GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

Dans les Vosges comme ailleurs, le drame des forêts

Nos forêts venaient à peine de se remettre de la tempête de décembre 1999, qu’une double attaque les décime à nouveau. En 2000, les arbres tombés après la tempête étaient sains ; il a donc été possible de les stocker pour ne pas avoir, en plus, un problème financier à régler sur le cours du bois. Pour certaines communes rurales, il constitue en effet un élément budgétaire essentiel. Il en va tout autrement avec le drame qui se profile aujourd’hui.

Depuis plusieurs années, les hivers moins rigoureux et la sécheresse ont fortement affaibli la forêt, particulièrement celles du Grand Est. Ces arbres affaiblis sont par ailleurs attaqués par les coléoptères, notamment le scolyte qui se renforce du fait de l’élévation des températures. Le département des Vosges, premier département forestier de France (domaine aux deux tiers public), risque d’être décimé par cette double attaque. Ses arbres meurent de soif, victimes de la sécheresse de 2018. La canicule précoce et le déficit hydrique de ce début d’été accélèrent le mécanisme et augurent du pire pour le printemps 2020.

On abat bien les sapins

Nos arbres absorbent aujourd’hui environ 12 % de nos émissions annuelles de CO2, captées par photosynthèse et stockées dans les troncs, les branches et les racines des arbres, ainsi que dans les sols. Un taux de prélèvement de bois plus important aura pour conséquence de réduire son potentiel d’absorption par rapport à la gestion forestière des décennies passées et d’aggraver encore plus le réchauffement climatique.

À ces problèmes vient s’ajouter une question financière. Pour certaines communes rurales des Vosges, il n’est pas rare que la surface de la forêt excède celle de la commune elle-même. Une forêt se gère sur une période de 25 ans avec des coupes régulières, en lien avec l’Office national des forêts (ONF). Avec cette catastrophe annoncée, des coupes importantes doivent se faire rapidement. Certaines communes vont devoir laisser partir des parts importantes de leurs forêts. Avec pour conséquences une chute des cours et une impossibilité de stocker comme en 2000 car, cette fois, les arbres sont malades. Des surfaces décimées, une chute des cours, des moyens alloués pour trouver des essences compatibles avec le réchauffement climatique : tout annonce une longue période de difficultés financières pour ces communes.

On peut estimer qu’en France 60 000 ha sont sinistrés. Si on y ajoute les surfaces de la forêt privée, plus difficiles à estimer en raison d’un grand morcellement, on dépasse les 100 000 ha, soit l’équivalent de 20 % d’un département français. Avec une valeur qui est passée de 60 à 15 €/m³ en moyenne pour l’épicéa, cela représente une perte financière considérable pour les communes forestières.

Larmes de crocodile

Une bonne gestion de la forêt est un placement essentiel pour nos communes. On considère qu’une forêt peut rapporter 10 % pour le budget communal annuel et qu’au bout de 25 ans, le capital est toujours là. Sauver la forêt est donc essentiel.

Des fonds viennent d’être débloqués par la région du Grand Est et le ministère de l’Agriculture, mais nous sommes loin du compte. Des élus ont alerté le gouvernement. « Une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle apparaît comme primordiale pour agir vite et mettre en place aujourd’hui, pour demain, les mesures les plus efficaces pour le maintien de la filière et l’avenir de nos forêts. Ces dernières sont d’ores et déjà à recréer avec de nouvelles essences adaptées aux changements climatiques », a par exemple déclaré le sénateur LR Jackie Pierre.

L’État s’émeut des incendies en Sibérie et en Amazonie, mais devrait surtout aussi pour aider les forêts françaises à faire face aux conséquences du changement climatique

Sauvons nos forêts !

La forêt est la première victime du changement climatique ; elle est aussi une partie de la solution ! Les politiques de lutte contre le changement climatique comprennent la réduction de l’usage des énergies fossiles et l’augmentation du stockage du carbone par les forêts. Réduire les émissions de CO2 implique de verdir notre économie

À l’inverse des paysages agricoles, la forêt a conservé une biodiversité correcte. Elle joue également un rôle fondamental dans le cycle de l’eau. La couverture forestière assure une protection efficace contre l’érosion et les glissements de terrain en montagne. C’est parce que la forêt doit continuer à remplir toutes ces fonctions, au premier rang desquelles le stockage du carbone, qu’il faut accompagner cette vaste mutation végétale.

Les forestiers doivent rapidement inventer de nouveaux modes de gestion associant essences locales et plantations de variétés provenant de régions plus méridionales. Pour reconstituer les zones sinistrées, il faudra consacrer des moyens très importants.

On peut estimer que la reconstitution des 100 000 ha de forêt d’ores et déjà condamnés, nécessitera un investissement de 3 500 €/ha, montant pouvant même dépasser 5 000 €/ha s’il faut protéger les plants contre les cervidés devenus surabondants. L’ensemble de ces travaux correspond à un budget de 350 à 500 millions d’euros au minimum. Nous sommes donc loin des 16 millions d’euros alloués par le ministère de l’Agriculture !

Cet article de notre camarade Jean-Pierre Coté et de Jean-Marie Lalandre (conseiller régional socialiste de la région Grand Est) a été publié dans le numéro de décembre 2019 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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