Plateforme d’abord, primaires, candidat unique
D’abord un instant, comme Emmanuel et d’autres, sur le CN de samedi. Il y avait quelque chose de platement désespérant. On nous a réunis en urgence en une semaine, sans BN et six jours… après l’AG des secrétaires de section. Moins de camarades sont venus puisque seulement 150 à 160 ont voté.
À l‘ordre du jour, il nous a été interdit de voter sur la « déchéance de nationalité » : « je serais accusé du sale boulot, mais pas d’amendement» a dit le premier secrétaire. On n’a pas discuté non plus de la situation politique, des agriculteurs, du Code du travail, des 35 h, du referendum en entreprise, ou de Goodyear, ou de la droite, comme le soulignait Alain à l’instant. On a appris, c’est nouveau, ça vient de sortir, que nous ne discuterions pas non plus d‘un programme pour les présidentielles, car, paraît-il, « de toute façon le candidat en faisait ce qu’il voulait ».
À quoi ça sert un parti qui ne discute pas du programme de l’élection clef du pays ? (C’est dans la veine de Macron : « c’est pas au gouvernement de discuter de l’économie »)
Moi, j’avais soutenu avec des doutes mais avec attention les efforts de Jean-Christophe pour essayer de faire voter le parti en amont, sur le budget, sur telle ou telle décision sur le Code du travail ou autres pour « peser » sur l’exécutif, comme quand il a dit au soir du 2nd tour des régionales « ça ne peut plus continuer comme cela » et il faut « faire reculer le précariat ». (J’ai des idées, beaucoup, sur la façon de lutter contre la précarité… en renforçant le Code du travail !).
« Le parti propose, le gouvernement dispose » (sic). Mais au CN, le parti a même renonce à proposer.
Il faut corriger cela.
Car ce n’est pas possible.
Là, au CN, on a seulement voté, par la bande, de facto CONTRE des primaires puisqu’on a adopté (87 pour, 41 contre, 21 abstentions) une feuille de route jusqu’en décembre 2016… où il n’en est pas question. Le CN a dit implicitement aux Français que dans l’année qui vient on ne s’occupait pas de primaires !
Laissons-les aux autres ?
Donc, en fait, le pouvoir personnel antidémocratique l’emporte contre le parti, on ne sert à rien, tout se décide en haut, et toute démocratie est vidée de substance. Ça va mal finir, tout ça.
Si on ne réfléchit pas et ne travaille pas, comme PS, et n’adopte pas un programme pour les présidentielles, qu’on ne fait pas de primaires, où allons-nous ? Tout va se passer hors de nous, et ce n’est pas 200 noms, qui resteront des noms dans un « appel » vain d’un parti passif vidé de sa substance, qui feront une « alliance populaire ».
Parce que ce soir, où nous parlons des primaires, c’est justement bel et bien de programme qu’il faut parler.
J’entends que nous serions pour un « candidat unique », pour des « primaires de toute la gauche », des primaires de « coalition » ; je m’en réjouis mille fois. Mais si on ne parle pas politique d’abord, il n’y aura pas de primaires. On sait bien qu’on ne peut rassembler la gauche sur le programme sortant, sur le bilan sortant, même pour des primaires, même pour départager différentes candidatures en faveur d’une candidature unique.
Il n’y aura pas de périmètre commun avec toute la gauche, s’il n’y a pas une discussion de toute la gauche pour un programme commun.
Des primaires, c’est pour discuter, mobiliser, choisir pas seulement le candidat (il n’y a pas de candidat naturel, ni légitime ni autoproclamé, à ce jour), mais le programme de gouvernement pour le prochain quinquennat.
Il n’y aura pas de primaires si on dit à la gauche : « Eh bien, votons pour continuer la même politique ». Il n’y a aucune chance que cela réussisse puisque cela a échoué, qu’on est divisés, qu’on a perdu cinq élections consécutives, municipales, européennes, sénatoriales, départementales, régionales depuis, trois ans, depuis qu’on n’applique pas le programme pour lequel on avait été élus. On avait tout, on n’a plus rien parce qu’on n’a pas respecté nos promesses, nos électeurs.
Les primaires c’est pour essayer de se sortir de là et que la gauche ne perde pas aussi la sixième élection, la décisive, l’année prochaine.
Les primaires, c’est la dernière planche de salut pour la gauche, pour toute la gauche sans exception, car s’il y a plusieurs candidats on perd tous.
On ne sera pas au 2nd tour, on sera obligés de choisir entre LR et FN. Et il n’y a pas de triangulaire possible.
Mais pour que ça marche, il faut négocier politiquement une plateforme réaliste, rose rouge vert. Un compromis qui aille à tous. Disons, par exemple, au moins de la même nature que le programme du gouvernement actuel au Portugal entre PSP, PCP et bloc de gauche. S’ils n’avaient pas fait de compromis là-bas, ils ne gouverneraient pas à Lisbonne, c’est la droite qui serait au pouvoir. Si nous ne le faisons pas ici, à Paris, nous serons battus, c’est LR et FN qui seront devant. Et nous aurons nos yeux pour pleurer et tirer un bilan catastrophique.
Si c’est pour dire « on continue sans inflexion », sans « réorientation », à quoi ça sert de dire « on est pour des primaires de toute la gauche », comme le fait Jean-Christophe ? Aucune ! Pas de « magie » possible, aucune bataille commune et donc pas de primaires communes… La ligne de Valls-Macron, donc de François Hollande, est minoritaire dans le pays et à gauche. Ouvrons le débat.
Et on ne peut pas dire que c’est parce que nos partenaires ne veulent pas de primaires ; on ne renversera pas la charge de la preuve, en disant « que c’est leur faute, c’est parce que le PCF attend son congrès de juin, c’est parce que les Verts attendent leur congrès de juin, c’est parce qu’ils mettent des exclusives, des préalables »…
Ça ne marchera pas ! Si nous voulons sérieusement des primaires, il faut s’adresser maintenant aux militants du PC et des Verts AVANT leurs congrès de juin, et leur faire des propositions sérieuses, politiques et démocratiques, dès maintenant.
Sans plateforme politique, il n’y aura pas de primaires ! Et ce sera notre faute ! C’est à nous d’ouvrir le débat sur les choix du prochain quinquennat ! C’est à nous d’engager la discussion sur le programme. Si on refuse, on sera accusés et désignés du doigt. Et à juste titre.
Moi, je suis comme Jean-Christophe et beaucoup d’autres, contre toute exclusive : des primaires larges, pas des « petites primaires », oui, et de Hollande à Mélenchon, même si je ne suis personnellement d’accord avec aucun des deux, oui contre tout préalable et contre le fait que quiconque en fasse contre quiconque…
Vous dites que Mélenchon fait « veto ». Mais il ne faut non plus que nous mettions, nous, comme préalable, qu’on ne touche pas à l’orientation sortante du quinquennat et qu’on a « le candidat naturel » : c’est impossible, c’est un diktat intolérable et c’est un autre « veto », une autre façon de dire « NON » aux primaires tout en faisant mine de se déclarer « pour ».
C’est une mauvaise manœuvre, grosse comme un gratte-ciel : ça va se voir !
C’est poker menteur, c’est dire : « on est pour des primaires de toute la gauche, mais on n’a pas l’intention une seconde de travailler, d’évoluer, de discuter avec toute la gauche, on veut que le résultat soit connu d’avance ; nous, notre bilan et ce qu’on fait, on continuera de le faire, c’est à prendre ou à laisser. Et on contrôlera les primaires de telle façon que vous n’aurez pas une chance ». Ça ne va pas du tout ! Ça ne marchera pas. Personne ne marchera.