GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Palestine, BDS : quand le sage montre la lune...

Que ce soit à coups de procès, de communiqués, de déclarations, ou d’autres entreprises d’intimidation, la bataille politico-juridico-médiatique sur les tentatives de criminalisation de la campagne BDS (Boycott - Désinvestissements - Sanctions) fait actuellement rage. Du coup, on en vient souvent à oublier de parler de ce qui motive cette campagne, et de la nature de ses objectifs. Elle s’avère pourtant particulièrement révélatrice.

Mais, comme le disait un philosophe antique, quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ; et la pression qui se focalise sur un doigt accusé de tous les crimes imaginables est intense. Regardons la lune.

Des objectifs clairs

Quand bien même ils paraîtraient utopiques et irréalistes aux regards formatés par la propagande et les médias dominants, les objectifs de la campagne BDS ne relèvent aucunement de la haine, mais du désir de vivre dans des conditions dignes et humaines, et leur légitimité ne fait pas de doute. Ces objectifs sont au nombre de trois :

  1. Fin de l’occupation et de la colonisation de toutes les terres arabes et démantèlement du mur.
  2. Reconnaissance du droit fondamental des citoyens arabo-palestiniens d’Israël à une égalité totale.
  3. Respect, protection et soutien du droit des réfugiés palestiniens à revenir dans leurs foyers comme le stipule la résolution 194 de l’ONU.

Il est vrai qu’à première vue, les perspectives ne se montrent guère encourageantes. Dans un des virages politiques qui sont sa marque de fabrique, Trump vient de proclamer ce qui s’apparente à un véritable « droit à la colonisation » ! La loi israélienne sur l’État-nation du peuple juif institutionnalise par ailleurs ouvertement un apartheid de fait. Enfin, même dans les pseudo-négociations du temps passé, le thème du retour des réfugiés est resté tabou.

Mais comment un peuple résolu, conscient de ses droits et de ses capacités, pourrait-il baisser les bras ?

Des objectifs forts et unitaires

La force de ces objectifs vient d’abord de la manière dont ils ont été choisis et fixés : il ne s’agit pas en effet du fruit d’un compromis diplomatique laborieusement établi par en haut, mais d’une émanation directe de la population directement concernée, qui a ainsi déterminé ses propres priorités.

Leur caractère totalement laïc doit également être souligné, et bat en brèche toute propagande présentant la résistance palestinienne comme une entreprise terroriste de type islamiste.

Enfin – et ce n’est pas la moindre de leurs qualités –, ces objectifs ne posent pas comme préalable la forme étatique que pourrait prendre leur réalisation, évitant ainsi la division et l’affaiblissement conséquent qu’entraînerait l’exigence d’alignement sur la problématique d’un seul État démocratique (pour tous), de deux États distincts, ou d’un État fédéral.

Ne sont-ce pas là des bases qui peuvent obtenir l’assentiment et l’engagement de toutes celles et de tous ceux qui ont à cœur la fin du drame qui frappe les Palestiniens ?

Du rêve à la réalité

« Soyez réalistes, demandez l’impossible », disait un slogan de Mai 68. La campagne BDS va plus loin, en ce sens qu’elle propose également un moyen concret de lutte pour y parvenir. Bien sûr que les États rechignent à s’engager dans cette voie : mais n’y rechignaient-ils pas tout autant lors du lancement de la campagne de boycott contre l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid ?

Si les résultats actuels de cette campagne sont encore limités, ils ne sont toutefois pas négligeables. Ainsi que l’écrit Nathan Thrall :

« Bien que BDS n’ait pas affecté sérieusement l’économie israélienne – comparé à la campagne contre l’Afrique du Sud qui a duré des décennies – son essor a été significatif. Des investisseurs institutionnels comme le fonds de pension néerlandais PGGM et l’Église méthodiste unie se sont retirés de banques israéliennes. Des dizaines d’associations étudiantes et universitaires ont approuvé le boycott et les initiatives de retrait d’investissements. Un grand nombre de musiciens et d’artistes ont annulé leurs représentations ou se sont engagés à boycotter le pays. Bien plus encore, le mouvement BDS s’est de fait imposé en Palestine. »*

2005-2019 : cela ne fait pas encore « des décennies ». Et peut-être faudra-t-il attendre moins longtemps que pour l’Afrique du Sud. Les objectifs palestiniens ne se situent pas sur ou dans la lune. Et quand bien même les présenterait-on ainsi : il y a quelques années, n’est-on pas bel et bien parvenu à marcher sur la lune ?

Cet article de notre ami Philippe Lewandowski a été publié dans le numéro de décembre 2019 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

* Nathan Thrall, « Le mouvement BDS rebat les cartes du débat israélo-palestinien », https://orientxxi.info/magazine/le-mouvement-bds-rebat-les-cartes-du-debat-israelo-palestinien,2730, consulté le 30/11/2019.

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