GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Le patronat suisse en plein délire

Laboratoire d’idées proche du patronat, le think-tank Avenir Suisse estime que l’initiative populaire dite « Pour des multinationales responsables » occasionnerait pour les entreprises des frais de 5,1 milliards de francs (4,25 milliards d’euros) la première année et de 2,1 milliards (1,75 milliard d’euros) les années suivantes. À court d’arguments, la bourgeoisie financière et helvétique nage en plein délire.

 L’initiative « Pour des multinationales responsables » est actuellement discutée au Parlement fédéral avant d’être soumise au vote du peuple, à moins que les sénateurs et les députés ne lui opposent une alternative crédible.

Droits humains et environnement

Cette initiative demande des règles contraignantes pour que les entreprises respectent les droits humains et l’environnement en Suisse, mais aussi dans leurs activités à l’étranger. La concurrence économique serait plus équitable. En effet, pourquoi les nombreuses entreprises suisses qui se comportent déjà de façon exemplaire devraient-elles être désavantagées par rapport à des concurrents sans scrupules ? Introduit dans la loi, un devoir de diligence des entreprises obligerait les sociétés à vérifier si leurs activités à l’étranger conduisent à des violations des droits humains ou des standards environnementaux, et à prendre des mesures pour y remédier et à rendre des comptes.

Si les sociétés enfreignaient leur devoir de diligence, elles pourraient être amenées à répondre de leurs manquements devant les tribunaux suisses (responsabilité civile). Les coûts financiers et les dégâts d’image qui pourraient en résulter suffiraient à convaincre la plupart des entreprises de prendre les mesures adéquates et d’assumer leur responsabilité pour l’ensemble de leurs activités.

Estimation patronale prudente !

Avenir Suisse souligne pour sa part que la responsabilité des multinationales ne se limiterait pas aux dommages causés par l’entreprise mais qu’elle s’étendrait aux filiales à l’étranger et même aux fournisseurs étrangers. Les victimes de violations de droits humains ou de destructions environnementales dont une entreprise serait tenue responsable pourraient demander réparation en Suisse. C’est sur la base de ces présupposés que le laboratoire d’idées patronal avance ses estimations.

Selon lui, le coût total pour les multinationales helvétiques dépasserait 25 milliards de francs (20,8 milliards d’euros). Les auteurs de ce rapport ajoutent que leur estimation est « extrêmement prudente », puisqu’elle porte sur les investissements directs et omet les échanges commerciaux. En outre, l’enquête ne porte que sur les entreprises de grande et de moyenne taille, alors que pour les petites sociétés exportatrices, les coûts relatifs à la mise en place des structures de conformité seraient plus élevés que pour les grands groupes.

Un coût négligeable

Dans le camp des auteurs de l’initiative, on est au contraire d’avis que les coûts pour respecter les droits humains seraient négligeables pour les entreprises multinationales suisses, puisqu’elles disposent déjà des capacités pour le faire. En effet, selon Marine Vasina, coordinatrice romande de l’initiative, ce sont les mêmes ressources qui évaluent les risques d’investissements ou d’implantations. Elle précise que les infractions doivent avoir des conséquences juridiques, afin que les multinationales peu scrupuleuses respectent, elles aussi, la loi et cessent de fermer les yeux.

Cette argumentation est pleine de bon sens, mais il faut aussi se demander si les chiffres complètement délirants d’Avenir Suisse ne tiennent pas au fait qu’un certain nombre d’entreprises transnationales helvétiques n’ont pas la conscience tranquille s’agissant de leurs rapports avec le tiers-monde et l’environnement.

Nombreux « coupables » suisses

Ces dernières années, la section suisse d’Amnesty International, a mis en évidence plusieurs cas de violations des droits humains ou d’atteintes à l’environnement commises par des multinationales suisse :

  • En avril 2012, Glencore déclarait avoir réglé le problème de pollution des eaux provoqué par son usine en République démocratique du Congo. Toutefois, de nouvelles analyses scientifiques prouvent le contraire. Des échantillons prélevés dans le canal Albert et la rivière Pingiri attestent que ces cours d’eau présentent une concentration de cuivre et de cobalt plusieurs fois supérieure aux limites fixées par l’OMS : la concentration de cuivre y est ainsi jusqu’à six fois supérieure, et celle en cobalt 53 fois.
  • Aux États-Unis, la construction du North Dakota Access Pipeline, un oléoduc traversant une réserve des Sioux de Standing Rock, a soulevé de fortes oppositions. Pourtant, le Crédit Suisse a persisté dans son financement de la construction.
  • Syngenta vend du paraquat dans plusieurs pays en développement, alors qu’elle sait que ce pesticide est pour le moins controversé. La multinationale bâloise se rend ainsi coresponsable de milliers de cas d’empoisonnement et de décès par an.

Cet article de notre ami Jean-Claude Rennwald, ancien député (PS) au Conseil national suisse, militant socialiste et syndical, est à retrouver dans le numéro de mars de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauchje démocratique et sociale (GDS).

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…