Pessimisme de la raison, optimisme de la volonté
Les bonnes nouvelles politiques sont une denrée rare en cette fin d’année 2024 avec par exemple 240 plans de licenciements en cours et 200 000 emplois menacés. Il est hors de question de se résigner : luttes pour l'emploi, luttes pour les salaires, manifestations des retraités le 3 décembre, grèves des fonctionnaires et plus largement pour les services publics le 5 décembre, grève annoncée à la SNCF... Barnier a beau nous menacer du chaos si son gouvernement tombait, les députés du Nouveau front populaire auront raison de déposer une motion de censure en cas de 49-3 (*). L'avenir n'est pas écrit, il dépendra de nos luttes et de notre capacité à nous maintenir rassemblés à gauche.
Côté Hexagone, la politique française est prise en otage par un blocage sur le budget dont les salariés, les chômeurs et les retraités n’ont de toute évidence rien à attendre en termes de rééquilibrages sociaux, et par un calendrier électoral suspendu au bon vouloir d’un Rassemblement National englué dans son procès pour détournement de fonds publics massif. Notre hiver hexagonal paraît déjà très long avant d’avoir même commencé. Un hiver qui toutefois pourrait s’ensoleiller avec l’optimisme de la volonté, de l’action et bien sûr l’unité indispensable de la gauche et des écologistes.
Côté européen, les inflexions téléphoniques d’Olaf Sholtz, un brin nostalgique du bon vieux temps pas si lointain où le gaz russe venait réchauffer sans contraintes les rudes hivers germaniques, fait grincer des dents. Le coup de fil du chancelier allemand au président éternel de toutes les Russies Vladimir Poutine aurait de quoi faire sourire. Mais le cœur n’y est pas, car Olaf Scholtz commet l’erreur de cliver sur la question ukrainienne à un moment où les Européens doivent au contraire parler d’une seule voix face à ce conflit aux débouchés non mesurables. Mais aussi face au nouveau président élu des Etats-Unis, Donald Trump, dont on imagine le peu d’entrain à financer l’effort militaire ukrainien. Résumé de la conversation : « Bonjour Vladimir, c’est Olaf. Tu veux bien signer la paix avec l’Ukraine. Je veux dire… gentiment ? » « Mais bien sûr Olaf, tu le sais voyons, je ne veux que la paix. Depuis le début. » Lequel Poutine s’empressa ensuite d’aller menacer l’Ukraine, et les États-Unis, de représailles nucléaires en cas d’utilisation d’armes étrangères sur son territoire. La gauche européenne doit peser d’une seule voix en faveur du soutien à l’Ukraine, et s’élever au-delà des petits calculs nationaux : il en va de la crédibilité de notre destin européen commun.
Outre Atlantique, Donald Trump s’affaire justement, et la nomination de la nouvelle équipe présidentielle laisse songeuse. Parmi les heureux élus se distinguent notamment le très médiatique et peu progressiste Elon Musk chargé d’envisager avec la délicatesse d’une tronçonneuse les futures coupes budgétaires fédérales, et le nouveau Secrétaire à la Défense Peter Hegseth – pour rappel le budget de la Défense américain pèse 1000 milliards de dollars par an- nommé en vertu de sa double compétence d’être commentateur de Fox News et d’avoir été mobilisé en Irak il y a une vingtaine d’années. A vous faire oublier la nomination de l’antivax et conspirationniste Robert Kennedy Jr pour veiller à la santé de 330 millions d’américain.e.s. Donald Trump à la Maison Blanche dès le mois de janvier, nous promet ainsi un remake de The Apprentice, mais dans le réel et à l’échelle planétaire cette fois, avec des conséquences bien peu rassurantes. Là encore, le résultat des élections américaines nous donnent l’opportunité de réaffirmer notre singularité européenne. Là encore, notre lutte contre l’extrême- droite et toutes les formes de populisme est plus nécessaire que jamais.
Au Proche-Orient, Benjamin Netanyahou poursuit de son côté sa logique de représailles perpétuelles. Au Sud Liban et dans la banlieue sud de Beyrouth, après avoir décimé des familles entières, un fragile cessez-le-feu vient d’être signé, tandis que le génocide amorcé depuis un an à Gaza se poursuit bel et bien. Malgré l’horreur inouïe que vivent les populations civiles sous le feu de la « seule démocratie du monde arabe », nous parvient toutefois une lueur d’espoir de La Haye, et de la Cour Pénale Internationale. Malgré les très multiples pressions, la CPI, jusqu’ici fort compétente pour condamner les despotes africains que les anciennes puissantes coloniales ne considéraient plus utiles, auxquels s’ajoutaient quelques criminels de guerre slaves - dont le président russe - a décidé d’émettre cette fois-ci des mandats d’arrêts contre Benjamin Netanyahou et Yoav Galland. En d’autres termes, juger des crimes de guerre et contre l’Humanité commis par un pays allié des Occidentaux. Une première à saluer, et que la diplomatie de l’UE, par la voix de Joseph Borell, a soutenu sans réserve. La France doit maintenant sortir de l’ambiguïté, et une gauche française unie doit l’y pousser.
(*) Tribune dans Le Monde du 21 novembre : « Si Michel Barnier impose son budget par 49.3, nos groupes parlementaires déposeront une motion de censure »