociaux se dégradèrent en raison de l’agressivité accrue du patronat allemand sur la question des salaires et de l’assurance-chômage, les dirigeants du KPD, désireux de prouver la justesse de la théorie stalinienne de la « troisième période », lancèrent leurs troupes contre les forces de l’ordre. Le sang coula autour du 1er mai 1929 dans la capitale du Reich, où l’on dénombra une trentaine de victimes et on put ainsi populariser cyniquement, dans les rangs communistes, la légende noire autour du « social-fasciste » Karl Zörgiebel, le Préfet de police social-démocrate de Berlin devenu un repoussoir absolu, voire une sorte d’incarnation du diable.

Bien décidée à prouver à la bourgeoisie allemande qu’elle ne montrait aucune faiblesse face aux frères ennemis communistes, la direction du SPD réprima violemment les velléités insurrectionnelles d’un KPD à la dérive, en pleine décrue militante, et en passe de devenir un vulgaire jouet dans les mains du maître du Kremlin. C’était d’autant plus criminel que le NSDAP commençait alors son ascension, sanctionnée par sa percée électorale lors du scrutin législatif de septembre 1930. Comme le notent les communistes russes Peter et Irma Petroff, témoins des faits : « La police, dont les chefs étaient sociaux-démocrates, ne prit aucune mesure sérieuse contre les bandes brunes, tout en déployant beaucoup d’énergie contre les communistes »12. Il est vrai que ces derniers consacraient en parallèle toute la leur à prouver la « fascisation » de la sociale-démocratie, en omettant d’avertir la classe ouvrière allemande de l’émergence de son ennemi mortel qu’était le NSDAP…

Outrances criminelles

Adoptés à l’été 1929, la tactique dite « classe contre classe » et son corollaire qu’est la « théorie » du social-fascisme deviennent vraiment réalités début 1930. Le 22 février, la Rote Fahne (l’organe de presse du KPD) écrit ainsi sans vergogne : « Notre feu roulant sur les grands Zörgiebel n’a de sens que s’il est lié en même temps avec l’assaut sur les petits responsables embourgeoisés. Celui qui appartient encore au SPD est pourri et doit être chassé des entreprises et des syndicats ». Après une accalmie de six mois lors desquels les communistes mirent les insultes en sourdine pour mieux appeler les ouvriers sociaux-démocrates « au front unique à la base », le quotidien du KPD demande brusquement « à tous les travailleurs qui marchent encore avec la sociale-démocratie traître de rompre avec ce parti de […] l’asservissement des masses laborieuses d’Allemagne, de construire avec les communistes un front révolutionnaire de millions d’hommes pour la lutte pour la dictature du prolétariat »13. Il est important de noter que cet appel est publié le jour des élections législatives de 1930, où le SPD, premier parti du Reich, même s’il perdait 600 000 voix par rapport au scrutin du printemps 1928, rassemblait sur ses candidats plus de 8,5 millions de voix, soit près d’un quart des suffrages, là où le KPD n’en recueillait que 13 % (contre 10,5 % deux ans plus tôt). On sommait donc, de l’extérieur, les membres du parti ouvrier majoritaire de le quitter, sans leur donner concrètement les moyens de faire l’expérience de la « trahison » de leurs chefs. Drôle de façon de construire un front unitaire de la « classe » contre ses ennemis communs !

C’est Staline en personne qui donne à ses sbires allemands la possibilité d’aller plus loin encore dans l’outrance quand il affirme, dans son style si caractéristique, devant le Comité exécutif de l’Internationale communiste, en mars 1931, qu’« émanciper les masses ouvrières de l’influence de la sociale-démocratie » constitue « la prochaine tâche des partis communistes, sans laquelle la réalisation d’un combat victorieux du prolétariat pour sa libération des chaînes du capitalisme est impossible ». Ernst Thälmann se sent alors autorisé à produire une de ces analyses dont il a le secret. Visant les sceptiques, voire les militants bien décidés à mener le combat commun face au fascisme, le président du KPD dénonce, dans la revue de l’Internationale, ceux qui « ne veulent pas voir la forêt sociale-démocrate devant les arbres nazis » et assène servilement que, « si l’on ne vainc pas la sociale-démocratie, on ne pourra pas battre le fascisme »14. Cette formule mérite qu’on s’arrête sur elle quelques instants. Non contente de dire que les sociaux-démocrates et les nazis sont fait du même bois, elle indique en effet que les premiers sont autrement plus dangereux que les seconds, puisqu’ils constituent un collectif cohérent, et non une somme d’individus isolés. Difficile de produire une image plus inversée de la réalité…

Des historiens et des chercheurs ont tenté de « temporaliser » cette politique en mettant en évidence les inflexions, imposées au gré de l’effroi suscité, à Berlin comme à Moscou, par la montée du nazisme, mais aussi en raison des résistances internes à l’application de cette ligne suicidaire. Ce ne sont là toutefois que des nuances. Ainsi, quand, en juin 1932, une note interne critique « la dénonciation grossière et systématique du SPD » dont s’acquittent avec zèle nombre de membres de l’appareil – et au premier chef les agents nazis infiltrés en son sein –, on se garde bien de remettre en cause « l’orientation principale » qui reste celle « du coup principal contre la sociale-démocratie ». Il faut parfois que tout change pour que rien ne change… En tout état de cause, ces « inflexions » ne sont en rien des marques durables de ressaisissement puisqu’elles cohabitent avec les pires outrances. Ainsi, désireux de concurrencer la Rote Fahne dans la servilité vis-à-vis de Staline, l’organe des JC appelle les membres de cette dernière à « chasser les sociaux-fascistes […] des écoles d’apprentissage ». Mais la palme de la stupidité la plus crasse revient sans hésitation à Trommel, le magazine communiste à destination des enfants qui exhortent le plus sérieusement du monde les pionniers à… « frappe[r] et chasse[r] des écoles et des places de jeux les petits Zörgiebel » ! Ce serait risible si la situation n’était pas alors si tragique. Comme le note judicieusement Pierre Broué, « le trait commun à toute cette extraordinaire gymnastique et à toutes ces contorsions […], c’est en l’occurrence la détermination sans appel de la direction de la Comintern d’empêcher la conclusion d’un front unique en Allemagne entre le KPD et le SPD »15.

Que faire ?

Dans ces différents écrits sur l’Allemagne, en 1931 et 1932, Trotski a montré avec une clarté que même ses détracteurs les plus endurcis lui reconnaissent, la ligne à suivre pour la classe ouvrière allemande. Il insiste tout d’abord lourdement sur les contradictions manifestes de la ligne officielle du KPD et de l’IC. En refusant par principe les actions communes avec le SPD contre l’ennemi commun et en sommant ses membres à rompre avec sa direction, « au lieu d’aider les ouvriers sociaux-démocrates à trouver leur voie par l’expérience, le Comité central du Parti communiste (allemand) aide les chefs de la sociale-démocratie »16. Page après page, lettre après lettre, depuis Prinkipo, Trotski dénonce « l’ultimatisme » bureaucratique de la direction du KPD qui exige de la base ouvrière du SPD qu’elle rompe avec sa direction « traître » sans lui donner les moyens d’en faire l’expérience sur le terrain. À Moscou comme à Berlin, on semble « oublier » que, si les ouvriers sont encore, dans leur grande majorité, influencés politiquement et/ou syndicalement par le SPD, c’est – qu’on le veuille ou non – parce qu’ils ont encore confiance en sa direction… ou, en tout cas, qu’ils ont plus confiance en elle que dans le tandem Thälmann-Remmele ! Pour Trotski, cela ne fait aucun doute : il faut partir de cette évidence pour mettre en œuvre une politique correcte à leur endroit.

La seconde évidence, c’est que le nazisme et la sociale-démocratie, loin d’être des « jumeaux », constituent des ennemis irréconciliables et ce n’est pas parce que la politique de la direction du SPD fraye la voie aux nazis que l’on peut les identifier. S’appuyant notamment sur l’expérience italienne, le révolutionnaire s’efforce de mettre clairement en évidence cette irréductibilité foncière du SPD, malgré la politique de sa direction, avec le NSDAP. Il le fait notamment en ces termes : « La sociale-démocratie, aujourd’hui principale représentante du régime parlementaire bourgeois, s’appuie sur les ouvriers. Le fascisme s’appuie sur la petite bourgeoisie. La social-démocratie ne peut avoir d’influence sans organisation ouvrière de masse. Le fascisme ne peut instaurer son pouvoir qu’une fois les organisations ouvrières détruites. Le parlement est l’arène principale de la social-démocratie. Le système fasciste est fondé sur la destruction du parlementarisme »17.

Malgré la pression de l’appareil internationale du Kremlin qui dénonce jour après jour la prétendue complaisance de Trotski à l’égard de la sociale-démocratie, le leader de l’Opposition de gauche le dit et le répète : il faut, en Allemagne, appeler, de la base au sommet, à des actions communes entre le KPD et le SPD contre le nazisme. Nous avons sélectionné le passage de Trotski peut-être le plus explicite en ce sens et le citons longuement. « Il faut se retourner contre le fascisme en formant un seul front. […] Il faut montrer dans les faits le plus grand empressement à conclure avec les sociaux-démocrates un bloc contre les fascistes partout où ils sont prêts à adhérer à ce bloc. Quand on dit aux ouvriers sociaux-démocrates : “Abandonnez vos chefs et rejoignez notre front unique en dehors de tout parti”, on ne fait qu’ajouter une phrase creuse à des milliers d’autres. Il faut savoir détacher les ouvriers de leurs chefs dans l’action. Et l’action maintenant, c’est la lutte contre le fascisme. Il ne fait aucun doute qu’il y a et qu’il y aura des ouvriers sociaux-démocrates prêts à se battre contre le fascisme au coude-à-coude avec les ouvriers communistes [… . Mais] la majorité écrasante des ouvriers sociaux-démocrates veut se battre contre les fascistes […], pour le moment encore, uniquement avec son organisation. Il est impossible de sauter cette étape. Nous devons aider les ouvriers sociaux-démocrates à vérifier dans les faits – dans une situation nouvelle et exceptionnelle –, ce que valent leurs organisations et leurs chefs, quand il s’agit de la vie ou de la mort de la classe ouvrière »18.

Il est trop facile de dire, depuis notre position aval, face au fait accompli de l’arrivée d’Hitler au pouvoir. que cette politique unitaire n’avait aucune chance de l’emporter. L’histoire aurait en effet pu être tout autre, et notamment si cette politique avait connu une application à un niveau significatif. Tout laisse d’ailleurs entendre qu’une résistance massive du salariat aurait brisé l’élan du NSDAP dont les élections de novembre 1932 montraient le reflux relatif par rapport à son apogée atteinte en juillet. On peut l’affirmer sans crainte de se tromper, car toutes les signes de combativité ouvrière à l’échelon locale ont concouru, même modestement, à changer le rapport de force d’ensemble. Ainsi, en 1931, dans la lutte physique contre les SA pour le contrôle des quartiers et des locaux, le Roter Frontkämpferbund (RFB), organisé par les JC en s’appuyant sur des « bandes » de jeunes hommes à la limite de la délinquance, avait presque toujours l’ascendant dans les combats de rue face aux nazis, même si ces derniers, généralement mieux armés, étaient en supériorité numérique. Mais, comme le signale Pierre Broué, cette « campagne fut arrêtée net. Le 10 novembre en effet, le Comité central (du KPD) adoptait une résolution qui dénonçait “l’état d’esprit gauchiste”, “les tendances terroristes”, “l’usage de la terreur individuelle contre les fascistes ” »19. C’est ainsi, et seulement ainsi, que la conquête des quartiers ouvriers par le NSDAP, notamment à Berlin, fut rendue possible.

Il convient par ailleurs de mentionner ici les expériences locales de front unique qui eurent des résultats non-négligeables et qui auraient pu faire tache d’huile. Le SAP jeta toutes ses forces – certes modestes, mais bien réelles – dans la bataille. Malgré son échec d’ensemble, il parvint à organiser, en collaboration avec de petits groupes issus du KPD (notamment le KPO rassemblant les oppositionnels « de droite » et le Leninbund regroupant des « ultra-gauches » exclus par la direction Thälmann), une série de rassemblements antifascistes et plusieurs discussions propageant l’idée d’action commune. Pierre Broué évoque quant à lui plusieurs activistes de talent affiliés à l’Opposition de gauche allemande qui, « comme Schneeweiss à Oranienburg et le jeune (Walter) Held dans la Ruhr, organisent des groupes de défense ouvrière, des milices pour défendre les quartiers ouvriers des raids et des parades SA »20.

Les raisons du désastre

Comment expliquer ce refus de combattre de la part des directions ouvrières ? La réponse semble relativement évidente du point de vue de l’appareil social-démocrate, écartelé entre, d’un côté, son besoin vital de préserver ses strapontins parlementaires, ses fiefs électoraux, ses positions syndicales et ses sièges dans les conseils d’administration des caisses d’assurance sociale, et, de l’autre, sa sainte terreur de tout appel à la combativité ouvrière. Désireuse de sauver la démocratie bourgeoise qui lui a permis de s’élever au-dessus du prolétariat, la bureaucratie « socialiste » craint mortellement les deux concurrents de cette dernière, que sont la dictature fasciste, mais aussi la révolution sociale. D’où la mise en œuvre de la mortifère politique dite « du moindre mal » à l’égard de Brüning de fin 1930 jusqu’au printemps 1932. D’où également le refus de lutter les armes à la main contre le coup d’État de von Papen contre le gouvernement de Prusse à majorité sociale-démocrate à l’été 1932. Trotski a raison de dire qu’aux yeux des dirigeants sociaux-démocrates, la défense unie de la classe ouvrière contre le nazisme « mettra en branle tout le prolétariat, et alors le mouvement dépassera les crânes chauves du gouvernement : à l’origine mouvement antifasciste, il se terminera en mouvement communiste »21.

Côté communiste, le grand révolutionnaire dénonce à de nombreuses reprises l’attitude du gratin communiste qui considère in fine que la lutte contre le nazisme est perdue d’avance. Dans sa principale brochure contre le nazisme datée de janvier 1932, il note que considérer que le fascisme est déjà au pouvoir sous Papen ou même sous Brüning, comme l’a fait Walter Ulbricht début décembre 1931 dans les colonnes de la Rote Fahne22, « c’est identifier la situation avant le combat à la situation après la défaite ; cela veut dire considérer à l’avance la défaite comme inévitable, cela signifie appeler à capituler sans combat »23. Cette arrière-pensée stalinienne, il l’avait déjà entrevue quelques mois plus tôt lorsqu’il prêtait le raisonnement suivant aux « huiles » de l’Internationale et du KPD : « Le fascisme croît irrésistiblement ; sa victoire est de toute façon inévitable ; plutôt que de se précipiter “aveuglément” dans la lutte et se faire battre, il vaut mieux reculer prudemment et laisser le fascisme prendre le pouvoir et se compromettre. Et alors, – oh, alors ! – nous nous montrerons ». Voilà donc ce que préconisent les fins stratèges du Kremlin aux salariés allemands : « Reculer en temps opportun, retirer les troupes révolutionnaires de la ligne de feu, tendre un piège aux fascistes sous la forme… du pouvoir gouvernemental »24. Que l’ironie est grinçante quand elle touche si juste ! Et ce d’autant plus que, pendant des mois, les communistes allemands avaient soutenu mordicus que les élections de septembre 1930 avaient constitué le chant du cygne d’un Hitler pour qui « les jours qui suivraient seraient non pas meilleurs, mais pires »25.

Pour Trotski, le refus du front unique dans les rangs du KPD s’explique avant tout par leur suivisme navrant de la « ligne générale » dictée au Kremlin et faite en réalité d’une suite de brusques zigzags politiques. Cette attitude déconcertante de la bureaucratie soviétique, autrement plus habituée à ordonner qu’à convaincre, vient du fait qu’en tant qu’excroissance certes née au sein de l’État ouvrier victorieux, mais qui a maturé sur le terreau de la défaite de la révolution hors d’URSS, « elle se voit forcée d’accomplir des zigzags entre le marxisme et le national-réformisme »26. Selon Trotski, c’est cette tendance des apparatchiks soviétiques, et de l’Internationale communiste qu’ils dirigent, à osciller entre des erreurs droitières (entre 1926 et 1928 notamment) et des excès ultra-gauche (de 1924 à 1926, puis de nouveau de 1928 à 1932), sans jamais adopter la tactique idoine, qui est le nœud du problème. Ainsi exhorte-t-il de toutes ses forces le KPD, de la fin 1930 aux terribles journées de 1933, à croire en ses propres forces et à adopter une orientation réellement révolutionnaire que les stratèges du Kremlin, soucieux avant tout de préserver leur domination en URSS, sont incapables de lui indiquer de l’extérieur. Jusqu’à son effondrement sous les coups du nazisme, Trotski veut croire à un redressement possible du KPD, d’où cette analyse qui semble s’arrêter au milieu du gué. Pierre Broué nous donne un élément supplémentaire de compréhension quand, dans son maître-ouvrage, il donne la parole à des jeunes membres du Roter Frontkämpferbund que la décision de la direction du KPD d’arrêter la campagne – pourtant fructueuse – de lutte physique contre les bandes brunes, fin 1931, avait consternés. Ces jeunes dirigeants en sont en effet venus « à la conclusion que la peur d’être rejetés dans l’illégalité a joué un rôle important »27 dans ce virage de l’appareil communiste.

Ce serait donc par réflexe de survie que ce dernier a refusé le combat, comme l’avait fait, une quinzaine d’années plus tôt, l’appareil du SPD qui avait accepté la guerre impérialiste au nom de l’édifice imposant qu’il avait patiemment construit dans le cadre de la légalité impériale et que le retour à la clandestinité aurait immanquablement fragilisé. Une difficulté subsiste toutefois. Car, si l’on comprend qu’un politicien préfère, en 1914, sacrifier ses idéaux socialistes plutôt que son poste de député, d’élu ou de journaliste – et tous les privilèges qui en découlent –, il est plus difficile de saisir le mobile des dirigeants du KPD qui, pour leur part, ne pouvaient décemment espérer trouver un terrain d’entente avec Hitler28. L’explication ultime tient au fait que la base sociale du stalinisme n’est pas la même que celle du réformisme. Si ce dernier a prospéré, au début du XXe siècle, notamment en Occident, sur le développement des appareils syndicaux et de l’aristocratie ouvrière, « achetés » par leur bourgeoisie nationale, les appareils des partis communistes, à travers le monde, s’appuient, eux, sur la bureaucratie soviétique qui jouit de façon usurpée du prestige la Révolution d’Octobre et qui dispose, de façon cette fois bien réelle, des colossaux moyens matériels de l’État soviétique. Or, c’étaient bien les intérêts immédiats de cette caste parasitaire que le front unique défensif contre le nazisme d’abord, puis la perspective éventuelle d’une offensive révolutionnaire et unitaire du prolétariat allemand contre ce qui restait de la société bourgeoise, risquaient de remettre en cause frontalement. Les privilèges des apparatchiks venaient en effet directement de l’isolement de la Russie soviétique depuis 1923 et de l’échec de la Révolution allemande. Un regain d’énergie révolutionnaire en Occident aurait à n’en point douter contribué à sortir le peuple soviétique de sa torpeur et à faire naître une nouvelle génération révolutionnaire29. Il n’en était absolument pas question pour Staline et ses sbires qui s’étaient élevés au-dessus du commun auquel les condamnait leur médiocrité par la grâce du « socialisme dans un seul pays » – comprenez suite aux revers qu’avaient connus le mouvement ouvrier international depuis dix ans. Si les dirigeants du KPD ont jusqu’au bout refusé de sʼallier au SPD, en contravention avec ce que leur dictait la prudence la plus élémentaire, c’était au bout du compte pour complaire à Staline, hostile à toute unité ouvrière susceptible de rouvrir la perspective révolutionnaire en Allemagne et donc de remettre en cause son pouvoir en URSS. La mise au pas, depuis 1924, des partis communistes en passe de devenir des simples agences diplomatiques – et à terme de vulgaires officines policières – du Kremlin dans chaque pays, a rendu possible cette effrayante docilité de Thälmann et consorts.

Cet article de notre camarade Jean-François Claudon a été publié dans le numéro 301 ( janvier 2023) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

1. Trotski, « La seule voie », 14 septembre 1932, Comment vaincre le fascisme. Écrits sur l’Allemagne (1930-1933), Éditions de la Passion, 1993, p. 159.

2. Pierre Frank, Histoire de l’Internationale communiste (1919-1943), La Brèche, 1979 et Thèses sur la situation internationale et les tâches à venir, p. 898 (cités tous deux dans Pierre Broué, Histoire de l’Internationale communiste. 1919-1943, Fayard, 1997, p. 493-494).

3. Ibid., p. 494.

4. Cf. les affiches du SPD pour les élections législatives de 1930 et de 1932 à l’adresse suivante : https://slideplayer.fr/slide/2883484/10/images/12/Deux+affiches+%C3%A9lectorales+du+SPD+pour+les+%C3%A9lections+de+1932.jpg.

5. Trotski, « En quoi la politique actuelle du Parti communiste allemand est-elle erronée ? (Lettre à un ouvrier communiste allemand, membre du KPD) », 8 décembre 1931, op. cit., p. 51.

6. Trotski, « La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne (Problèmes vitaux du prolétariat allemand) », 27 janvier 1932, ibid., p. 61.

7. Voir Jean-François Claudon et Vincent Présumey, Paul Levi. L’occasion manquée, Éditions de Matignon, 2017, p. 70-71 et p. 79-80. Sur sa mort accidentelle, cf. ibid., p. 89-90.

8. Pour ce passage, on a eu recours à l’entrée « Parti socialiste ouvrier d’Allemagne » de Wikipédia, ainsi qu’aux notices biographiques des trois députés publiées dans le « Maitron en ligne » (https://maitron.fr).

9. Trotski, « La révolution allemande… », op. cit., p. 128.

10. Sur l’accord Ebert-Groener du 10 novembre, voir Gilbert Badia, Les Spartakistes. 1918 : l’Allemagne en révolution, Aden, 2008, p. 128-134. Sur le double meurtre, voir ibid., p. 221-273.

11. Sur ces mois sanglants, de janvier à mai 1919, principalement à Berlin, Brême, Hambourg, en Allemagne centrale et en Bavière, voir Paul Frölich & alii, Révolution et contre-révolution en Allemagne. 1918-1920, Éditions Science marxiste, coll. Documents, 2013 (1èreéd. allemande 1929), p. 143-257, ainsi que Chris Harman, La Révolution allemande. 1918-1923, La Fabrique, p. 127-182.

12. The Secret of Hitler’s Victory, p. 67-68, cité dans Pierre Broué, op. cit., 1997, p. 525 (consultable à l’adresse suivante : https://www.marxists.org/archive/petroff/1934/hitlers-secret.htm).

13. Die Rote Fahne, 22 février et 14 septembre 1930 (cité ibid, p. 528).

14. Cité ibid., p. 527-528.

15. Pour ces citations et cette conclusion, voir ibid, p.528- 529.

16. Trotski, « La révolution allemande… », op. cit., p. 76.

17. Ibid, p. 67.

18. Trotski, « Lettre à un ouvrier communiste… », op. cit., p. 52.

19. Pierre Broué, op. cit., 1997, p. 526.

20. Pierre Broué, Léon Sedov, fils de Trotsky, victime de Staline, Éditions ouvrières, coll. La part des hommes, 1993, p. 98.

21. Trotski, « La révolution allemande… », op. cit., p. 62.

22. Die Rote Fahne, 2 décembre 1931 (cité dans Pierre Broué, op. cit., 1997, p. 528).

23. Trotski, « La révolution allemande… », op. cit., p. 73.

24. Trotski, « La clé de la situation internationale est en Allemagne », 26 novembre 1931, ibid., p. 40.

25. Thälmann, plénum du Comité exécutif de l’Internationale communiste d’avril 1931, cité dans Trotski, « La tragédie du prolétariat allemand », 14 mars 1933, ibid., p. 216.

26. Trotski, « La révolution allemande… », ibid., p. 115.

27. Cité dans Pierre Broué, op. cit., 1997, p. 527.

28. La plupart des dirigeants du KPD se sont toutefois exilés en URSS où ils furent généralement victimes des purges staliniennes. Ce fut notamment le cas, en 1939, du demi-oppositionnel Heinz Neumann, mais aussi du très orthodoxe Hermann Remmele. Cf. Pierre Broué, op. cit., 1997, p. 723-724. Ernst Thälmann a quant à lui été assassiné par les nazis à Buchenwald, le 18 août 1944, après onze ans d’emprisonnement. Mais tout indique qu’Hitler voulait faire du président du KPD une monnaie d’échange que Staline a finalement refusée.

29. Cette opinion se retrouve dans Pierre Broué, le Parti bolchévique. Histoire du PC de l’URSS, 1971 (1èreéd. 1963), Éditions de Minuit, coll. Arguments, p. 179, mais aussi dans Jean-Jacques Marie, Staline, Fayard, 2001, p. 278.

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