GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

« Fières, vénères et pas prêtes à se taire »

On ne naît pas femme, mais on peut mourir de l’être devenue. Cette vérité, trop longtemps recouverte du voile pudique du « crime passionnel », tend à s’imposer. D’où l’affirmation, dans la sphère publique, de l’emploi du terme « féminicide », prôné inlassablement par les associations féministes depuis des années. Cette victoire sémantique en appelle d’autres. Les manifestations telles que celles qui ont eu lieu le 23 novembre dernier, concourent elles-aussi à la nécessaire prise de conscience.

Plus de 50 000 à Paris, 5 000 à Lyon, 2 000 à Toulouse comme à Strasbourg, Nantes, Lille ; mais aussi 400 à Pau, 200 à Brest, 150 à Lannion ou Limoges, 50 à Belfort, etc : pas une ville en France, ce samedi 23 novembre, où n’aitnt résonné les slogans, n’aient fleuri les pancartes dénonçant toutes les formes de violences subies par les femmes parce qu’elles sont femmes et exigeant du gouvernement des actions fortes et concrètes.

... et partout dans le monde !

Cette mobilisation, historique en France, a fait écho à de grandes manifestations partout dans le monde. Des dizaines de milliers de personnes ont défilé à Madrid, Barcelone, Saragosse et Bilbao, ainsi qu’à Bruxelles, à Rome, à Bogotá et à Istanbul où les manifestant.e.s ont été violemment gazé.e.s, ou même à Khartoum où des centaines de Soudanaises sont descendues dans la rue, ce qui était une grande première.

À Santiago du Chili, les féministes ont réalisé une performance saisissante à travers laquelle elles dénoncent en particulier l’utilisation de la violence sexuelle par la police et l’État pour que les femmes n’exercent pas leur droit à manifester. (Allez la voir sur Internet, c’est impressionnant !)

Ces manifestations autour de la journée du 25 novembre ont elles-mêmes succédé à des manifestations parfois sans précédent, comme à Johannesburg en septembre, en juin en Argentine derrière le désormais célèbre “#NiUnaMenos”, sans oublier la 3e Women’s March aux États-Unis en janvier.

« Grenelle : une déception immense »

En France, le gouvernement avait choisi cette date du 25 novembre pour clore le « Grenelle contre les violences faites aux femmes ». Après le discours d’Édouard Philippe, « la déception est aussi immense que les attentes », comme le titre le communiqué de « #NousToutes ». « Une prise de conscience salutaire, mais le gouvernement n’a pas su entendre les demandes budgétaires », observent de leur côté les associations Femmes Solidaires, Fondation des Femmes, Planning Familial, etc. « Il est temps pour le gouvernement de changer de cap car il est illusoire de penser que l'on baissera durablement les violences contre les femmes en France sans moyens supplémentaires », avertissent-elles.

En effet, alors que les associations exigeaient un budget d’un milliard d’euros, Édouard Philippe a réitéré la supercherie de Marlène Schiappa : « Le gouvernement consacrera l'année prochaine plus d'un milliard d'euros en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, dont 360 millions pour la lutte contre les violences faites aux femmes ». Mais l’on sait que près de 72 % (834 millions d’euros !) sont destinés à des programmes de solidarité internationale d’aide au développement !

Dans l’angle mort

On peut saluer positivement la prise en compte de la notion « d’emprise », ainsi que celle de « suicide forcé ». On peut se réjouir de l’élargissement des heures d’écoute de la ligne dédiée 3919, mais nous ne pouvons que souligner que certaines annonces ne sont que la reprise de mesures déjà existantes, comme le vade-mecum à destination de la police et de la gendarmerie pour le recueil des plaintes ou l’interdiction de médiation pénale en cas de violences conjugales. Mais peut-être n’était-il pas inutile de les réaffirmer pour qu’elles deviennent effectives !

Ce que nous voyons surtout, c’est que la question centrale de la protection et le suivi des femmes ayant, d’une manière ou d’une autre, signalé les violences reste tragiquement sans réponse. Pourtant, le rapport de mission remis en octobre au ministère de la Justice sur les « homicides conjugaux » (sic) met en évidence que pour 43 % des victimes, des violences conjugales antérieures avaient été dénoncées aux forces de police. Et c’est bien là que l’effort doit être décuplé en urgence. Aider le signalement – ou permettre aux professions médicales de signaler directement – ne sert à rien si cela ne déclenche pas immédiatement une prise en charge et une protection. Au contraire cela peut augmenter la mise en danger et la fragilisation de la personne. Ce même rapport souligne par exemple le peu d’« ordonnances de protection » prononcées par les juges. Et nous ne pouvons que rappeler toute l’énergie que les associations d’accompagnement des femmes victimes doivent dépenser à courir après les financements !

Alors non, le compte n’y est pas, et nous continuerons à agir et manifester pour arriver à ce que cesse ce décompte funeste des « féminicides par compagnons ou ex » que plus personne ne peut ignorer.

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu a été publié dans le numéro de décembre 2019 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

 

 

 

 

 

 

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