GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Notes de lecture

Hôpital : urgence absolue (recension du livre du Pr Grimaldi)

Oui, l’hôpital est en danger. Il brûle même, mais, pour paraphraser un autre discours sur l’urgence, « nous regardons ailleurs ». Sommes-nous devenus malades à ce point pour ne rien voir de l’épée de Damoclès qui pend au-dessus de la pièce-maîtresse de notre système de santé ?

L’hôpital souffre d’abord de l’absence de débat sur son avenir. Le néo-libéralisme ne fait décidément pas bon ménage avec la démocratie, ni avec l’intérêt général. Il est donc plus que bienvenu qu’André Grimaldi, professeur émérite de diabétologie au CHU de la Pitié-Salpétrière, dresse un diagnostic complet et énumère quelques mesures à prendre pour le guérir dans L’hôpital nous a sauvés : sauvons le !, préfacé par Alain Supiot (*).

Rénovation ou privatisation ? 

André Grimaldi nous rappelle l’enjeu actuel de la privatisation qui menace. 220 milliards d’euros pour les dépenses de santé constituent un trésor potentiel qui suscite l’envie des puissances d’argent. On peut y ajouter les dépenses de la branche vieillesse, soit 139 milliards par an.

Pour profiter de ce gâteau prometteur la stratégie néo-libérale s’attache à affaiblir l’hôpital. Jusqu’à trente pour cent des lits sont aujourd’hui fermés. 10 % des Français n’ont pas de médecin traitant, et la pénurie devrait être effective jusqu’en 2030. L’actuelle insuffisance, voire la défaillance de la médecine de ville constituent, avec la conception de l’hôpital comme d’une entreprise, deux causes essentielles de la menace qui pèse sur ce dernier.

La Charte de la médecine libérale prévoit depuis 1927 la liberté d’installation et le paiement à l’acte, combinés au début des années 1970 avec la mise en place du numerus clausus. Résultat : moins de 40 % des médecins de ville prennent encore des gardes, si bien que les patients sont amenés désormais à considérer l’hôpital comme un médecin de premier recours. C’est donc la médecine de proximité qui se montre insuffisante.

André Grimaldi appuie là où ça fait mal en notant que la Fédération hospitalière de France (FHF) est présidée par des politiques n’appartenant pas au monde hospitalier, tels Gérard Larcher, Claude Evin, qui relaient et promeuvent une gouvernance de l’hôpital conforme à une orthodoxie bien en cour au sommet de l’Union européenne.

L’hôpital-entreprise

C’est à partir de 2004 qu’est introduite la tarification à l’activité (dite T2A), faite pour susciter une concurrence entre les établissements hospitaliers tout en donnant l’avantage à ceux appartenant au secteur privé : quatre grandes chaînes internationales financiarisées (Ramsay, Elan, Vivalto, Almaviva) optent pour les activités profitables, notamment la chirurgie ambulatoire, au détriment des non-rentables comme l’obstétrique. Dans le même temps, les dépassements d’honoraires augmentaient de plus de 30 % entre 2012 et 2017.

En 2009, la loi Bachelot supprimait le service public hospitalier au profit d’une gouvernance d’entreprise menée par un directeur administratif « seul maître à bord ». Est depuis inscrite dans la loi la recherche de la rentabilité. Le « codage » décrié à juste titre par les soignants accompagne donc désormais une marchandisation du système, le business plan l’emportant sur la visée médicale. Le budget hospitalier ne progresse en moyenne qu’un peu plus de 2 %, alors que celle des dépenses se situe entre 4 et 4,5 %. La paupérisation progresse donc et plus encore s’agissant de psychiatrie dont la dotation dépassait tout juste un pour cent en moyenne annuelle.

Le débat est dès lors escamoté et confisqué par une élite technocratique, « conseillée » par des sociétés telles que Capgemini ou bien encore McKinsey, qui a récemment défrayé la chronique pour des marchés illégalement attribués au prix fort. Pour tuer ou dissoudre le service public hospitalier, on a par exemple favorisé le montage de partenariats public-privé avec une répartition inégale des tâches : au privé, les activités les plus lucratives ; au public, les moins rentables.

Solidarité, et non charité !

L’hôpital est à la croisée des chemins. André Grimaldi propose dix mesures quelque peu inégales et parfois difficiles à mettre en œuvre, tant le système hospitalier souffre depuis des décennies d’une marchandisation rampante, mais impitoyable. Un plan de santé publique sur cinq ans s’annonce toutefois nécessaire pour que la solidarité prime à nouveau sur la charité. Rien dans les politiques menées par l’actuel gouvernement ne présage de bon pour la santé publique. Il est, semble-t-il, plus facile de faire une réforme des retraites inutile que de sauver l’hôpital. C’est pourtant un bien précieux, vital, qui nous appartient encore. Ne permettons pas son saccage.

Cet article de notre camarde Jean-Marc Gardère a été publié dans le numéro de janvier de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

(*) L'hôpital nous a sauvés, sauvons-le !  André Grimaldi (préface Alain Supiot). Editions Odile Jacob 11,90 euros

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