GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

L’université n’est pas une tour d’ivoire !

Les universités – personnels enseignant et administratif, doctorants – ne sont pas en reste pour manifester un peu partout en France contre la réforme des retraites que veut nous imposer le gouvernement Macron-Philippe. Elle a pour but essentiel de casser le système par répartition pour favoriser la capitalisation boursière et s’ajoute à toutes celles qui, depuis quelques années, mettent à mal le Code du travail, l’assurance chômage et la protection sociale en général.

Fait nouveau, non seulement les universités bougent, mais des labos, des revues, des UMR (Unités mixtes de recherche), des associations savantes se mettent en grève.

Contre la retraite à points

Les enseignants-chercheurs sont bien entendu concernés au premier chef par cette réforme parce qu’ils commencent souvent à avoir un traitement stable à plus de trente ans, et encore, quand ils ont la chance de décrocher un poste, et cela après avoir fait des études longues et être passés par des contrats plus ou moins précaires. Ils font partie de ces gens qui ont des carrières heurtées ; or l’équation est simple : mauvaise carrière = mauvaise retraite. C’est la double peine pour tous les jeunes qui aujourd’hui voudraient faire leur carrière professionnelle à l’université.

La plupart des étudiantes et des étudiants présents dans le mouvement sont pour la plupart des doctorants, ceux de première année n’y sont souvent pas. C’est certainement là que le bât blesse. Il faut donc les informer encore et toujours, leur expliquer ce qu’est une retraite à points, leur répéter inlassablement que cela concerne sans doute leurs parents, mais eux aussi à plus ou moins long terme. Les enseignantes réfléchissent à des moyens d’action ou les ont déjà mis en œuvre : motions, rétention de notes, grève administrative, demande de report des examens, etc.

Loi de programmation

Une grande partie des universitaires sont aussi vent debout contre la future Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Les rapports préparatoires de cette loi préfigurent plus de précarité et plus d’inégalités entre les établissements et les personnels.

Que l’université fonctionne déjà aujourd’hui avec des doctorants, voire des maîtres de conférences (MCF) contractuels – ce qui était inimaginable il y a une dizaine d’années – n’est un secret pour personne. Mais il s’agit, avec cette nouvelle loi, de créer de nouveaux contrats précaires : CDI-chantier (sic !) pour le temps d’un projet, MCF tenure track (re-sic !) qui est en fait une titularisation conditionnelle pour 6 ou 7 ans, inspirée des universités américaines, possibilité de recruter sans la qualification par le CNU (Conseil national des universités), modulation de services obligatoire en fonction des besoins de chaque UFR (Unité de formation et de recherche), renforcement de la logique d’appels à projets comme mode de financement de la recherche et augmentation de la concurrence entre unités de recherche, etc.

On a affaire là, ni plus, ni moins, à une casse du service public de l’enseignement supérieur, casse à l’œuvre depuis quelques années : les universités et les organismes de recherche sont parmi les organismes publics qui comptent le plus d’agents précaires et de contractuels (35 % pour les universités, 25 % pour les organismes de recherche). Les signataires des différentes motions réclament au contraire un recrutement massif de titulaires (enseignants, enseignants-chercheurs et personnels administratifs), une revalorisation des rémunérations, une véritable démocratie universitaire (c’est-à-dire l’arrêt du contournement des instances nationales d’évaluation par les pairs, telles que le CNU ou le Comité national du CNRS), et des mesures efficaces de lutte contre la précarité étudiante (revalorisation des bourses à court terme, création d’un salaire étudiant à moyen terme, création de logements étudiants salubres et à faible loyer...).

Réforme de la formation (saison 3*)

Enfin, last but not least, il est à nouveau question d’une réforme de la formation des enseignants, bidouillée une fois de plus à la va-vite, sans concertation, en exigeant des enseignants de l’INSPÉ (ex-ÉSPÉ qui avait eux-mêmes pris la suite des IUFM) de concevoir des maquettes dans des délais intenables. Cette énième réforme accentue encore la surcharge de travail des étudiants en Master 2, dégrade les conditions d’études, la qualité de la formation et menace l’attractivité du métier d’enseignant qui n’a pas besoin de cela ! Sans compter qu’elle n’apporte aucune garantie sur le nombre de supports de stages. Petite victoire : Blanquer a annoncé le 16 janvier le report de la réforme. Il semblerait que la mobilisation ait payé, mais jusqu’à quand ?

L’université doit être un lieu ouvert à toutes et tous ; c’est pourquoi nous nous étions battus contre Parcoursup il y a deux ans. Un lieu, par ailleurs, où le principe de solidarité avec tous les secteurs de la Fonction publique doit être la règle. La lutte des cheminots, des agents publics et de tous les travailleurs, c’est aussi celle des enseignants-chercheurs qui – contrairement à ce qu’on pourrait croire –  ne vivent pas retirés dans une tour d’ivoire !

* J’emprunte cette boutade à SLU (Sauvons l’Université).

Cet article de notre camarade Dominique Batoux a été publié dans le numéro de janvier de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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