GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Notes de lecture

Philippe Pascal : un homme qui ne se résigne pas

Notre camarade Philippe Pascal a publié en septembre dernier J’accuse l’URSSAF… !. Dans ce livre passionnant, l’ex-inspecteur de l’URSSAF revient sur « l’affaire Mariani » qui a fait de lui un lanceur d’alerte reconnu, mais l’a aussi mené au bord du précipice (Philippe Pascal, J’accuse l’URSSAF… !, Éditions Atlande, 2021, 275 p).

« Vivre, c’est ne pas se résigner », écrivait Albert Camus. Cette formule de celui qu’il considère comme son « guide de vie » résume à merveille l’attitude qu’a adoptée notre camarade avignonnais malgré les pressions extrêmement violentes exercées sur lui et les moments de découragement qu’il a pu traverser.

L’affaire commence

En 2010, un collègue apprend à Philippe « l’étendue des manœuvres qui auraient cours à l’hôtel-restaurant des Agassins pour économiser les cotisations sociales et les impôts ». Il lui fait part « de l’existence d’un coffre où seraient cachées les recettes détournées qui permettraient le paiement des rémunérations dissimulées ». Cet hôtel quatre étoiles, bien connu à Avignon, est la propriété de François Mariani, patron du BTP, président inamovible de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) du Vaucluse, et par ailleurs cousin de Thierry Mariani.

Philippe a rencontré Mariani quelques années plus tôt, parce que ce dernier envisageait, en tant que président de la CCI 84, de parrainer l’association humanitaire qu’il animait. Quand il commence ses investigations, le responsable départemental de la lutte contre le travail dissimulé ne juge pas nécessaire de se dessaisir de l’affaire, puisque Mariani « n’est ni un ami ni un collègue, encore moins un copain ».

En décembre 2010, une perquisition a lieu aux Agassins. La date n’a pas été choisie au hasard, puisque les fonctionnaires en charge de ce dossier savaient que le jardinier de l’hôtel enchaînait les CDD, suivis d’une interruption de dix jours permettant d’éviter de requalifier son contrat de travail en CDI. La perquisition a lieu lors de cette « pause » forcée et… le jardinier est bien à son poste ! « Le flagrant délit était établi ». Après la perquisition et le redressement qui s’ensuivit, Philippe devient « la cible d[u …] ressentiment, voire de [l]a haine » de François Mariani.

Pot de fer et pot de terre

La vie de Philippe en est bouleversée. Dans les mois qui suivirent, Philippe vit un 4X4 foncer droit sur sa voiture et il ne dut qu’à ses réflexes de ne pas être blessé sérieusement : son véhicule finit sa course dans le bas-côté avec deux portières arrachés par le chauffard. Quelques temps plus tard, un ami est agressé par erreur à sa place devant chez lui. Sa voiture lui a ensuite été volée, puis « restituée » avec un avertissement sans frais fixé sur le pare-brise… Est-il besoin de préciser que toutes les plaintes déposées suite à ces événements ont été classées sans suite ?

Rapidement, et ce malgré les trois procédures pénales en cours contre Mariani, Philippe est tenu à l’écart de l’affaire en raison du départ du TGI d’Avignon du procureur Villardo avec lequel il travaillait main dans la main. Près de dix ans plus tard, les dossiers relatifs à ces procédures déposées pour des malversations pourtant sanctionnées au civil – et donc reconnues par la justice – sont restés sans suite

Et pourtant, le tribunal a été, tout au long de ce combat inégal, la « seconde maison » de notre camarade vauclusien. Car Mariani a cherché à démolir son adversaire en le harcelant judiciairement. En mai 2015, le successeur de Villardo, Bernard Marchal, ouvre une enquête pour corruption passive à l’encontre de Philippe, alors en plein burn-out. Un patron avignonnais, Yvan Parades, venait en effet de se proposer de subventionner « généreusement » l’association humanitaire présidée par Philippe… qui l’avait pourtant redressé quelques années plus tôt ! Autre élément troublant : le patron était sur le point de se faire de nouveau contrôler. Le bureau de l’association a beau avoir finalement refusé cette subvention malsaine, le mal était fait : une convention avait été signée. Mariani et Marchal tenaient une « preuve » contre notre ami.

Laver son honneur

Puis le procureur saisit le tribunal pour recel d’enregistrement privé contre l’inspecteur de l’URSSAF. Ce dernier était en effet en possession d’un enregistrement d’un échange violent entre Mariani et un salarié licencié. Mais ce sont des magistrats qui avaient demandé à ce dernier de le leur transmettre au début de l’affaire ! Cette procédure au motif ubuesque n’est visiblement pas suffisante pour Mariani qui assigne notre camarade devant le juge en raison d’un article de La Provence relatant des propos qui porteraient atteinte à sa présomption d’innocence… Troisième dossier ! Mais la procédure est jugée abusive et Mariani est condamné en 2017 à verser 1 500, puis 2 000 euros au quotidien régional et au lanceur d’alerte. Quant à l’accusation de corruption passive, elle a finit par faire long feu.

Après cinq reports, le procès relatif à l’enregistrement a enfin lieu, le 26 janvier 2018. La présidente du tribunal déclare : « Rien ne sera retenu contre M. Pascal ; il n’a fait que son travail ». Il faut dire qu’à l’été 2016, le procureur Marchal, si proche de Mariani, avait tiré sa révérence.

Lire le livre de Philippe Pascal permet de saisir le courage d’un homme bien décidé, malgré les menaces, la peur qui le ronge et jusqu’à la dépression qui a failli le détruire, à défendre son honneur, ainsi que sa mission de défense de l’ordre public social.

Cet article de notre camarade Jean-François Claudon a ét publié dans le numéro 289 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

 

 

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