GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

COP 27… et COP 15 ! Deux coups d’épée dans l’eau ?

Alors que la COP 15 sur la biodiversité s’est achevée tout récemment sur un accord dont les aspects positifs ne peuvent cacher les limites certaines, la COP 27 qui l’avait précédée de quelques semaines a suscité de nombreux commentaires et interrogations.

Si l’on regarde le côté positif, la création d’un Fonds Pertes et dommages à destination des pays les plus touchés par le dérèglement climatique est certainement une avancée notable. Mais il faut tout de suite signaler que les conditions de mise en place de ce fonds ne sont pas fixées et que, surtout, aucun engagement n’a été pris sur la sortie des énergies fossiles, hormis celui sur le charbon issu de la COP précédente.

Une COP dans les limites de l’exercice

La plupart des acteurs non institutionnels, des ONG, s’accordent pour dire qu’il est indispensable de s’attaquer aux causes des dégâts, et pas seulement aux conséquences… et qu’on est bien loin de l’ambition nécessaire au vu des urgences.

Contentons-nous de rappeler un chiffre tout bonnement inimaginable. Mille milliards de tonnes : c’est la quantité de CO2 que l’humanité a envoyée dans l’atmosphère depuis la révolution industrielle, par le charbon, le gaz et le pétrole que nous avons brûlés ! Mille milliards de tonnes, c’est aussi la masse de toutes les constructions humaines sur notre planète ! Un chiffre qui resitue l’ampleur du défi auquel est confrontée notre espèce.

Sous la pression des lobbys

À Charm-El-Cheikh étaient présentes les délégations de 196 pays. Les débats ont duré deux semaines et ont dû être allongés de trente-six heures pour permettre aux forces en présence de parvenir à un texte commun. Certes, un pas a été réalisé pour la reconnaissance de la responsabilité historique des pays du Nord dans les causes du dérèglement climatique. Mais rien n’est dit dans l’accord sur la sortie des énergies fossiles. Le texte ne parle que « d’abandon progressif » du charbon et de fin des « subventions inefficaces » aux énergies fossiles. Le texte est également truffé d’éléments de langage de greenwashing utilisés par « l’industrie des fossiles ».

C’est l’un des problèmes de ces instances, gangrenées par les lobbys. Plus de 600 lobbyistes étaient en effet présents à Charm-El-Cheikh, et ils ont été bien mieux mieux reçus que les militants des ONG. Et l’on comprend mieux pourquoi les délégations saoudienne, russe et chinoise ont freiné les pourparlers quand on sait que les trois géants pétroliers et charbonniers d’État Aramco (Arabie saoudite), Gazprom (Fédération de Russie), et China Energy (République populaire de Chine) sont les multinationales les plus émettrices de gaz à effet de serre.

Sur un autre plan, le secteur de l’agriculture et de l’alimentation, pourtant responsable de 37 % des émissions de ces gaz, était quasi absent des débats. Le programme actuel dans ce domaine a simplement été prolongé. Pourtant l’impact des émissions de méthane de l’élevage intensif, la déforestation massive, la mondialisation des échanges… auraient mérité des mesures ambitieuses. Aucune incitation à une transition agro-écologique d’ampleur n’est sortie de cette COP.

Un Fonds qui vient de loin

Les États les plus vulnérables au changement climatique demandent depuis 1991 la création d’un mécanisme de financement international pour les pertes et dommages causés par les processus de long terme comme par les catastrophes dites « naturelles ». En 2021 à Glasgow, ces pays avaient proposé un dispositif de solidarité financière, mais les négociations avaient été bloquées par les États-Unis et l’Union européenne. Cette dernière a revu sa position cette année et a rallié son partenaire d’outre-Atlantique à cette cause. Les inondations dévastatrices au Pakistan et les récents événements climatiques ont certainement pesé dans ces revirements.

Concernant les inondations au Pakistan, les scientifiques estiment que le changement climatique a accru de 50 % les précipitations, alors que ce pays n’a contribué qu’à 0,3 % des émissions historiques mondiales de CO2. C’est le huitième pays le plus menacé au monde. Pour cette « seule » catastrophe, les pertes et dommages sont estimés à 30 milliards de dollars, alors que le coût total des destructions climatiques pourrait atteindre 580 milliards de dollars par an d’ici 2030.

C’est dire si les 360 millions déjà débloqués pour ce Fonds Pertes et dommages par l’UE et douze autres États paraissent dérisoires ! « Un canot de sauvetage dans l’ouragan qui se prépare », au dire de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS pour Alliance of Small Island States, qui regroupe 39 pays membres de l’ONU et cinq membres observateurs). Le travail est donc immense encore pour réunir les fonds nouveaux et additionnels nécessaires.

Aller plus loin est vital !

Aujourd’hui, les Plans climat nationaux nous laissent sur une trajectoire de réchauffement d’a minima 2,5° C d’ici la fin du siècle. Si les COP ont certainement un rôle, elles sont aujourd’hui largement insuffisantes, surtout parce qu’elles ne remettent nullement en cause les règles d’une mondialisation économique et financière débridée, principale responsable de la situation.

Répétons-le : il est indispensable de s’attaquer aux causes du dérèglement climatique, et pas seulement aux conséquences ! Il est par exemple certain que le recours massif actuel au gaz liquéfié – justifié par la guerre en Ukraine – continue de nous enfermer dans une économie dépendante des énergies fossiles, par manque d’anticipation, de réelles avancées pour plus de sobriété, d’ambition pour le développement des énergies bas carbone, de courage politique.

La biodiversité compte aussi !

La COP 15 de Montréal, relative à la biodiversité qui a suivi celle, générale, qui s’est tenue à Charme-El-Cheikh, a eu bien moins d’écho. Il faudrait pourtant lui accorder une place importante dans le débat public tant les enjeux sont aussi énormes, et articulés de manière systémique avec ceux du climat. En moins de cinquante ans, les populations d’animaux sauvages ont décliné de 69 % au niveau mondial. Dans les océans, plus de 90 % des grands poissons comme les mérous ou les requins ont disparu depuis 1950… Or, la survie de l’humanité dépend étroitement de cette diversité, qui participe à la régulation du climat, à notre nourriture, à la pollinisation des cultures et à la fertilité des sols, mais aussi à la dépollution des océans ainsi qu’au stockage du carbone… Pour ne prendre qu’un exemple, les projets gaziers de Total en Afrique – forages en mer, gazoducs… – sont en même temps néfastes à la biodiversité, au climat, et aux moyens de subsistance des populations locales.

À Montréal, 193 pays se sont mis d’accord pour protéger la biodiversité en déclinant 23 objectifs. Pour l’essentiel, il s’agit de restaurer 30 % des écosystèmes et de protéger 30 % des terres et des mers d’ici 2030. Les crédits seront doublés, à hauteur de 30 milliards de dollars.

Mais ce cadre reste non contraignant et le document final ne s’adresse pas à l’industrie agroforestière, ni à celle de la pêche, qui ont pourtant une responsabilité énorme dans la destruction de la biodiversité. Il faut noter que la France, alliée aux Pays-Bas, s’est battue pour que le mandat de l’Union européenne ne mentionne que l’objectif de 30 % de protection et abandonne les 10 % de « protection stricte » prévus, c’est-à-dire pour que l’UE renonce à défendre la mesure la plus efficace pour permettre à la nature de se réparer. Encore une fois, la méthode Macron – affirmer une chose et agir en sens inverse – a montré ses effets délétères (voir encadré ci-dessous).

Pour les ONG, « c’est mieux que ce que l’on pouvait craindre, et moins bien que ce que l’on voulait ». Bref, au dire de nombre d’entre elles, « on sauve au moins les meubles ».

Affaire à suivre

Par ailleurs, l’accord est maintenant entre les mains de chaque pays, pour sa mise en application… COP 27 ou COP 15 : comme nous pouvons le voir à l’analyse, ces moments de négociations internationales sont loin d’engager les pays vers les profondes transformations économiques et sociales indispensables à une réelle bifurcation écologique. Il y faut aussi la place essentielle des mobilisations collectives, sous leurs diverses formes, dans tous les territoires.

Cet article écrit le 28 décembre 2022 par notre camarade Christian Bélinguier a été publié dans le numéro 301 (janvier 2023) de Démocratie&Socialisme, la revue dela Gauche démocratique et sociale (GDS).

 

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