GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Palestine : rappels de droit et d’histoire

« L’UE se situe fermement dans le soutien à la liberté d’expression [...] conformément à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui s’applique sur le territoire des États-membres de l’UE, y compris en ce qui concerne les actions BDS menées sur ce territoire », affirmait Federica Mogherini, Haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères, en réponse à une question de la députée Martina Anderson qui demandait si la Commission de l’UE s’engagerait à défendre le droit des militants BDS à exercer leur liberté démocratique1.

Ce rappel n’est sans doute pas inutile à l’heure où Macron s’apprête à mettre en œuvre une définition de travail non contraignante de l’antisémitisme adoptée par l’IHRA (Alliance Internationale pour le Souvenir de l’Holocauste), et où quelques députés remettent en question la liberté d’opinion en proposant de faire de l’antisionisme un délit.

Exemples irrecevables

Le problème n’est pas dans la définition adoptée2, mais dans les exemples qui l’accompagnent, qui « peuvent inclure le ciblage de l’État d’Israël, conçu comme une communauté juive ». Or, « des groupes de pression pro-israéliens manipulent ces exemples pour les intégrer dans la définition et poussent les États et institutions publiques ou privées à adopter cette définition élargie dans le but de criminaliser et/ou entraver les personnes et organisations défendant les droits des Palestiniens et critiques des politiques israéliennes »3.

Aussi bien la Commission nationale consultative sur les droits de l’Homme (CNCDH), des juristes, que des organisations juives mettent en relief les dangers que ferait peser l’adoption d’une définition ainsi élargie, dont le but réel ne s’avère que de « faire l’amalgame entre la critique légitime de l’État dIsraël ou la défense des droits des Palestiniens et l’antisémitisme, et ainsi supprimer ces derniers »4.

Un amalgame dangereux

Le zèle déployé par les députés mentionnés relève du même usage de l’amalgame, en plus grossier encore. Dominique Vidal répond brillamment à Julia Hamlaoui qui, dans L’Humanité, lui demande quel problème pose leur proposition : « Outre le délit d’opinion qu’elle instaurerait, cela pose un problème d’analphabétisme historique. Ceux qui prétendent que l’antisionisme serait antisémite qualifient en fait d’antisémites les millions de juifs de 1897 à nos jours qui ont majoritairement rejeté le projet d’État juif en Palestine. Jusqu’à 1939, 95 % des juifs au bas mot étaient hostiles au projet de Herzl […]. Les vagues d’émigration d’après-guerre ne sont pas marquées par un choix sioniste, mais parce qu’ils n’ont pas d’autre choix. Par exemple, les survivants de la Shoah auraient voulu aller aux États-Unis, mais il n’y avait pas de visas. Aujourd’hui, six millions de juifs vivent en Israël et dix millions vivent ailleurs. Tous ceux qui ne veulent pas y aller sont-ils antisémites ? »5

De l’absurde aux réalités

Les colons les plus enragés les considèrent ni plus ni moins comme des traîtres, mais un tel qualificatif ne semble pas très pertinent aux yeux de l’opinion publique occidentale. Mieux vaut les présenter comme des personnes qui, quelque part, ne sont donc pas tout à fait saines ? Et voici que surgit le syndrome du juif qui se déteste lui-même. Hélas, ce verbiage para-psychanalytique ne passe et ne fonctionne que dans des cercles très restreints.

Il devient impossible de fuir et de cacher la réalité. Et la réalité, c’est que nulle personne attachée aux idéaux démocratiques ne peut défendre l’orientation politique de plus en plus radicale et à maints égards criminelle du gouvernement israélien. En étant un tant soit peu attentif, il est possible de remarquer que lors de la cérémonie de transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, ce n’étaient pas des représentants de la communauté juive américaine qui accompagnaient les officiels états-uniens, mais deux pasteurs évangéliques aux convictions affichées : John Hagee qui considère qu’Adolf Hitler était « le bras armé de Dieu », et Robert Jeffress qui estime que tous les juifs sont destinés à l’enfer6.

Où l’expansionnisme sioniste le plus débridé reçoit l’appui de l’antisémitisme le plus décomplexé. Est-ce là un paradoxe ?

Cet article de notre ami Philippe Lewandowski est à retrouver dans le numéro 263 (mars 2019) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

  1. « La Haute représentante de l’UE, Federica Mogherini, affirme le droit au BDS », https://www.bdsfrance.org, consulté le 07/03/2019.
  2. La voici : « L’antisémitisme est une certaine perception des juifs qui pourrait s’exprimer à travers la haine envers les juifs. Les manifestations verbales et physiques d’antisémitisme peuvent être dirigées à l’encontre de juifs ou de non-juifs ainsi qu’envers leurs biens, envers des institutions de la communauté juive ou des bâtiments religieux ».
  3. « La définition de l’IHRA : Redéfinir l’antisémitisme pour taire les défenseurs des droits des Palestiniens », http://www.agencemediapalestine.fr, consulté le 07/03/2019.
  4. « First-ever : 40+ Jewish groups worldwide oppose equating antisemitism with criticism of Israel », https://jewishvoiceforpeace.org, consulté le 07/03/2019.
  5. « D’une poignée de voyous à une loi liberticide », L’Humanité du19 février 2019.
  6. Eric Alterman, « Israël s’aliène les Juifs américains », Le Monde diplomatique, février 2019. Ou encore Jean-Pierre Filiu, « Les amis antisémites de Trump à Jérusalem », http://filiu.blog.lemonde.fr, consulté le 07/03/2019.

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