GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Palestine : Désamours et nécessités

Lorsqu’on parle des Palestiniens, ne citer que l’Autorité palestinienne et le Hamas constitue un raccourci aussi insuffisant que trompeur. D’une part, parce que c’est ignorer la réalité d’une résistance menée par un peuple dont la créativité, la capacité d’initiative et d’auto-organisation s’avèrent remarquables. Et d’autre part, parce que c’est passer sous silence les relations complexes, voire conflictuelles, qui existent entre ce dernier et les instances ou organisations officielles censées le représenter.

La compréhension de ces relations offre en revanche une possibilité de défendre des positions à l’abri de déclarations propagandistes de tous bords. Tâchons d’y voir plus clair.

Les dernières élections législatives palestiniennes datent de 2006. Ce qui signifie que le terme du mandat de Mahmoud Abbas en tant que président élu de l’Autorité palestinienne a été dépassé depuis près de dix ans. Et la direction du Hamas, qui a pris le contrôle de la bande de Gaza pour prévenir un coup de force de Dahlan1, ne peut, elle non plus, prétendre à une représentativité issue d’une consultation électorale récente.

Si décembre 2019 a vu des rencontres destinées à préparer l’organisation de nouvelles élections, elles se heurtent cependant au refus persistant d’Israël d’autoriser les Palestiniens de Jérusalem-Est tant de voter que de se présenter. Le statu quo actuel risque donc fort de se prolonger.

Critiques actuelles

Manœuvres politiciennes et crispations autoritaires peuvent dès lors s’épanouir. La dissolution du Conseil législatif palestinien (dans lequel le Fatah disposait de 43 sièges sur 132, alors que le Hamas en avait gagné 76) accroît le pouvoir d’Abbas, qui depuis longtemps gouvernait par décrets présidentiels ; il semble se diriger vers une réactivation du Comité central de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dans lequel le Hamas n’est pas présent.

Dans un sondage cité par Al-Shabaka, « près des deux tiers des personnes interrogées » affirment « souhait[er] la démission d’Abbas » et se disent « insatisfaites de sa gouvernance »2.

L’Autorité palestinienne est de plus en plus critiquée pour sa corruption, sa répression de toute opposition, et son incapacité de résister aux pressions israéliennes. Mais elle n’a pas le monopole des mesures coercitives. Un institut de sondage de Ramallah a ainsi pu établir qu’à la question de savoir si l’on pouvait critiquer le régime sans crainte en Cisjordanie, 40 % des sondés répondaient oui, mais 57 % disaient que non. La même question, dans la bande de Gaza, a donné 44 % de oui et 52 % de non. Dans les deux cas, la méfiance reste majoritaire3.

Nécessités politiques

En dépit de ces critiques, les Palestiniens savent qu’ils ont besoin de s’unir non seulement pour faire vivre leur propre démocratie, mais aussi pour pouvoir envisager des perspectives qui ne soient pas que de vains discours. Tout espoir n’est pas perdu, et cette exigence s’est tout récemment traduite lors des célébrations du 55e anniversaire de la naissance du Fatah, organisées dans la bande de Gaza avec l’autorisation du Hamas, où « c’est un message d’unité que beaucoup de Palestiniens ont voulu faire entendre, comme cette femme qui porte le keffieh cher à Yasser Arafat : “Notre message d’aujourd'hui part de la rue Al-Wahdat, (qui veut dire unité [ndlr]). C’est un message à toutes nos factions palestiniennes. C’est le message de l’unité nationale et de son retour à l’occasion du cinquante-cinquième anniversaire” »4.

Cette unité est combattue par le gouvernement israélien dont les craintes sont illustrées par la « neutralisation » (exil forcé, emprisonnement isolé, assassinats ciblés) des personnalités les plus susceptibles de mener à bien cette tâche. Comment ne pas penser ici à Marwan Barghouti, initiateur du « Document des prisonniers » de 2006, condamné à cinq peines de perpétuité5 ?

Cette unité contribuerait sans nul doute à combler le fossé existant entre organisations politiques et résistance populaire.

Cet article de notre ami Philippe Lewandowski a été publié dans le numéro de janvier de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

1.Alexis Varende, « Les Palestiniens ont-ils besoin de Mohammed Dahlan ? », https://orientxxi.info/magazine/les-palestiniens-ont-ils-besoin-de-mohammed-dahlan,0579.

2.Dana el-Kurd, « C’est le moment ou jamais de restructurer l’Autorité palestinienne », http://www.chroniquepalestine.com/moment-ou-jamais-restructurer-autorite-palestinienne.

3.Amira Hass, « “Palestinian Authority Is Tyrannical”: Joint Gaza, West Bank Conference Amps Criticism of Abbas and Hamas », https://www.haaretz.com/middle-east-news/palestinians/.premium-joint-gaza-west-bank-conference-amps-criticism-of-abbas-and-hamas-1.7451598.

4.Maxime Biosse Duplan, « Le Fatah fête ses 55 ans et espère l'unité palestinienne », https://fr.euronews.com/2020/01/01/le-fatah-fete-ses-55-ans-et-espere-l-unite-palestinienne.

5.Ce document avait été signé par des représentants du Fatah, du Hamas, du FPLP, du FDLP, ainsi que du Jihad islamique (https://www.lapaixmaintenant.org/le-document-des-prisonniers

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